• Bon nombre de journalistes réfutent la désignation, au sein de ladite instance, de certains noms. Deux membres, représentant l'Instance nationale indépendante pour l'information et la communication, à savoir M. Kamel Laâbidi et M. Neji Bghouri, ont tenu hier, au siège du Conseil supérieur de la communication, le premier point de presse de cet organisme en herbe. Les journalistes relevant des différents organismes de presse nationaux ont répondu présent non seulement pour couvrir l'évènement mais aussi – et surtout — pour faire part de leur inquiétude quant à la situation actuelle de la presse nationale et afin de demander quelques éclaircissements en ce qui concerne la mission, les angles d'intervention, les membres, la transparence et la crédibilité de cet organisme. Prenant d'abord la parole, M. Kamel Laâbidi, responsable chargé de l'Instance nationale indépendante de l'information et de la communication, a rendu un hommage aux martyrs et aux militants de la révolution populaire. Il a insisté, également, sur le rôle capital que doivent jouer les médias pour instaurer les principes de liberté d'expression et de presse et contribuer ainsi au renforcement des acquis de la révolution. Il n'a pas hésité à citer les noms des journalistes qui ont milité pour la liberté de presse et qui, malgré l'oppression, n'ont pas cédé à la dictature de l'ancien régime. Parmi ces personnalités, il a cité MM. Zouhaier Yahyaoui, Omor Shabou, Hamadi Jebali, Abdallah Zouaoui, Taoufik Ben Brik, El Fahem Bou Kaddous, etc. M. Laâbidi a, en outre, salué les efforts fournis par maintes institutions et organisations non gouvernementales qui ont tenté de soutenir les journalistes tunisiens dans un contexte politique opprimant, tel l'Observatoire de la liberté de presse, d'édition ou encore la Commission tunisienne pour la protection des journalistes. Implication impérative des journalistes et de la société civile Revenant sur la genèse de cette instance nationale, M. Laâbidi a indiqué que l'acceptation d'une telle responsabilité a été conditionnée par plusieurs critères qu'il juge capitaux. «On ne peut aucunement réformer le secteur de l'information et de la communication sans l'implication effective des journalistes. C'est à eux, en effet, d'évaluer l'état des lieux du secteur et de proposer les solutions qu'ils jugent comme étant pertinentes et prioritaires», affirme l'orateur. Et d'ajouter qu'il est nécessaire, pour construire la Tunisie d'après-14 janvier sur des bases solides, d'examiner minutieusement les expériences internationales en matière de mise en place des jalons de la liberté d'expression et d'un paysage médiatique indépendant. M. Laâbidi a insisté sur l'indépendance de l'Instance nationale, loin de toute intrusion politique. Il a souligné que les éventuelles recommandations de ladite instance seront publiées afin que tous les Tunisiens soient informés sur les nouvelles bases de la presse en Tunisie. Les interventions des représentants des médias ont reflété l'inquiétude quasi générale quant à l'orientation floue et indécise de l'information. Certains ont déploré le dérapage médiatique et la passivité du Syndicat des journalistes tunisiens dans un contexte général critique. D'autres se sont interrogés sur la nature du pouvoir ( consultatif ou législatif) qu'exercera cette instance sur le secteur de l'information et de la communication. Ils ont sollicité des éclaircissements quant à la collaboration de ladite instance avec les autres organismes tels que la commission de réforme du secteur de l'information et de la communication. Certains journalistes présents se sont indignés de la désignation, au sein de l'Instance nationale indépendante pour l'information et la communication, de responsables dont la crédibilité et l'honnêteté sont à débattre. En réponse à ces interrogations, M. Laâbidi a indiqué que ladite instance œuvrera en parfaite complémentarité avec la commission de réforme du secteur de l'information et de la communication, dans la mesure où la commission se chargera de l'aspect législatif alors que l'instance permettra, de son côté, l'échange d'opinions et la formulation des recommandations. «Nous tenons, contrairement à certains pays, à garantir les droits des journalistes, et ce, par le biais d'une législation protégeant les hommes de ce métier. Aussi, des organismes seront mis en place afin de régler les éventuels problèmes qui peuvent surgir entre les journalistes et certaines institutions gouvernementales. Parmi les organismes internationaux mis en place dans ce sens, l'on cite le conseil de presse en Afrique du Sud ou encore la commission des plaintes en Grande-Bretagne», explique M. Laâbidi. Il ajoute que les membres de l'instance se réuniront prochainement pour cerner les priorités et annoncer les recommandations qui s'ensuivront. Pour sa part, M. Neji Bghouri a insisté sur la nécessité d'enrichir le paysage médiatique par la création de nouveaux organismes de presse écrite ou audiovisuelle; des organismes qui, puisant dans l'esprit de la révolution, seraient à même de donner un nouveau souffle et de transparence au secteur de l'information et de la communication. «Pour l'instant, ce sont les mêmes organismes de presse qui, jadis, faisaient l'éloge de l'ancien régime qui se sont convertis au message révolutionnaire. Or, perdre de nouveau la confiance du lectorat constituerait, certainement, un second suicide pour le journalisme en Tunisie», souligne M. Bghouri. Les travaux de ce point de presse se sont poursuivis non sans un air de tension sur fond de sit-in du personnel du Conseil supérieur de la communication. Ces derniers se sont trouvés quasiment exclus de cette instance ignorant leur sort.