Facebook, le plus célèbre réseau social du monde, qui a joué et joue encore un rôle considérable dans les révolutions en cours, a quand même échoué aux Oscars 2011. Lors de la 83e cérémonie des Oscars qui a eu lieu dimanche dernier, The Social Network, le film de David Fincher, qui relate la création de FaceBook, a été nominé huit fois, pour ne gagner à la fin que trois Oscars : meilleurs adaptation, musique et montage. Cette œuvre, jugée par les critiques français comme incroyablement moderne et actuelle, est quand même passée à côté des récompenses majeures. L'Académie a plutôt choisi Le discours d'un roi (douze nominations) de Tom Hooper pour l'Oscar du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (Colin Firth), et meilleur scénario original. «Un film, certes, de qualité, mais d'un classicisme tel, sur le fond et sur la forme, qu'il aurait pu être réalisé n'importe quand dans les 80 dernières années», écrit un critique dans Fluctual.net. «Si nous avons tant aimé The Social Network, ajoute-t-il, ce n'est pas uniquement pour son écriture au cordeau, sa brillante réalisation, son jeu d'acteur bluffant. C'est aussi et peut-être surtout parce qu'il parlait de nous, de nos usages, de notre présent». Et comment il parle de notre présent! Il y a trois jours encore, en zappant, nous sommes tombés sur l'émission de France 5 «Le monde en face» qui, après avoir passé un documentaire sur le «machiavélisme» du Colonel libyen, intitulé Kadhafi, notre meilleur ennemi, nous a permis de faire la connaissance d'un jeune Libyen exilé en Suisse, un des leaders de l'E-Révolution. Sa page sur Facebook, appelant au soulèvement, a réuni des milliers de visiteurs libyens qui sont passés à l'acte. C'est encore une fois grâce au «social network», que la molle résignation d'un peuple se transforme en un combat sans merci contre la dictature et la tyrannie. Ni Ben Ali, ni Moubarak, ni Khadhafi ne s'y attendaient. C'est à croire que ces derniers ont asservi leurs peuples pour les contraindre à être libres. C'est à croire aussi que l'Académie des Oscars ne réalise pas encore ce qui s'est passé et ce qui est en train de se passer dans l'«autre» monde. La réalité dépasse désormais de loin leurs fictions. Et quand un film tombe à pic, on l'ignore et on passe à côté du symbole artistique de l'année. Cette indifférence, si l'on ose dire, se ressent dans la cérémonie de cette 83e session. A aucun moment (à moins qu'on ait raté un épisode), il n'y a eu allusion aux révolutions en cours dans le monde arabe, ni dans les speechs des gagnants ni dans ceux des présentateurs. Comme si le monde réel ne les concerne pas. Les artistes américains sont-ils redevenus ces Américains, Messieurs. Tout-le-Monde qui ne quittent jamais leurs quartiers et qui ignorent où se trouve la statue de la Liberté et le MacDonald le plus proche? Les anti-Bush, les Shean Penn et les Vanessa Redgrave, militants et défenseurs de la liberté et de la justice, ont brillé ce soir-là, par leur absence. Mais qui sait ? Un jour peut-être, ces derniers remettront la statuette dorée du meilleur film à un réalisateur de Tunisie, d'Egypte, de Libye, du Bahreïn ou du Yémen…Nous voyons venir un chef-d'œuvre qui bouleversera toutes les croyances, intitulé : «La farce tragique»…