Affaire "Complot contre la sûreté de l'Etat 2" : Le tribunal reporte l'audience et rejette les demandes de libération    Tunisie : Sauver le quartier consulaire, un enjeu économique autant que culturel    QNB soutient les hôpitaux « Aziza Othmana » et « Béchir Hamza »    Kasbah - Réductions sur les billets de transport et simplification des services pour les Tunisiens de l'étranger    Le gouvernement irakien décide de faire don de cinquante mille tonnes de blé à la Tunisie    Décès de Fathi Ennaïfar : l'ingénieur polytechnicien, le poète, et le soufi    Zina Jeballah : « Le Parlement est visé car il incarne la réussite du président Saïed » (Vidéo)    Mustapha Djemali et Abderrazak Krimi, un an de prison : Amnesty tire la sonnette d'alarme    Enseignement supérieur : deux nouvelles institutions en préparation à Médenine    Port-Soudan sous les drones : L'aéroport et des sites stratégiques frappés pour le troisième jour consécutif    Tunisie : Déversement du barrage de Mellegue face à l'arrivée massive d'eau depuis l'Algérie    68 % des Tunisiens écoutent la musique à un volume excessif, selon une étude nationale    Tunisie : 8% du PIB perdu chaque année à cause du désengagement au travail    Diaspora tunisienne : Transferts de 120 dollars par mois, bien en dessous des 200 dollars de la moyenne mondiale    Orange Tunisie inaugure un nouveau Data Center à Sousse pour répondre aux enjeux numériques de demain (Vidéo)    Allemagne : Merz devait mener le combat contre Trump, il chute au Parlement, très mauvais pour le pays et l'UE    Josef Renggli salue l'engagement de Roche et renforce les liens de la Suisse avec la Tunisie    Plus de 4,5 milliards de dinars de recettes issues des TRE et du tourisme    Drame à Menzel Bouzelfa : Un élève met le feu à son lycée    Festival « Thysdrus » : El Jem célèbre les romains ce week-end    Migration : la Tunisie réaffirme son refus d'être un pays de transit    Grand Tunis : grève générale des chauffeurs de taxi individuel le 19 mai    26 personnes, dont 3 femmes, arrêtées après des saisies de cocaïne et de cannabis    Masters 1000 de Rome : Ons Jabeur espère rééditer son exploit de 2022    Natation : la Tunisie accueille le 8e Open Masters avec 18 pays représentés    Tunisie–BAD : L'ARP examine un crédit de 80 millions d'euros pour la modernisation du réseau routier    Complot contre la sûreté de l'Etat 2 : début du procès de figures politiques tunisiennes    Le Prince Harry privé de protection policière lors de ses séjours au Royaume-Uni    L'ambassadeur français sort, l'Algérie ferme la porte, Macron regarde ailleurs : l'Egypte, les chercheurs américains éjectés par Trump…    Par Habib Ben Salha : La Bsissa prend la route de l'UNESCO    ES Sahel : soutien à Ben Amor après une violente agression à Sousse    Crise des médias : 82 % des Tunisiens pointent du doigt les chroniqueurs    Retailleau durcit les conditions d'accès à la nationalité française    Youssef Mimouni condamné à deux ans de prison    Météo : Averses isolées au nord et au centre et températures maximales entre 21 et 38 degrés    Sami Mokadem : la 39e édition de la Foire du livre était un échec !    Le taux d'inflation baisse légèrement et s'établit à 5,6%    Recevant la cheffe du Gouvernement : Le Chef de l'Etat insiste sur un projet de loi de finances à vocation sociale    Volley-Coupe de Tunisie: L'Espérance ST rejoint l'Etoile du Sahel en finale    L'EST remporte le classico : Ces petits détails....    En pleine crise de paranoïa, les fans de Saïed l'exhortent à bouder les sommets en Irak    Homo Deus au pays d'Homo Sapiens    Affluence record à la Foire du livre 2025, mais le pouvoir d'achat freine les ventes [vidéo]    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    Syrie : Après L'Exclusion De Soulef Fawakherji, Mazen Al Natour Ecarté Du Syndicat    Trump annonce des droits de douane de 100 % sur les films étrangers pour "sauver" Hollywood    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Constats immédiats et éléments de réflexion
OPINIONS - «Penser» la Révolution tunisienne (I)
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 03 - 2011


Par Salah HADJI
Il faut bien commencer par dire combien il est heureux d'assister à toutes ces myriades de voix qui ont meublé, depuis bientôt trois mois, les espaces des villes et des médias, ouverts à la faveur de la révolution au point de paraître à certains moments en encombrer l'horizon. Il est normal que les sentiments longtemps comprimés dans la nuit du silence tyrannique émergent dans les fracas, après avoir convulsé les couches les plus profondes de la subjectivité. On peut dire qu'en cette période de la vie d'une révolution, il n'existe plus aucun individu qui ne soit mis en branle par une préoccupation politique en se sentant concerné par les liens qui unissent son destin à celui de la nation, de l'Etat et de l'histoire.
Dans la période révolutionnaire que nous vivons, il est capital de comprendre que les expressions les plus créatives de la révolution se donnent nécessairement dans des images troublées par le possible qui les habite et hantées par le vertige d'un but qui est tout autant immédiat, en raison de la ressource spirituelle qui l'anime et l'illumine, qui fort éloigné du fait des menaces qui le guettent à travers les vingt-et-un masques des forces adverses. Le temps, ici, est bien celui du resserrement ainsi que de la plus grande dilatation, aussi doit-il être compté autrement qu'en jours‑: les événements qui s'y produisent simultanément étant autrement rapides. Mais toujours est-il que ce temps reste démesurément moins long que les lourdes décennies qu'a connues la Tunisie indépendante, et dont les deux dernières ont été les plus morbides.
Le tableau national, tel qu'il a retrouvé la vie au cours de cette toute dernière période, a pris, certes, les proportions d'une gigantesque tempête. Mais si l'on admet qu'un monde immonde s'est, d'ores et déjà, écroulé — ne serait-ce qu'au niveau de son sommet — et que s'en est suivi un mouvement emphatique qui s'est emparé de maints pays arabes, on se rendra bien à cette évidence que c'est bel et bien dans un pareil processus que prennent souvent place les possibilités historiques de la renaissance nationale.
Si nous empruntons cette rétrospective — ne serait-ce qu'en raccourci —, c'est sans doute en raison des représentations tout inversées qui tiennent généralement dans l'esprit commun, prenant une chose pour une autre, tel que prendre une année de peine pour une seconde de jouissance, une révolution nécessairement captive de son procès dans son devenir, œuvre créatrice d'avenir pour la figure d'un produit jeté sur le marché ou d'une anicroche n'attendant qu'à être apostrophée par je ne sais quel rappel à l'ordre‑: «Suffit‑!…», «Au travail‑!…», «Circulez‑!»… sans reste.
La grande méprise, sur ce point, la voici‑: il s'agit bien d'un oubli qui fonctionne comme armure, oubli de tous les sacrifices qui ont accompagné l'enfantement de cette révolution, de tout ce qui a fait d'elle une véritable tempête spirituelle portant haut et large le symbole de la dignité. Par cette précision, nous voudrions dénicher des schémas qui fonctionnent aux préjugés chez ceux qui se sentant tant pressés de recouvrer leur «calme» conservateur — en raison sans doute du «silence» endémique auquel ils se sont habitués — ont eu tendance à vite réduire, conséquemment, la révolution au silence en court-circuitant son parcours. Prise dans le sens que lui donne cette réception un peu trop frileuse, la révolution est naturellement appréhendée à travers le vecteur marquant de n'importe quel «produit» livré au plaisir vorace de sa consommation ou au déplaisir dédaigneux de son rejet. Dans les deux cas, la révolution réduite au silence ne répond plus‑: elle se perd dans l'oubli total et immédiat de sa provenance comme tresse dans la détresse, comme sacrifice et espoir de liberté. Aux sensibleries conservatrices, il faut bien dire que la révolution, entendue comme vitalité et créativité de tout un peuple, ne peut s'entendre que sous des points de vue aussi multiples et différents que le sont les vecteurs de réception où elle s'actualise et se focalise. Elle peut paraître comme un simple «étant» exposé au néant qui l'entoure, tout comme elle peut s'entendre comme réplique historique majeure à la réification de l'homme dans des rapports sociaux et d'échange où «les hommes ne sont rien, le produit est tout». (K. Marx).
Comment alors ne pas saisir, dans tout rapport isomorphe à la révolution, une confusion entre deux modes d'être foncièrement différents que, déjà, les Grecs depuis Aristote avaient veillé à tenir distincts‑? En effet, la vie des hommes, précise Aristote dans sa Politique, relève de l'excellence en tant qu'elle est «action» (praxis) et non pas «productions» (poiêsis). L'excellence s'oppose à l'inélégance de ce qui se limite aux besoins médiocres. En même temps qu'elle singularise, l'excellence s'inscrit dans une pluralité de sens et se meut dans une ouverture des initiatives, alors que la poiêsis reste prisonnière de l'univocité de son but immédiat qui est l'usage du produit, d'avance défini sous son rapport à l'utile. Envisagée sous le rapport du durable d'un côté et de l'éphémère de l'autre, la comparaison entre «poiêsis» et «praxis» nous révèle une autre espèce d'opposition‑: étant par définition périssable, le consommable ne peut garantir pour lui-même une durée en laissant des traces, celles-ci, entendues comme forme de «dureté» ou d'éternité, ce sont les grandes actions menées à titre d'œuvres données au monde humain par «une intensité passionnée» (H. Arendi), par une pensée de «don», qui est une pensée d'artistes et qui a quelque chose de «prophétique» (R. Barthes), qui l'assurent.
On peut, certes, rétorquer que cette intensité passionnée, proposée à tous les lieux possibles du sens — tels des «coups de dés» (S. Mallarmé) jetés comme des éclats dans la nuit de l'histoire — ne va pas sans forme de dérive, lesquelles semblent condamner la révolution à ne pouvoir naître que pour être «désolée» dès qu'elle apparaît livrée au tumulte de son enfantement. Mais n'est-ce pas cela, en définitive, qui n'a pas d'«identifiant» unique et qui fait que la révolution, une fois placée sur la scène du monde, il ne lui reste qu'à en rappeler à l'autre pour parler pour elle, à l'instar de ces myriades de jeunes qui se sont succédé sur les marches du Théâtre municipal ou qui se sont organisés en sit-in à la Place de la Kasbah, ou encore ceux qui — en apparence sur un autre banc — ont manifesté à El Menzah ont tous scandé, dans la discipline et la dignité, les voix de l'avenir dans la liberté — pour tout un pays ?
S'il est encore question de parole — du droit à la parole comme devoir de parole — à l'endroit de la Révolution tunisienne, ce n'est nullement par rapport à ce qui signe un temps révolu où «le mot est la mort de la chose» (Hegel), mais bien plutôt en rapport au dedans même du temps de cette même révolution dont les éléments de composition sont encore «flottants» parce que débridés, «sauvages», parce qu'éployés à la faveur des souffles de la créativité révolutionnaires, avant qu'une ligne d'histoire n'advienne pour inaugurer leur tresse et donner unité à ce qui, en lieu et temps de ce qui tombe, fait émerger la lumière qui s'élève.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.