Nos footballeurs se manifestent enfin. Ils affirment que plus rien ne se fera sans eux La révolution tunisienne est bien contagieuse et elle finira par tout emporter sur son passage, soit là où l'injustice a été érigée en système. Là aussi où l'illégalité a régné en maîtresse absolue, là où les opportunistes de tous bords ont planté leurs tentes pour cueillir les fruits de la notoriété et de l'appartenance à un système qui a tout démoli sur son passage. Grands bénéficiaires hier du système sauvage qui régit notre football depuis l'instauration du professionnalisme, nos footballeurs se sont réveillés avec une énorme gueule de bois pour cause de trêve forcée prolongée. Mais comme à chaque chose malheur est bon, ils se sont également réveillés avec la conscience que la gloire est fragile mais, aussi et surtout, qu'ils peuvent et doivent représenter un véritable groupe de pression, une force agissante. C'est que longtemps aveuglés et floués par les feux de la rampe, ils ont oublié que la précarité peut être au coin de la rue, au détour d'une révolution. Les vedettes se croyaient intouchables en haut de leur piédestal, alors que tous les autres vivaient avec l'illusion de pouvoir profiter éternellement d'un système qui leur accordait des largesses et des libertés interdites à la majorité de leurs compatriotes. Or, aujourd'hui, tout comme bon nombre de Tunisiens, les stars adulées du ballon rond font à leur tour connaissance avec la précarité, la peur du lendemain. Et ils se rendent compte qu'ils sont totalement démunis face à cette nouvelle réalité. Passagère, mais réelle. Pour n'avoir pas été prévenants, pour n'avoir pas été solidaires, les voilà face à leur destin… Plus rien comme avant ! Téléphone, SMS, puis facebook les ont réunis avant-hier derrière le Stade olympique d'El Menzah pour un premier rendez-vous, une première étape avant d'aller voir le ministre de la Jeunesse et des Sports. Un mot d'ordre : «Nous voulons rejouer». A huis clos ou en présence du public, ils veulent refaire le boulot pour lequel ils sont payés. Ils veulent aussi savoir où en sont les choses, ce qui se trame derrière leurs dos avec quelques-uns d'entre eux qui n'ont pas hésité à nous avouer qu'ils n'ont plus confiance en leurs présidents et qu'ils ne comprennent pas que certains d'entre eux refusent de reprendre. Sur ce qu'on a vu et entendu, on peut affirmer, sans risque de nous tromper, que le contrat de confiance présidents-joueurs est sérieusement mis à mal. On ne peut pas carrément parler de fronde, mais bien de méfiance et de prise de distance. C'est fou ce que la révolution a fait avancer les choses ! Nous aurions certes voulu qu'on n'en arrive pas là, mais le système était tellement biaisé qu'il fallait bien que ça cesse un jour ou l'autre. Ailleurs, relations et rapports sont clairs. Ici, c'est un bras de fer continu qui tournait, c'est selon, à l'avantage des joueurs ou des présidents. Dans cette jungle où tous les coups sont permis, ce sont les faibles qui payaient le prix fort. L'air du temps étant à la solidarité, les joueurs doivent certes défendre leur pain mais aussi celui de ceux qui, parmi leurs collègues, n'ont pas toujours la chance d'en manger. L'urgence est donc à une caisse de solidarité. La seconde est à la définition de leurs droits et devoirs dans un cadre juridique et sportif bien défini. La troisième est à la prévision. Gagnant trop ou trop peu, les joueurs oublient souvent le jour où ils arrêtent leur activité. En se réunissant dans une association, ils peuvent éviter les lendemains qui déchantent. En Europe et ailleurs, ce sont les clubs qui mettent à la disposition de leurs joueurs des conseillers juridiques et financiers. En attendant, nos joueurs doivent apprendre à se gérer et à s'assumer. Un premier pas a été accompli avant-hier. D'autres doivent suivre. A commencer par le terrain, nous aimerions voir à la reprise des joueurs différents. A suivre.