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Ainsi meurent les républiques !
Opinions


Par Noureddine KTARI *
Que Mohamed Bouazizi en arrive à s'immoler par le feu et déclencher un soulèvement populaire à travers tout le pays, voilà ce qui nous bouleverse. Mais il n'est pas sans intérêt de chercher à détecter d'une manière systématique ce qui n'a pas fonctionné dans la gouvernance du pays, au point de conduire à cette colère et à cette révolte.
Peut-être aboutira-t-on à une conclusion qu'il n'est pas habituelle d'énoncer, à savoir l'échec du modèle de développement socioéconomique tunisien car, en définitive, c'est bien de cela qu'il s'agit.
Mais de quel modèle et de quel développement s'agit-il ?
La discrimination régionale
Les habitants de Sidi Bouzid ou de Thala vous diront qu'il n'y a eu pour eux ni modèle ni développement.
Pour d'autres, c'est à l'arraché que certaines réalisations auront vu le jour dans leurs régions. Pour d'autres, enfin, c'est-à-dire pour les privilégiés qui détiennent le pouvoir politique effectif, le développement dans leurs régions a toujours coulé de source.
Cette disparité dans les degrés de développement apparaît comme le reflet du «modèle politique» qui a été conçu et développé depuis l'indépendance dans le cadre du parti unique.
A la base, en effet, ce modèle a toujours été miné par une maladie aussi sournoise que le diabète chez l'homme: «La discrimination régionale».
Paradoxalement, le régionalisme, reliquat de la structure tribale de notre société, a été explicitement énoncé et mis en œuvre du temps de Bourguiba, lors du congrès de Parti socialiste destourien de Monastir lorsque la «sfaxite» a été évoquée comme pour donner une consigne de vote afin d'éliminer certains.
Enoncé ? Le régionalisme était en fait institué, et faisait partie de notre culture !
La composition du comité central puis du bureau politique du parti unique, soigneusement élus puis carrément désignés, reflétait, comme la composition du gouvernement, la prédominance d'une région du centre de la frange côtière, à l'intérieur de laquelle les principales localités veilleront d'abord à assurer un équilibre entre elles.
Cet équilibre sera toujours essentiel pour le régime et il y aura crise toutes les fois qu'il sera menacé. Les autres régions se contentèrent, bon gré mal gré, de «responsabilités» politiques secondaires, relevant presque de la figuration, très inégalement réparties entre elles, d' ailleurs.
Un développement à quatre vitesses
Le schéma de développement sera le reflet de cette ségrégation régionale au niveau politique. Seules les grandes réformes sociales de Bourguiba seront profitables pour tous. Cette structure discriminatoire du pouvoir politique enfantera un développement économique et un progrès social à quatre vitesses:
— Les gouvernorats du littoral Nord-Est sur une ligne Mahdia - Msaken - Gammarth qui accapareront la part du lion (infrastructures routières et ferroviaires, zones industrielles, zones touristiques, logements…). Les investissements privés n'ont qu'à suivre et ils suivront.
— Les gouvernorats du littoral Sud : Msaken - Djerba qui bénéficieront à Sfax, à Gabès et à Djerba de certaines réalisations souvent tardives, peu cohérentes et inaptes à créer une dynamique de développement.
(L'autoroute Msaken-Sfax mettra 20 ans pour arriver à destination, si l'on ne compte qu'a partir de 1987, Taparura et le métro de Sfax, bloqués par un ministre et un conseiller zélés, attendront).
— Quant aux gouvernorats de l'intérieur, et en dehors des barrages, de l'infrastructure hydraulique et des périmètres irrigués, les investissements y sont disparates. Toujours «trop peu et trop tard» de sorte qu'aucun pôle de développement digne de ce nom n'y verra le jour malgré les richesses naturelles et les ressources humaines disponibles.
— Au bas de l'échelle, dans ces gouvernorats en particulier, des localités ignorées par les 12 plans de développement successifs et 35 années de Programmes de développement rural. C'est dans l'une d'entre elles que les citoyens n'apprendront la fuite de Ben Ali que le 17 janvier, soit 3 jours après son départ !
Le Programme de développement rural détourné
Le Programme de développement rural devait depuis les années 70 permettre une correction des inégalités régionales déjà perceptibles. Il sera cependant très vite récupéré par le régime et utilisé pour consolider les assises du parti, transformé en une association de bienfaisance comme pour pallier l'absence d'un discours politique audible et crédible.
Il sera ensuite transformé en un fonds de soutien au pouvoir, géré à partir de Carthage où il alimentera une caisse noire, et c'est alors l'apparition des projets présidentiels et des fameux «nous avons ordonné ou nous ordonnons aujourd'hui». Le programme s'apparentera à un outil de corruption politique et de manipulation des démunis invités à soutenir le pouvoir.
Cette ségrégation régionale qui a engendré une fracture sociale finira par constituer un véritable scandale moral tant l'iniquité est flagrante. Tout au long de la période 1956-2010, en effet, la politique de développement sera marquée par trois dérives principales.
La première dérive du système
La première décennie — les années 60 — comptera à son actif l'esquisse de quatre pôles industriels formant le noyau d'un secteur public ainsi que la naissance du secteur touristique.
Mais l'effort de développement se transformera en une aventure collectiviste qui ne tarda pas à se briser sur un refus populaire du système qu'elle cherchait à imposer. Aventure parce l'introduction du système coopératif par l'obligation s'est accompagné d'une radicalisation du parti, porteur d'un nouveau projet — la promotion du système coopératif — et a creusé le lit d'un Etat autoritaire et d'une administration bureaucratique qui étouffèrent les initiatives privées, mises sous tutelle.
Bureaucratique parce que l'on est passé du «tout est permis sauf ce qui est interdit» au «tout est interdit sauf ce qui est autorisé» : tout était soumis à «agrément»!
L'aventure collectiviste n'a servi ni la démocratie ni le développement régional qu'elle a entravé en raison de la désorganisation qu'elle a provoquée dans le secteur agricole encore archaïque et de l'appauvrissement des populations rurales.
C'était la première dérive du système et la première menace de rupture de l'équilibre politique établi entre les localités du Sahel ! Le centre de gravité ne serait pas déplacé !
La deuxième dérive du système
Les plans qui suivirent au cours des années 70 libérèrent les initiatives privées et l'on pouvait considérer que le pays se mettait sur une voie médiane consensuelle, si le libéralisme économique modéré institué, conciliant la création des richesses et sa redistribution, avait pu être accompagné par une ouverture politique. C'est le contraire qui se produisit. Les libéraux et les syndicalistes, chacun de son côté il est vrai, militaient pour un partage, sinon une démocratisation du pouvoir, mais ne parvenaient qu'à déclencher des crises politiques rapidement maîtrisées.
En outre, et ceci pourrait expliquer cela, le schéma de développement connut une autre dérive encore plus grave que la précédente car elle s'avéra plus durable.
En effet et parce qu'il s'agissait du village natal de Bourguiba, Monastir, un charmant village de pêcheurs, drainait vers lui, à titre prioritaire, des investissements publics considérables. Le village fut démoli et reconstruit pour être transformé en une coquette petite ville, puis devenir un chef-lieu d'un nouveau gouvernorat…
Le budget de l'Etat mais aussi celui des principales entreprises nationales étaient mis à contribution pour participer à cette opération dans le cadre de projets prioritaires à inaugurer le 3 août suivant. Une attitude qui relevait d'un régionalisme égocentrique que personne n'a jamais osé dénoncer publiquement en raison de la reconnaissance, du respect et de l'amour que tout le monde vouait à Bourguiba mais que tout le monde regrettait.
L'opération Monastir était pardonnable et probablement pardonnée au combattant suprême, père de la nation, mais son extension aux autres régions du Sahel et la poursuite d'une répartition inéquitable des investissements ne l'a pas été, et finissait par rendre l'orientation de la politique économique dangereuse. En effet, 56 ans après l'indépendance, la structure du pouvoir politique demeurant inchangée, le pays continuait à connaître ce développement à quatre vitesses et les régions déshéritées étaient de plus en plus devancées par les autres de sorte qu'à la moindre crise c'était l'explosion (1978- 1984-1987 et 2011).
Alors que dans ce que l'on peut qualifier de «rectangle des privilégiés», les populations vivaient comme sur une autre planète, la marginalisation des autres, pour reprendre le slogan des révoltés, à qui on vantait à longueur de journée des projets qui ne les concernaient pas, finissait pour devenir intolérable. Qui pourrait s'étonner de leur colère et de leur révolte ? C'était la deuxième grande dérive de la démarche.
La troisième dérive du système
A partir de 1987, c'est au tour du régionalisme dictatorial et mafieux de se superposer aux injustices antérieures. Il triompha de tout et de tous au point qu'il fut difficile d'évoquer un quelconque schéma de développement.
Trois concepts avaient une nouvelle définition :
— La région était celle qui convenait à la famille régnante, enfants, gendres, parents, alliés, amis et associés ! Le pouvoir ne se souciait nullement de corriger les déséquilibres régionaux.
— La privatisation des entreprises du secteur public recommandée par le FMI et la Banque mondiale ressemblait à une distribution des bijoux de famille ! Elle était étendue à certaines des entreprises privées parmi les plus juteuses, dont les propriétaires étaient dépossédés avec très peu de scrupules.
— Quant aux terres domaniales agricoles, elles étaient déclarées ''halal'' pour les membres du clan et utilisées comme moyen d'obtenir des crédits bancaires en vue de leur transfert à l'étranger une fois la construction de leurs palais achevée.
Et la corruption de s'installer comme outil de promotion des affaires, au grand jour et sans pudeur ! Et comme elle implique des corrompus et des corrupteurs, c'est tout un pan de la société qui s'y trouvait impliqué, contaminé !
Le cancer de la corruption et de l'abus de pouvoir ébranla les institutions qui commençaient à fonctionner en dehors de toutes considérations légales et réglementaires. L'Etat est menacé. Tout se passe comme si on s'orientait vers une Jamahiriya. Ben Ali n'a pas le sens de l'Etat.
Nous sommes devant une dérive institutionnelle et morale à l'échelle nationale
L'impasse
La conséquence fut l'arrêt pur et simple de tout investissement privé significatif sauf dans l'immobilier
La Tunisie était alors réduite à une plateforme d'investissement pour accueillir les industries européennes en quête de délocalisation. Mais personne ne pouvait dire combien d'investisseurs étrangers ont renoncé à s'installer en Tunisie pour risque d'escroquerie.
Or, à fin 2010, on comptait déjà plus de 500.000 demandeurs d'emploi non satisfaits dont plus de 150.000 diplômés de l'enseignement supérieur !
Le ralentissement des investissements et du rythme de création d'emploi heurtèrent de plein fouet les populations. L'impasse était arithmétiquement inéluctable. L'ascenseur social est en panne, notamment dans les régions de l'intérieur . C'est l'échec du modèle de développement économique et social.
Au cours des deux décennies écoulées, plutôt que de chercher à assurer un développement réel, généralisé et équitable, le pouvoir a cherché à enrichir rapidement sa tribu et à la greffer à la classe de la bourgeoisie traditionnelle et des hommes d'affaires, une greffe par l'argent. Comme pris d'un vent de folie, il ne se rendait pas compte que la notoriété ne s'acquiert ni par le système bancaire, ni par la conservation foncière, ni par la bourse, cette troisième dérive sera mortelle pour la 1ère République Tunisienne.
La 1ère République s'était dotée d'une Constitution qui pouvait tenir la route. Elle s'est constituée autour d'une équipe d'hommes de grande valeur morale, d'un véritable projet, et d'un ensemble de valeurs qui devaient être respectées. Elles ne l'ont pas toujours été ! Malheureusement ! A raison de deux législatures de 5 ans en moyenne par président, nous aurions dû être à notre 6e président. Nous n'en sommes qu'à notre 2e, difficilement ! La dignité n'a pas été assurée pour tous. Pour reprendre Georges Orwell, on dira qu'«au départ les Tunisiens étaient tous égaux, mais certains d'entre eux s'avèreront être plus égaux que d'autres».
Pour la 2e République, nous savons maintenant que nous n'avons plus besoin d'un «patron» et par conséquent, pas de régime présidentiel. Par expérience, c'est trop dangereux !
Nous savons aussi que la République ne devra plus être celle d'une région ni d'un clan et qu'elle devra s'attacher immédiatement à corriger les dérives du passé pour assurer un développement économique et un progrès social équitables et sans discrimination.
Prochain article :
Dégage, et après?


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