Opaques même pour leurs vacances    Absence de Noureddine Taboubi : qui assure la direction de l'UGTT ?    Quand le monde échappe aux cartes : pour une géopolitique de la complexité    Alerte en Tunisie : Gafsa en tête des coupures d'eau    Transport public : la grève reportée    Une chance à ne pas rater : 115 bourses pour les étudiants tunisiens au Maroc et en Algérie    Hammamet interdit Quads, Motos et animaux sur ses plages    FIC 2025 : une soirée de liesse et de ferveur pour l'artiste palestinien Saint levant    Inclusion financière de la femme : l'Etat préfère donner la parole aux hommes    Succession dans le camp MAGA : Trump adoube JD Vance pour 2028    Consulat tunisien à Benghazi : ouverture officielle !    Tech Day Kia PV5 : la technologie au service d'une mobilité sans limites    Diaspora et tourisme : les recettes dépassent les neuf milliards de dinars en sept mois    BIGTECH Africa Expo 2025 : le grand salon de la technologie et de l'IA en Afrique de retour    Orientation universitaire : Mohamed Abidi réintégré en médecine, d'autres cas corrigés    Remboursements abusifs : quand des vacanciers transforment leurs séjours en arnaques    Ahmed Jaouadi, l'or dans les bras, l'ingratitude sur le dos    Hiroshima : 80 ans après, un souvenir à jamais gravé    Donneurs par défaut, refus familial, loi de 1991 : les paradoxes du système tunisien de greffe    Investissements agricoles responsables : la FAO forme les encadrants pour mieux accompagner les agri-entrepreneurs    10ème édition du Festival Maraya El Founoun : un anniversaire sous le signe de l'art et de l'échange    « Koum Tara » à la 59eme édition du Festival International de Hammamet    Décès : Nedra LABASSI    Des feux de forêt ravagent la France et l'Espagne et causent un mort et plusieurs blessés    Snit et Sprols: vente par facilités et location-vente    Karim Nebli revient sur une plainte pour viol déposée par une touriste britannique à Sousse    À la recherche d'un emploi ? L'ANETI est désormais entièrement en ligne    A l'occasion du Mondial féminin : une délégation tunisienne au Royaume-Uni pour la promotion du rugby féminin    Création d'un consulat de Tunisie à Benghazi en Libye    Moins d'inflation, mais des prix toujours en hausse !    Création d'un consulat général de Tunisie à Benghazi    Météo : des températures jusqu'à 37 °C dans le sud !    Kaïs Saïed, Ahmed Jaouadi, mosquée Zitouna…Les 5 infos de la journée    Tennis de table – Championnats d'Afrique (U19) : Wassim Essid médaillé d'or    Vague d'indignation après le retour ignoré d'Ahmed Jaouadi    Reconnaissance de la Palestine: l'Italie pose ses conditions    Jusqu'à 200 000 dinars d'amendes : un nouveau projet de loi pour la protection des données personnelles    Le Comité National Olympique accueille avec fierté Jaouadi    Ahmed Jaouadi rentre à Tunis sans accueil officiel    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Des ministères plus réactifs que d'autres à la communication du président de la République    Un séisme de magnitude 5,7 secoue le sud de l'Iran    Ahmed Jaouadi champion du monde à nouveau à Singapour dans la catégorie 1500 m NL (vidéo)    La Nuit des Chefs au Festival Carthage 2025 : la magie de la musique classique a fait vibrer les cœurs    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    Mohammed VI appelle à un dialogue franc avec l'Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entretenir la singularité tunisienne
Publié dans Leaders le 16 - 10 - 2011

Depuis quelques milliers d'années, un vent de singularité souffle sur notre pays et je forme le vœu ardent que notre révolution de la dignité entretiendra cette singularité et lui redonnera même un peu de la force qui lui a manqué depuis 10 ou 15 ans.
Notre histoire, en elle-même, est déjà singulière. Pourquoi une poignée de navigateurs phéniciens ont-ils choisi notre Carthage pour y faire, en se mêlant aux populations berbères locales, l'un des plus grands ports de Méditerranée ? Pourquoi les Arabes, sur leur chemin conquérant vers le Maghreb, décident-ils de fonder dans notre Kairouan la plus grande mosquée d'Afrique du nord ? Par quel choix singulier l'ancien nom de notre pays – Ifriqiya – est-il devenu le nom de tout notre continent ? Comment notre pays a-t-il obtenu ce statut de protectorat – quand nos voisins étaient des colonies voire de simples départements français – et comment a-t-il su être l'un des tous premiers à s'en débarrasser ? Plus récemment, pourquoi notre pays est-il le premier pays arabe et africain à se défaire rapidement, par la seule volonté de son peuple, d'une dictature incompatible avec la maturité de ce peuple ?
Notre géographie n'est pas moins singulière, si l'on veut bien considérer la douceur de notre climat, l'enchantement de notre façade maritime, la générosité de notre terre, ancien grenier à blé de Rome, quand ce n'est pas l'abondance des pluies, et la forme-même de notre territoire, pointu dans son sud, comme s'il voulait s'insérer dans l'Afrique, et tourné vers la Méditerranée et l'Europe, éclaireur au nord de tout un continent.
A l'heure où nous faisons, pour notre avenir, des choix majeurs et structurant, nous devons garder à l'esprit que notre Tunisie est singulière et qu'elle doit demeurer différente. Et nous devons nous interroger sur la nature de cette différence, et ses raisons.
Au-delà de son histoire et de sa géographie, ou peut-être grâce à l'une et à l'autre, notre pays a cette particularité d'avoir toujours su bâtir harmonieusement un modèle propre, en s'inspirant des influences qui s'offraient à lui. Comme d'autres, nous sommes revendiqués à la fois par le monde musulman, la grande communauté des Arabes, le continent africain, les pays émergents, le monde méditerranéen, l'Europe, etc. Mais là où certains confrontent ces influences dans le désordre où alternent des décisions brutales, la Tunisie a su construire son histoire propre en établissant progressivement une synthèse harmonieuse de ces influences.
Bourguiba, bien entendu, incarne à merveille cet équilibre entre toutes les influences qui inspirent notre histoire en permanence. Il a su trouver les compromis permanents dans la sphère politique (avec un bon équilibre, pour l'époque, entre autoritarisme présidentiel et encadrement parlementaire), dans le droit des personnes (avec ce code du statut personnel si moderne ou la scolarisation obligatoire). Il a su avancer quand il le jugeait possible (le droit de vote aux femmes) et reculer quand il fallait préserver l'équilibre entre les influences (sur l'héritage, par exemple). Il a même su être ambigu lorsqu'il l'estimait nécessaire, comme l'illustre à merveille l'Article 1 de la Constitution de 59.
La Tunisie de Bourguiba a ainsi prodigieusement conforté la singularité tunisienne : grâce à toutes les politiques menées depuis l'indépendance, notre pays est – encore aujourd'hui - en tête dans de nombreux domaines aussi bien politique (droit de vote des femmes) que social (alphabétisation, mortalité infantile, …). Elle explique que nos deux grands voisins algérien et libyen, pourtant si riches, envoient chaque année des milliers de touristes dans notre pays.
Cette singularité fait aujourd'hui partie de notre patrimoine commun : riches et pauvres, citadins ou ruraux, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, notre envie de vivre ensemble, en tant que Tunisiens, est telle qu'elle nous fait accepter en permanence des compromis et des sacrifices. Elle nous unit dans l'effort, dans le travail, dans l'ambition. Même sous l'ère Ben Ali, où notre singularité a perdu de son lustre, nous avons su préserver l'essentiel. Nous avons su garder l'essentiel grâce à des femmes et des hommes de talent, grâce à une administration, pour l'essentiel, consciente de son rôle dans la permanence de l'Etat et dans la préservation des réalisations passées. C'est parce que rien de cette singularité n'a été perdu que le peuple tunisien a su initier les printemps arabes.
Mais cette singularité tunisienne, que signifie-t-elle aujourd'hui ?
Notre priorité, pour préserver notre singularité, c'est de ne pas nous disperser, nous éparpiller et perdre du temps dans une trop longue période d'atermoiements stériles, où le nécessaire débat sur notre constitution serait le prétexte à une suspension de nos activités économiques, politiques et sociales. Très vite, l'économie tunisienne doit se remettre au travail. L'équilibre démocratique sera d'autant plus facile à trouver entre nous tous que nous vivrons dans un pays riche. L'appauvrissement d'une économie rongée par la démobilisation n'a jamais favorisé la démocratie. Nous devons donc d'abord accélérer la reprise de toutes les activités économiques, au maximum de nos capacités ; mais nous devons aussi enclencher sans délai les projets d'avenir, indispensables pour corriger les dérives de l'ère Ben Ali. La réduction de la fracture qui s'est opérée entre une Tunisie émergente et une Tunisie délaissée, par une décentralisation astucieuse, est une priorité.
Je crois à la nécessité d'un exécutif central fort, mais partageant le pouvoir avec des régions elles-mêmes fortes. Cette décentralisation, dans un cadre macro-économique sainement géré, favorisée par une politique ambitieuse d'investissements en infrastructures (routières, scolaires, sociales), mobilisant les sympathies financières que nous avons auprès de tant de bailleurs de fonds internationaux, intégrant enfin la dimension écologique du développement, peut être un projet formidablement fédérateur.
Je crois également en un Etat capable de mobiliser l'ensemble des énergies créatrices en favorisant l'entrepreneuriat en amont, au travers d'une politique de co-investissement et de réels partenariats public-privé, et en aval, au travers d'une réelle politique de soutien aux PME notamment dans le cadre des marchés publics. Je crois enfin en une économie solidaire, solidarité entre les régions mais également solidarité entre les citoyens notamment au travers d'une politique fiscale plus efficace et plus juste.
Notre seconde priorité, c'est de nous éloigner des extrêmes : nous ne sommes ni extrêmement Européens, ni extrêmement Musulmans, ni extrêmement Arabes, ni extrêmement collectivistes ; nous sommes juste extrêmement Tunisiens ! Nous avons su nous enrichir des apports berbères, phéniciens, vandales, arabes, andalous, espagnols, ottomans, italiens, français et nous avons su digérer tous ces apports pour en faire la singularité tunisienne. Un pays arabe et musulman à la culture dotée d'une infinité de facettes.
A l'heure où nous faisons, pour notre avenir, des choix majeurs, structurant et engageant, nous devons être pleinement conscients de cette singularité, de ce désir de « vivre et travailler ensemble », qui est plus fort que nos contradictions, plus fort que nos antagonismes. Nous devons l'entretenir, comme un legs que nous avons reçu de nos aînés et que nous devons transmettre à nos enfants.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.