Un groupe de jeunes médecins des quatre facultés de Médecine de Tunisie, qui se disent "unis par une volonté inébranlable de réformer tout le système médical tunisien, afin d'offrir une meilleure formation à nos médecins, donc une meilleure santé à nos concitoyens", nous a adressé un état des principaux problèmes qu'ils ont évoqués dans les discussions qu'ils mènent depuis le 14 janvier avec l'appui d'enseignants, de chefs de service et de nombreux étudiants. Cinq préoccupations essentielles sont abordées par ces médecins qui comptent s'organiser en association nationale et ont d'ores et déjà adressé leurs propositios à la ministre de la Santé.
Le chômage médical Plus de 3000 médecins sont actuellement sans emploi, et même sans statut. L'opinion publique a gardé des idées reçues sur les médecins (Mercedes + grande villa + beaucoup d'argent), alors que ce préjugé ne concerne qu'une minorité de médecins travaillant dans le secteur privé.
Dévalorisation de la médecine générale
Le système médical tunisien dans son ensemble (et surtout le concours de résidanat qui permet l'accès à la spécialité) fait que le médecin généraliste est dévalorisé par rapport à ses confrères spécialistes et aux yeux de la population : formation insuffisante jugée hors normes internationales. La formation actuelle du généraliste en Tunisie est basée sur les 2 années d'internat qui suivent les 5 années d'études théoriques. Or, le concours de résidanat, obsession compréhensible des jeunes internes, fait que ces derniers sacrifient leur formation médicale durant l'internat en faveur de la préparation purement académique de ce concours. Résultat : les recalés (3/4 chaque année) qui décident de s'orienter vers la médecine générale, se retrouveront sans aucune formation médicale, ni réussite au concours. Nous souhaiterions une revalorisation de la médecine générale par l'instauration d'une formation spécifique de 2 années ou plus, à l'instar des pays développés.
L'accès à la spécialité Le concours de résidanat constitue une source de stagnation du parcours médical et de chômage, vu qu'il sélectionne chaque année seulement 25 % de candidats, sanctionnant ainsi les 3/4 restants, qui se retrouvent marginalisés et doivent attendre une année entière avant de pouvoir repasser, sans aucune garantie de succès. De plus, réussir à ce concours nécessite du bachotage, ce qui fait que les vraies compétences théoriques et pratiques ne sont pas exploitées. Donc ce concours évalue très mal le niveau réel du candidat. Ce système de concours n'existe plus qu'en Tunisie et dans quelques pays sous-développés, et a été abandonné dans les pays développés, en faveur d'autres systèmes de sélection bien plus équitables. Comme si cela ne suffisait pas, un manque de transparence flagrant a été dénoncé (aucun accès à la correction ni droit à une double-correction, témoignages de plus en plus nombreux concernant des fuites de sujets, trafic scandaleux avec des candidats VIP très mal classés qui accèdent à des spécialités très demandées…)
Les régions défavorisées de l'intérieur
Ces régions souffrent d'un manque terrible de médecins, d'une part à cause d'une absence totale de volonté de l'Etat sous l'ancien régime, d'autre part (il faut le dire) à cause de la réticence de nombreux médecins qui trouvent l'excuse du manque de matériel (pas toujours vraie) et qui préfèrent le confort des villes et des centres hospitalo-universitaires. Nous avons proposé une solution intéressante qui pourrait résoudre ce problème en 4 à 5 ans, si l'Etat est prêt à s'y investir financièrement.
La formation médicale dans son ensemble
Nos études médicales (et la façon d'enseigner la médecine) ne sont plus conformes aux normes internationales. De ce fait, notre diplôme n'est pas reconnu internationalement, donc n'a aucune valeur. Nous souhaitons nous inspirer du modèle anglo-saxon (notamment canadien), qui permet une approche plus pratique, donc une meilleure formation de nos jeunes médecins.