Côté syndicat : Grogne chez les hospitalo-universitaires * Côté administration : l'égalité de tous les doyens face à leurs obligations Le ministère de l'Enseignement supérieur a renvoyé à une date ultérieure une réunion concernant la réforme des études médicales prévue pour le 25/01/2008. Des sources du monde hospitalo-universitaire affirment qu'un différend oppose les conseils scientifiques des facultés de médecine, et notamment, leurs doyens au ministère de l'Enseignement supérieur. Lequel différend serait à l'origine du dit report. D'ailleurs, les sanctions infligées aux doyens des facultés de médecine sont à l'origine de cette tension, semble-t-il. Ainsi, le Conseil des cadres du syndicat des hospitalo-universitaires a, déjà, apporté son soutien à ses pairs doyens et a appelé l'administration à revenir sur les sanctions qu'elle leur avait infligées. L'administration, quant à elle, affirme l'égalité de tous les doyens face à leurs obligations. Le Temps a contacté les deux parties :
Une source autorisée au ministère : « Il n'y a pas de raison pour exclure les doyens des facultés de médecine des sanctions. » Du côté du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie, une source autorisée affirme : « Il n'y a pas de raison valable pour faire exception pour les doyens des facultés de médecine. Ils se sont bien absentés lors de la réunion des doyens et des directeurs d'établissements supérieurs qui s'est tenue à Gafsa. Ils ne peuvent que faire l'objet de la même sanction infligée aux autres responsables absents. L'administration ne voit pas de fondement à ce tapage. ». Concernant la question des réformes de l'enseignement de la médecine : « le ministère réaffirme son intention d'unifier et de moderniser le parcours des études médicales dans toutes les facultés tunisiennes. Notre choix est irréversible pour une formation de qualité qui respecte les standards internationaux. ». Pour ce qui est de la gestion de l'espace universitaire, notre source assure : « toutes les réformes de l'enseignement supérieur prennent en considération l'avis du corps enseignant. La réforme LMD a vu la contribution de plus de 500enseignants. Donc, ça m'étonne de nous taxer de centralisme poussé. De toutes les façons, le ministère est prêt à un prêt à un dialogue fructueux et responsable avec les représentants légaux de tous les corps. »
Dr Khelil Ezzaouia, Secrétaire Général du syndicat des hospitalo-universitaires : « Revenir sur les sanctions prises moins de centralisme dans la gestion de l'université. »
Le Temps: L'ambiance paraît brouillée entre les conseils des facultés de médecine et le ministère de l'Enseignement supérieur. Qu'en est-il au juste? Dr Khelil Ezzaouia :Depuis un certain temps les directions des quatre facultés de médecine et en particulier leurs doyens subissent un harcèlement administratif de la part du ministère de l'Enseignement supérieur. Cette attitude est tout à fait inexplicable d'autant plus que nos facultés fonctionnent normalement et dans la transparence. On ne peut accepter qu'un doyen à la fin de ses deux mandats reçoive un blâme parce qu'il s'est déplacé pour assurer une mission à Djibouti programmée dans le cadre d'une coopération intergouvernementale et ceci sans attendre l'autorisation de l'autorité de tutelle qui a tardé à arriver en raison de la lenteur des procédures administratives (le refus est arrivé après son départ et était justifié par les élections des représentants des étudiants !). Un engagement avec un gouvernement étranger aurait dû passer avant des échéances locales banales et qui se sont normalement déroulées en l'absence du doyen concerné (il y avait deux vice-doyens et toute une administration pour assurer la direction de la faculté en son absence). Par ailleurs trois doyens ont reçu un avertissement pour une absence justifiée à une conférence des doyens et directeurs d'instituts, organisée sans ordre du jour à Gafsa le 28 décembre et pour laquelle le départ à partir de Tunis était prévu en bus à 4h30 du matin. Par ailleurs, comment expliquer la décision incongrue d'interdire la préparation du concours de résidanat avec la justification qu'il s'agit d'une activité lucrative non autorisée alors qu'en fait elle est assurée par les amicales des enseignants des facultés de médecine et que les revenus ont servi en totalité pour financer la préparation des candidats (polycopies, examens blancs, paiement des enseignants, etc....) et que les sommes restantes étaient destinées à l'achat de matériel pédagogique manquant à la faculté (vidéo projecteurs). Cela aurait été plus utile d'aider les facultés et les amicales à organiser cette nouvelle activité dans un cadre réglementaire adéquat plutôt que d'en priver les étudiants. De tels cours aident les candidats à assurer une meilleure préparation. Le prochain concours est prévu pour le mois de septembre et les cours préparatoires auraient dû débuter en Janvier. D'ailleurs, il n'est pas acceptable que des doyens qui ont rendu de grands services à l'enseignement médical, au service public et à l'Etat, reçoivent des avertissements pour manquement à leur devoir. Leur élection constitue un couronnement pour leur carrière et une reconnaissance par leurs pairs des services qu'ils ne cessent de rendre. Ce conflit a abouti à une déterioration du climat de respect et de confiance qui devrait régner entre les institutions de l'administration. Ainsi, la réunion prévue pour le 25 Janvier dernier à l'initiative du ministère de l'Enseignement supérieur afin de débattre de la réforme des études médicales a-t-elle été reportée sine die. Le conseil des cadres de notre syndicat réuni le 24 Janvier a appelé au retrait de ces sanctions et a décidé d'une grève de l'enseignement pour le 14 Février prochain en soutien aux doyens et aux conseils des facultés de médecine. Ces derniers ont par ailleurs adressé une motion de protestation au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie pour exprimer leur refus des sanctions.
. N'y a-t-il pas derrière ce différend deux approches différentes de la gestion des institutions universitaires ? - Ce qui vient de se passer est révélateur des difficultés quotidiennes avec une autorité centralisatrice voulant tout régenter et contrôler tout les détails de la vie universitaire. A titre d'exemple, le volume horaire exact de chaque matière enseignée par les facultés de médecine est fixé par décret alors que, partout, dans le monde on laisse une fourchette pour que chaque faculté puisse moduler son enseignement en fonction de ses choix et de ses conditions. Chaque modification, même minime nécessite la révision du décret rendant la gestion de l'enseignement et son adaptation aux nouvelles données de la science rigidifiée par un processus extrêmement centralisé et donc bureaucratique. Les institutions élues devraient avoir une plus grande marge dans la gestion d'autant plus qu'elles sont soumises régulièrement aux suffrages des enseignants. L'élection est une garantie de transparence et de confiance. Les quatre facultés de médecine ont engagé de leur propre initiative un audit interne et externe associée à une évaluation par les étudiants de la qualité de l'encadrement. Il s'agit d'une première entrant dans une démarche de qualité et d'accréditation à laquelle sont associée des facultés de renom de France et du Canada. Le syndicat des médecins et pharmaciens universitaires souscrit totalement à cette démarche qui se fait dans le consensus général des enseignants chapeautés par la conférence des doyens et des comités pédagogiques des 4 facultés. Des membres de notre bureau national sont directement impliqués dans le processus de réforme visant à instituer la médecine de famille et à réviser la formation du médecin généraliste et spécialiste. Nous espérons que le ministère de l'enseignement se ressaisira et redonnera confiance aux structures élues et aux doyens afin de permettre la finalisation du projet de réforme qui est capital pour l'avenir de la médecine et de la réforme de l'assurance maladie projet présidentiel. Propos recueillis par Mourad SELLAMI