Dans cette même rubrique, il nous est arrivé plus d'une fois de suggérer que les jeunes, en particulier les lycéens en classe terminales ainsi que les étudiants, surtout en histoire, soient associés aux tâches ordinaires de sauvegarde du patrimoine monumental (et, d'ailleurs, pourquoi seulement lui ?) dans le cadre d'actions assistées par les spécialistes de l'Institut du patrimoine. De telles actions, outre leurs retombées concrètes en matière de sauvegarde, de conservation et de mise en valeur, sont de nature à occuper utilement ces jeunes, à les sensibiliser aux enjeux du patrimoine sur les plans identitaire, esthétique et économique, et, pourquoi pas ? à éveiller des vocations. Nous n'aurions, au demeurant, rien inventé puisque cette pratique a déjà cours depuis des lustres chez nos voisins de la rive nord de la Méditerranée –pour ne parler que de ceux-là. C'était prêcher dans le désert. Aujourd'hui, les choses ont changé du tout au tout. Notre jeunesse, qui a modifié le cours de l'histoire de ce pays, est disponible et généreuse. Elle l'a prouvé lorsque, après le grand chantier du dégagement du chemin de la dignité et de la liberté, elle a entrepris, spontanément, de faire le ménage sur la voie publique, la débarrassant des stigmates de la confrontation. Et ce n'était pas qu'euphorie post-révolutionnaire. A Bizerte, une vingtaine de jeunes volontaires se sont constitué ces derniers jours en groupe d'intervention pour ravaler des façades de monuments de la vieille ville, souillées par des tags, réhabiliter le circuit touristique de la médina et engager des campagnes de propreté. Selon le témoignage de notre confrère Mourad Dellagi, certaines de ces actions ont vu jusqu'à 140 personnes se joindre spontanément au groupe pour l'aider à accomplir sa tâche. Les autorités municipales mais aussi les seniors de l'Association locale de la sauvegarde de la médina (la première du genre créée en Tunisie dans un cadre réellement associatif) ont prêté leur concours dans cette campagne. Ce qui se passe à Bizerte est susceptible de se reproduire partout en Tunisie. Et l'on aimerait tant voir nos hommes de science (surtout ceux de l'INP, mais aussi les retraités de cette institution) s'insérer dans cette dynamique hautement citoyenne.