Par Mohamed Ridha LAAFIF A lui seul et pendant toute une époque, il représentait et incarnait la Tunisie. Admiration, adhésion et fusion. Il se posait en éducateur patient et pédagogue chevronné. Il savait écouter, mais excellait dans le verbe. Par ses discours, il expliquait la méthode, traçait la voie, fixait le cap et donnait le la. Son style et son éloquence inimitables faisaient vibrer son auditoire qui scrutait ses moindres gestes et emportements. Les bains de foule lui tenaient lieu de bains de jouvence. Il faisait montre de hauteur sans être hautain, était rigoureux, mais non rigide, intransigeant sur les «fondamentaux», à savoir le rang de la Tunisie, le sens de l'Etat, la concrétisation des promesses et le sacro-saint statut de la femme. Sa sincérité, son patriotisme et sa clairvoyance ont guidé toute son œuvre, le discours de Jericho en mars 1965 et le discours du Palmarium en 1972 en sont une illustration parfaite. La félonie de l'entourage abusant des affres de l'âge «savamment» entretenues par un Brutus transformé en prince des ténèbres et finissant en guide égaré n'ont en rien entamé la statue du commandeur. «La carcasse est encore solide», aimait-il répéter, et ainsi le combattant longtemps solitaire restera pour tous et à jamais le combattant suprême. «Avoir toujours raison, c'est un grand tort», (Turgot). «S'il n'en reste qu'un je serais celui-là», V. Hugo.