Par Chedli KLIBI Depuis toujours, Jelila Hafsia voulait tâter de l'écriture. Elle avait beaucoup d'amies qui écrivaient. Elle rêvait de faire comme elles. Aujourd'hui, c'est chose faite, elle en est à son troisième volume : un ensemble de notes, prises au jour le jour, à une époque où elle avait la possibilité d'approcher le couple Bourguiba-Wassila et de frayer avec certaines figures de la société politique. Cette prose ressemble à leur auteur, reflète sa façon de parler, son mode de penser et sa fraîche sensibilité. Ouvrez ces Instants de vie au hasard, et lisez, vous serez captivé. Il faut parcourir ses livres, pour mieux connaître Jelila. Mais aussi pour se remémorer des pans de notre société d'alors et de notre histoire post-Indépendance. Qui est-elle? Jelila Hafsia est sahélienne par son père, tunisoise par sa mère, et patriote jusqu'à la moelle. Elle aime son pays, elle le défend bec et ongles, contre un colonisateur dont elle admire la langue et la culture. Par son deuxième mariage, elle s'est trouvée en contact avec des hommes dont le destin était de lutter pour l'indépendance de la Tunisie. Elle a appris, en les fréquentant, ce qu'on n'apprend ni dans les livres, ni dans les journaux. Sa mémoire, durant ses années de mariage, s'est enrichie de souvenirs et d'émotions d'une rare authenticité. Jelila a une dilection pour le contact et les relations humaines. Férue de littérature, elle a toujours été au fait de l'actualité. Son entregent lui a permis de fréquenter des professeurs, des étudiants et des hommes de lettres. Se voulant toujours «femme de gauche», elle comptait, parmi ses proches amis, Salah Guermadi, disparu très jeune, Taoufik Baccar, qui devait devenir un brillant spécialiste de la littérature arabe moderne, et l'homme qui a le plus fait pour le cinéma arabe, Tahar Chériâ. La hasard voulut que lui échût la responsabilité d'un club, de création alors récente, et portant le nom de Tahar Haddad — un pionnier de la lutte pour la libération de la femme. Elle y révéla des capacités exceptionnelles pour l'animation culturelle. Très vite, avec elle, ce club devint un espace de dialogue et d'échange, où les jeunes, des deux sexes, s'y pressaient pour écouter des conférences, ou emprunter des livres. Une petite, mais véritable, petite maison de la culture était née, sans grands moyens. L'université et les ambassades sollicitaient la coopération de Jelila Hafsia, pour accueillir des conférences ou des expositions. Situé à mi-chemin entre la Médina et la ville moderne, le Club Haddad connut ainsi un succès fulgurant. Fait mémorable : le ministère des Affaires culturelles, et l'université, y organisèrent un cycle de conférences sur les philosophies existentielles, prononcées par un grand spécialiste, Jean Wahl, professeur à la Sorbonne. Quand le Club dut émigrer vers un vieux quartier de la Médina — dans un lieu plus authentique certes, mais d'accès difficile —Jelila Hafsia a bravé, avec ténacité, les problèmes inhérents à sa nouvelle «localisation». Elle l'a fait avec panache et a mis son honneur à ne jamais se plaindre des difficultés qu'elle affrontait. Plus tard, à l'espace Sophonisbe, une salle annexe de la mairie de Carthage, elle fit preuve des mêmes qualités, pour en faire un rendez-vous culturel apprécié.