L'Iace (Institut arabe des chefs d'entreprise) a abrité, hier, à son siège à Tunis, un débat sur le programme économique et social du gouvernement de transition. Organisé sous le patronage du Premier ministre, M. Béji Caïd Essebsi, le débat a réuni MM. Jalloul Ayed, ministre des Finances, Abderrazek Zouari, ministre du Développement régional, Abdelaziz Rassaâ, ministre de l'Industrie, de la Technologie, Saïd Aïdi, ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Abdelhamid Triki, ministre de la Planification et de la Coopération internationale, et Mohamed Ennaceur, ministre des Affaires sociales, et a attiré un nombre important de professionnels dans les secteurs économique et social, de chefs d'entreprise et de représentants de la société civile et des partis politiques. Le but étant d'approfondir les questions relatives à l'édification de la Tunisie post-révolution et d'exposer les différentes mesures prises dans les domaines économique et social mais aussi d'écouter les propositions des professionnels et de cerner leurs inquiétudes et leurs attentes en vue d'y adapter les programmes prévus dans ce sens. M. Mohamed Ennaceur, ministre des Affaires sociales, a noté, à cette occasion, que ce genre de débat a le mérite d'offrir l'opportunité d'échanger sur ce que sera, demain, la Tunisie et d'attirer l'attention sur certains points hautement importants tels que le rôle qui incombe à l'Etat en tant que régulateur entre les régions, les générations et les différentes catégories sociales. L'économique au second plan des priorités Il a, en outre, relevé que ce sont des thèmes de ce genre que l'Iace est appelé à soulever dans le cadre de forums et de rencontres en vue de jouer un rôle dans le projet de la Tunisie de demain. M. Ennaceur a, à cette occasion, souligné qu'aujourd'hui les préoccupations sont essentiellement politiques et que les aspects économiques et sociaux, malgré leur importance, ne sont pas au centre du débat public. Il a, par ailleurs, noté qu'il était inconcevable de construire un modèle politique qui ne serait pas inspiré des exigences économiques et sociales de la société. Il a, par ailleurs, posé la question relative au rôle que jouera l'entreprise de demain et a noté que malgré les progrès réalisé par l'entreprise tunisienne, les salaires continuent à être des salaires administrés et à être alignés sur les moins productifs, fait qui ne peut générer que malaise et insatisfaction dans les rangs des salariés. Entreprise citoyenne Le ministre a, dans ce même ordre d'idées, précisé que l'entreprise devrait agir en tant qu'entreprise socialement responsable, sachant que «la responsabilité sociétale implique plus de transparence autant au niveau de la gestion qu'au niveau de l'information, des dialogues sociaux devraient être établis au sein des entreprises. Un tel dialogue étant le garant pour motiver les salariés et les impliquer de manière optimale dans le projet de développement de l'entreprise», a-t-il encore ajouté. M. Ennaceur a, en outre, souligné que les augmentations salariales ne devraient en aucun cas être le résultat d'un rapport de force et qu'elles devraient tenir compte, avant tout, du facteur de la productivité, ajoutant que ce facteur ainsi que le coût de la vie doivent constituer les éléments décisifs sur la base desquels les augmentations doivent être définies. Il a, par ailleurs, attiré l'attention sur l'absence de banques de données sur les salaires et sur la productivité, un vide qui fait défaut quand on parle de négociations salariales. Il a ajouté que le ministère a proposé que l'INS participe à une première étude sur les salaires et sur la productivité, une étude qui permettra aux partenaires sociaux de travailler sur des bases objectives. Rééchelonnement des dettes Le débat qui a suivi les interventions des ministres de Finances et des Affaires sociales a permis de soulever les questions relatives aux priorités économiques de la période future, à la paix sociale, facteur clef pour le développement des investissements et la relance économique, au marché financier et aux problèmes que vit aujourd'hui la Bourse de Tunis. Le ministre des Finances a annoncé, à cette occasion, qu'une structure sera mise en place afin de collecter les recettes générées par la vente des actifs et des biens mal acquis par les familles et les proches de l'ancien président. Ces recettes seront, par la suite, investies au profit des régions intérieures et défavorisées. En réponse à des questions de chefs d'entreprise qui connaissent des difficultés conjoncturelles, le ministre des Affaires sociales a spécifié que la question du rééchelonnement des dettes des entreprises auprès de la Cnss est à l'ordre du jour, relevant que c'était une question légitime et que, bientôt, une mesure sera décidée dans ce sens. Un autre intervenant a dénoncé les clivages politiques au sein de l'Ugtt et qui seraient à l'origine de plusieurs abus. Il a invité le gouvernement actuel à imposer une période de trêve sociale de trois mois en vue de rétablir la paix sociale au sein des entreprises et de leur permettre, ainsi, de reprendre leurs activités et d'avancer. Marché parallèle Mme Monia Saïdi, chef d'entreprise, a, de son côté, attiré l'attention sur le problème de liquidités dont souffrent les entreprises, le marché parallèle et les marchandises chinoises qui envahissent le marché. Elle a également attiré l'attention sur la nécessité d'envisager une réforme de l'enseignement. En réponse à ces questions, le ministre des Finances a noté que le gouvernement était, parfaitement, conscient du problème de liquidités, un problème généré, notamment, par le ralentissement de l'économie et la raréfaction des entrées en devises (moins d'IDE et activité touristique en berne). S'agissant du marché parallèle, M. Jalloul Ayed a souligné que le gouvernement est en train d'envisager des actions en vue de mettre un terme final à cette question, précisant que des stocks ont été constitués durant les années passées et qu'aujourd'hui, le marché serait en train d'être alimenté à partir de ce stock. Il a, en outre, précisé que 500 conteneurs attendent toujours d'être récupérés par leurs propriétaires. Il a, enfin, déclaré que la Tunis souffre, effectivement, d'une inadéquation entre le système éducatif et le marché de l'emploi, ajoutant que le premier a du mal à apporter des réponses aux attentes et aux besoins réels du marché de l'emploi et qu'une réforme du système éducatif serait la solution idéale pour assurer la superposition de l'offre et de la demande en la matière.