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Une ville au point mort
Reportage : Ben Guerdane
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 04 - 2011


De notre envoyé spécial Abdel Aziz HALI
Alors que tous les médias ont les yeux rivés sur Ras Jedir du côté des camps de réfugiés et du point de passage, la ville de Ben Guerdane végète dans l'oubli et l'indifférence. Car qui dit Ben Guerdane, dit plaque tournante du commerce en provenance du pays d'Omar Al Mokhtar. Et voilà que l'éclatement de la crise libyenne vient enfoncer le clou pour laisser toute une région au bord de l'anorexie, voire de l'asphyxie. Gros plan sur une ville au point mort.
Tout le monde se souvient des événements tragiques vécus par les habitants de la région, suite à la fermeture du poste frontalier de Ras Jedir par les sbires de Ben Ali et Cie afin de servir les intérêts du clan des Trabelsi. C'était au mois d'août 2010 (la veille de Ramadan), quand toute une région s'est embrasée sous les feux de la contestation. Ben Guerdane, cette ville calme, s'est transformée en un foyer d'insurrection sociale et d'émeutes. Durant des jours, la ville de Ben Guerdane et ses faubourgs étaient le théâtre d'affrontements entre des habitants en colère et les forces de l'ordre (venues en renfort par milliers pour réprimer les émeutes). Une escalade de violences urbaines qui annonçait le malaise que vivait la Tunisie des terroirs sous la botte de la Régente de Carthage et son clan.
Mais voilà, après la chute de Ben Ali et l'avènement de la révolution de la dignité, la région n'a pas encore connu son heure de gloire et les promesses d'investissements nécessaires pour son développement à l'image des autres régions défavorisées. Pis encore, avec le déclenchement de la crise libyenne, toute la région [et surtout la ville de Ben Guerdane] a sombré dans un tunnel dont le bout reste tributaire de la situation en Libye. Il suffit de faire un petit tour à Ben Guerdane pour comprendre que la crise a dressé son chapiteau pour une durée indéterminée : des cafés bondés de chômeurs, des bureaux de change vides avec leurs fameux comptoirs métalliques peints en bleu ciel où on peut lire le mot «Sarf» (change en arabe en blanc), le souk de Libye presque désert et un pouvoir d'achat flirtant avec le zéro de Khawarezmi.
L'arbre qui cache la forêt
Jaâfar Krad (24 ans et au chômage) nous vide son sac : «Ben Guerdane souffre le martyre depuis le début de la crise libyenne. Le nombre de chômeurs a triplé et nous sommes tous bloqués. Comme vous le voyez, rares sont les voitures qui circulent dans les rues de Ben Guerdane, alors que d'habitude, la ville est semblable à une fourmilière avec des commerçants venant de partout et des goulots d'embouteillages dans toutes les artères de la cité. Le commerce des produits en provenance de la Libye est notre unique source de revenu. Et avec ce qui se passe de l'autre côté de la frontière, toute la région est désormais condamnée à vivre au compte-gouttes et à composer avec la marchandise exfiltrée par les passeurs et les contrebandiers». Il ajoute : «Ben Guerdane et ses faubourgs ont toujours été marginalisés que ce soit à l'époque de Bourguiba ou sous Ben Ali. On manque d'investissements et de plans de développement. Est-il logique que toute la région compte uniquement 2 usines de conditionnement de thon et une autre d'huile d'olive, avec des postes de travail instables et des salaires minables qui ne dépassent pas les 160 DT‑? S'agissant du secteur de l'agriculture, à part l'élevage des chèvres et des chameaux, rien d'autre. Manifestement, le commerce lié aux produits en provenance de la Libye est l'arbre qui cache la forêt».
Le troc : nouvelle devise des contrebandiers
De son côté, Slim (36 ans, agent de change) dépeint ainsi la situation: «Certes, depuis le début de la crise en Libye, le dinar tunisien a repris ses lettres de noblesse par rapport à son frère libyen (les 1.000 dinars libyens sont échangés contre 720 dinars tunisiens). Mais avec le manque de clientèle libyenne, on ne peut parler que de stagnation du marché. Comme vous le constatez, rares sont les libyens aisés qui déambulent ces derniers temps‑! Il nous arrive de passer trois jours sans voir un Libyen se pointer au bureau. Sans parler de la concurrence sauvage qui caractérise notre activité. Si la crise dure encore, plusieurs d'entre- nous seront obligés d'épuiser leurs capitaux et leurs fonds de roulement pour survivre et nourrir nos familles. Et ça sera la catastrophe».
D'autre part, selon les dires de plusieurs habitants de la ville, ces derniers temps, des camions libyens chargés de marchandises profitent de la confusion pour passer la frontière sans contrôle et décharger leur cargaison sur le marché de la ville. Karim, un Bezness nous raconte : "Il y a deux jours, un camion a franchi la frontière du côté du Sahara. La cargaison était constituée d'électroménagers et de postes de télé plasma. Le contenu de ce camion a été échangé contre des produits alimentaires et du fuel (certains disent qu'il est destiné aux troupes de Kaddafi-Ndlr). En effet, en ces temps-ci, pour les contrebandiers libyens, l'argent n'a plus de valeur. Désormais, la devise des contrebandiers des deux côtés, c'est le troc". En outre, Dhaou Jadi, un enfant du bled, (37 ans, travailleur dans le tourisme à Zarzis mais actuellement au chômage technique), voit les choses différemment : "Quand on parle de commerce à Ben Guerdane, il y a la médaille et le revers de la médaille. Ce que vous voyez ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Depuis toujours, chez-nous, des petits malins ont fait de la contrebande leur gagne-pain. Par exemple, avant l'éclatement de la crise, certains passaient les frontières pour faire le plein d'essence (à peu près 50 litres) qui était à 200 millimes/litre. Ensuite à leur retour, après avoir consommé à peu près 30 litres, ils vendaient les 20 litres restants entre 16 et 23 dinars/litre. Je pense que cette histoire ne va pas s'éterniser. Car à cause de la crise, en Libye, il n'y a plus d'importation. Et tôt ou tard, les stocks de ces produits vont être écoulés et épuisés. Les Libyens n'arrivent même plus à trouver du gasoil ou de l'essence dans leurs stations et plusieurs sont acculés à venir se ravitailler en Tunisie".
Parallèlement, plusieurs commerçants venus spécialement de Tunis et habitués à fréquenter les grossistes de Ben Guerdane, sont contraints de rentrer bredouille, comme c'est le cas de Sofiène Akermi (30 ans originaire de Khaznadar) : "Le bus de la Sntri m'a déposé à Ben Guerdane vers 4h50, en provenance de Tunis. Et voilà que je vais rentrer chez moi en prenant le bus de 10h30. C'est incroyable‑! On est le vendredi, je n'ai jamais vu Ben Guerdane dans cet état. Le souk de Libye est presque vide et les commerçants sont peu accueillants. Sans parler des prix qui affichent le double ou le triple de ce qu'ils étaient la semaine dernière".
La poule aux œufs d'or ou la boîte de Pandore ?
Toujours selon Sofiène, jadis, les bus des voyages organisés à destination de Ben Guerdane ou bien ceux de la Sntri arrivaient bondés de petits et moyens commerçants. Et au retour, les commerçants ne trouvaient pas une place pour s'asseoir tellement les bus étaient bourrés de marchandises. Mais voilà que ces dernières semaines, les bus à l'aller et au retour sont presque vides. Même l'aire de la gare routière ne grouille plus comme à son accoutumée. Il renchérit : "En effet, je suis venu comme d'habitude pour acheter du mâassal et du jirak (tabac pour les narguilés). Et à ma surprise, les prix sont comme à Tunis. Avec de tels prix, je suis contraint d'acheter du tabac bas de gamme ou bien rentrer les mains vides. Enfin, comme la plupart des petits et moyens commerçants du marché parallèle, je suis contraint de m'orienter vers le produit algérien. J'ai même commencé à tisser des contacts avec des fournisseurs proposant du Mâassal en provenance du pays de l'Emir Abdelkader. Business is business".
Assurément, avec la crise libyenne sans dénouement proche, l'activité commerciale liée à la marchandise acheminée de l'autre côté de la frontière tuniso-libyenne et qui représente l'unique source de revenu pour toute une région et d'autres coins du pays, risque de se transformer de la poule aux œufs d'or en une boîte de Pandore.


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