Par Khaled TEBOURBI On émet donc des réserves sur le pacte républicain. Et qui s'en charge en premier? «Ennadha». «Le pacte empiète sur les attributions souveraines d'une Constituante élue», expliquait, l'autre soir, un de ses représentants. Franchement, on a du mal à comprendre. Le pacte républicain engage moralement les forces politiques à respecter les bases de la démocratie, autrement dit, et en résumant sans risques d'erreur, ce pourquoi tout un peuple a fait sa révolution : la liberté et la dignité. La future Constituante aurait-elle autre chose à proposer sur ces points? Et faudra-t-il qu'une assemblée soit élue pour qu'un pays, qui vient de chasser une dictature, longue d'un quart de siècle, décide de garantir liberté et dignité à ses citoyens? Pourquoi louvoyer, il y a là de quoi réveiller d'anciennes suspicions. Dans les années 80, le parti d'«Ennahdha militait, plutôt, pour un Etat religieux. Cela lui avait valu les «mésaventures» que l'on sait. Il a paru s'amender depuis. L'Etat religieux sert d'alibi aux régimes autoritaires. Et il est, à l'évidence, incompatible avec les systèmes démocratiques. Il fallait rectifier le tir, intégrer l'opposition pluraliste. Cela a été fait. Du moins jusqu'ici: jusqu'à la libération, jusqu'à la réhabilitation, jusqu'à l'amnistie, jusqu'à la mise en route de la démocratie. Car la crainte aujourd'hui, est que ressurgissent les vieux démons. On l'a déjà pressenti dans les prières de rue. Ce n'était pas, forcément, à la seule initiative des salafistes. On l'a aussi perçu à travers des questions décidément récurrentes de voile et d'imams. Mais ce dernier discours sur le pacte républicain parachève, pour ainsi dire, le doute. Pourquoi ces réserves ? Et pourquoi maintenant ? L'argument de la souveraineté ne convainc pas. Simple bon sens. Ne reste qu'une hypothèse, vraisemblable : le parti d'«Ennahdha» compterait sur son assise populaire pour peser sur les prochaines élections et, en conséquence, orienter le contenu de la nouvelle Constitution. Et l'on devine un peu dans quel sens. Derrière la modération, une stratégie Hypothèse vraisemblable, probable, il y a au moins duplicité et éventuellement, stratégie. Devrait-il y avoir parade. Pas question, alors que le choix démocratique est irréversible, alors que les leaders d'«Ennahdha» semblent encore se conformer aux règles du jeu, d'imaginer un quelconque scénario d'exclusion. Cela a déjà créé des vagues à propos de l'ex-R.C.D. Non, ce qui conviendrait, le mieux, à une démocratie tunisienne, qui se prévaut d'accueillir en son sein toutes les sensibilités du pays, c'est, en laissant à chacun ses chances, de s'organiser pour faire face à ce qui pourrait la menacer dans ses fondements mêmes. Concrètement, cela devrait se manifester dans les urnes. Le 24 juillet n'est pas loin, et les forces républicaines peuvent encore s'unir pour préserver les principes et les objectifs qui les rassemblent. L'enjeu est une Constitution. C'est un enjeu d'avenir. Les confrontations d'idéologies et de programmes viendront après, quand il s'agira d'élire un Parlement et un président. Ce que l'on ne comprend pas, non plus, c'est qu'à ce jour encore, les partis de la démocratie, ceux qui savent ce qui peut se dissimuler derrière les tactiques de modération, ne paraissent pas tout à fait conscients du danger encouru. L'impression, au contraire, est qu'ils avancent vers le vote du 24 juillet, dans un ordre dispersé. Face à un parti qui, selon les prévisions rallierait plus de vingt pour cent des suffrages, cela équivaut à une défaite électorale annoncée. En somme, à mettre en péril tout ce pourquoi un peuple aura fait sa révolution.