Dans une totale discrétion, et loin des ouvertures en grande pompe, la séance inaugurale du Printemps de la danse a eu lieu samedi dernier à la salle du 4e art. Le public était pourtant présent, attiré certainement par une envie d'évasion et de découverte de nouvelles formes d'expression qui interrogent le corps en ces temps où la liberté du corps est devenue un enjeu majeur ! La scène est nue, le danseur est au centre d'un cercle de lumière, il explore les limites, essaye de s'aventurer au-delà de ces barrières virtuelles, se cherche une place, une posture dans ce cercle «vicieux», en vain… «Circle Moods», écrit et interprété par Orin Camus, est né à la suite d'ateliers pour les détenus en attente de jugement de la maison d'arrêt de la Santé à Paris. Et, à travers ce solo, il relate toutes les sensations ressenties, les bruits, les voix et les sons : «Vous avez une permission ? Je montre ma permission d'entrée, on m'ouvre la porte blindée, je donne ma carte d'identité, mon téléphone portable, personne ne sourit, l'accueil est sommaire… En vrai, je suis déjà coupable. Puis le détecteur de métaux et le scanneur de sac à main… 2e porte blindée. Une 1ère grille de gros barreaux, on me donne un badge. Pas question de le perdre ou de me le faire piquer. 2e grille de gros barreaux, un couloir interminable, les clefs du gardien qui m'accompagne sont seules à résonner. 5e couloir, escalier, 6e grille, 2e carrefour, escalier, 7e grille, 3e porte blindée… tout au long de ce trajet, le brouhaha des hommes, parfois les cris, prennent le dessus… J'arrive enfin dans la salle où je dois donner un cours de danse contemporaine. Je regarde à travers la grille. Un groupe de gars entrent dans la pièce, des gars comme moi, comme tout le monde… Je donne un cours d'initiation presque normal… ils sont motivés, prêts à se dépenser ensemble jusqu'à épuisement! J'ai souvent refait ce chemin et, à chaque fois que j'en ressortais, je me sentais libre...» Ce corps en captivité semble interroger l'enfermement sous toutes ses formes : physique, morale, émotionnelle, mentale, ainsi que la solitude et ses limites… Là, le danseur est face à lui-même, face à ses sensations, il soulève un à un les voiles qui l'aveuglent, révèle sa mémoire, ravive sa pensée. Une lenteur au service de sa propre écoute intérieure. Le geste s'insinue avec douceur, il prend le temps d'apparaître pour s'harmoniser. Le souffle est retenu et finalement s'écoule… comme un soulagement. Pourtant, ce corps lutte pour retrouver sa liberté, il évolue des gestes les plus amples et les plus fluides vers les mouvements les plus nerveux. Le corps musclé de cet interprète qui a reçu une formation classique et s'est très vite tourné vers le hip-hop revisite la danse contemporaine pour raconter les péripéties d'un corps qui se débat pour gagner sa liberté. «Circle Moods» est une performance d'un danseur hors pair à la sensibilité à fleur de peau, doublée d'un réel engagement social à la recherche de l'humanité perdue de ces captifs en mal de liberté.