Bien que le drapeau des insurgés flotte toujours sur le point de passage Wazen-Dhehiba, les habitants de Dhehiba vivent une atmosphère de panique sans précédent. D'après Kilani Ben Aïssa, qui arrive de Zenten, «la situation est dramatique sur le territoire libyen. Les tirs font rage. La fumée est perceptible de très loin, depuis 8 heures du matin. Il paraît que les forces de Gueddafi utilisent d'autres armes lourdes parce que le bruit des obus et des explosions n'est plus comme avant. Dieu merci, j'ai pu atteindre le territoire tunisien pour y déposer ma famille». Abdelmomen, un autre Libyen, affirme : «On était huit à faire la prière d'El Moghreb quand un missile Grad est tombé sur notre demeure, à Jadou. Trois d'entre nous ont été blessés. Personnellement, j'ai emprunté cette voiture pour emmener ma famille en Tunisie. Les villes libyennes de Zenten, Jadou, Yafren, Galaâ sont presque vides. Pas de vivres, pas de médicaments, le litre d'essence coûte 2,5 D. Que voulez-vous qu'on fasse ? Nous avons affaire à un criminel qui massacre son peuple, surtout les femmes et les enfants. On s'attendait à de l'eau chaude ou des bombes lacrymogènes, mais voilà que les missiles Grad n'épargnent même pas les hôpitaux et les cimetières». D'autres ressortissants qui arrivent de Oued El Thelj pensent à une catastrophe imminente : «Les insurgés se postent bien sur les sommets des montagnes mais ils sont peu nombreux et manquent d'armes et de munitions. Ils résistent avec courage, alors que les milices sont bien armées. Ils sont en train de gagner du terrain et une offensive de grande envergure est prévisible dans les prochaines heures». En effet, à midi, les combats entre les deux camps ont pris de l'ampleur. L'armée tunisienne et la gendarmerie sont en alerte. Elles suivent attentivement les péripéties des événements et elles n'ont pas riposté bien qu'elles soient en situation de légitime défense, puisque des obus sont tombés sur le sol tunisien et plus précisément à El Marbah, Oued Errossa, Jayara, El Mahrouga et Chenayna, dans les environs proches du centre de Dhehiba. Pis encore, les milices se sont infiltrées sur le sol tunisien pour attaquer les rebelles par derrière et reprendre le contrôle du poste stratégique de Wazen-Dhehiba. Paniqués, plusieurs habitants de la place Dhehiba et Aïn Bogra ont préféré fuir vers Tataouine. Heureusement qu'il n'y a pas eu de victimes jusqu'à présent. L'élan de solidarité se poursuit Les caravanes humanitaires affluent toujours en provenance des quatre coins de la Tunisie (Tunis, Radès, La Marsa, Zarzis, Gabès…). M. Haykel Sraïeb, un banquier et coordinateur d'un convoi, annonce l'arrivée de 2 bus chargés de 14 tonnes de produits alimentaires et d'une quantité de médicaments d'une valeur de 6 MD, don de la Banque internationale arabe de Tunisie. D'autres convois étaient attendus hier après-midi. Pour sa part, M. Naceur Ben Mokdad, représentant du Croissant-Rouge, déclare que «la quantité des médicaments semble suffisante. Le Croissant-Rouge, l'armée nationale et Médecins sans frontières gèrent convenablement la situation au camp des réfugiés, au dispensaire de Dhehiba, mais quelques médicaments manquent toujours malgré le stock que nous avons dans la bibliothèque de Dhehiba. Et puis, la situation dans le territoire libyen est vraiment catastrophique et nous avons du mal à acheminer les médicaments à l'hôpital de Nalout qui ne cesse d'appeler au secours».