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« Nous pensons à la rentrée scolaire des enfants libyens »
Entretien avec : Dr Tahar Cheniti, secrétaire général du Croissant-Rouge tunisien
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 05 - 2011

Secrétaire général du Croissant-Rouge tunisien, Dr Tahar Cheniti accueille à longueur de journée dans son bureau au centre-ville de Tunis des représentants d'associations humanitaires affluant des quatre coins du monde. Le calme olympien et la magnanimité de ce médecin de profession, qui gère une situation de crise humanitaire parmi les plus graves aujourd'hui, ne peuvent que susciter respect et admiration de tous ses collaborateurs. Une interview réalisée malgré les mille et un coups de téléphone que continue de recevoir sans arrêt Dr Tahar Cheniti.
Pouvez-vous nous présenter le Croissant-Rouge tunisien. Comment fonctionne-t-il ? Selon quels principes et quels outils ?
Le Croissant-Rouge tunisien existe depuis plus de cinquante ans. Grâce à nos 24 comités régionaux, ajoutés à ceux implantés dans les délégations, nous représentons les partenaires privilégiés des pouvoirs publics dans l'action humanitaire. Nous travaillons au sein de la grande famille de la Croix-Rouge. Parce que nous faisons partie de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui compte 186 structures dans le monde. Les emblèmes des uns et des autres n'ont d'ailleurs aucune connotation religieuse. Notre stratégie globale est fondée sur l'inventaire des besoins humanitaires auxquels nous essayons de toutes nos forces et de toutes nos compétences de répondre. Nous partageons tous les mêmes principes d'humanité, de neutralité, d'impartialité et d'indépendance. Notre action est aussi fondée sur le volontariat. La Fédération, basée à Genève, défend trois missions. D'abord le renforcement des capacités des sociétés membres : nous comptons sur la Fédération pour nous appuyer sur les plans humain et matériel. Ensuite, une mission de coordination des opérations de secours lors des catastrophes naturelles ou technologiques. Enfin, la troisième mission concerne la diplomatie humanitaire, à savoir intervenir auprès des chefs d'Etat de ce monde pour les convaincre que lors d'une crise politique il faut sauvegarder un espace humanitaire. Nous avons au sein de la famille de la Croix-Rouge une troisième composante, dont le rôle est fondamental : le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Le Comité agit, selon les conventions de Genève et du droit international humanitaire essentiellement dans les situations de conflits en protégeant et en assistant les populations civiles et les prisonniers de guerre et d'opinion.
Dès le déclenchement de la crise libyenne, le Croissant-Rouge tunisien s'est distingué par un sens de la réactivité et une efficacité qui ont suscité respect et admiration des différents organismes humanitaires internationaux. Par quoi expliquez-vous cette maturité dans la prise en charge des réfugiés ?
En Tunisie, nous avons commencé à nous activer à la fin du mois de décembre, dès le début de la Révolution et bien avant la crise libyenne. Comme tout le monde, nous avons été surpris par les évènements tunisiens. Le Croissant-Rouge se devait de s'adapter à cette nouvelle situation toujours selon ses principes d'impartialité, de neutralité et d'indépendance. Cela a été rendu possible grâce à deux éléments. D'un côté, la mobilisation des volontaires tunisiens, des jeunes, d'un très bon niveau intellectuel préalablement formés à l'éthique humanitaire, aux concepts de la médecine communautaire, aux premiers secours, à la gestion des situations d'urgence et à fournir des services de soutien psycho-social aux victimes. Ils sont également initiés à l'approche de la migration. Les migrants étant considérés par le Croissant-Rouge comme des hommes et des femmes vulnérables, quel que soit leur statut, réguliers ou irréguliers soient-ils. Tous ces volontaires ont été formés dans notre centre créé il y a cinq ans. Une centaine de nos cadres humanitaires se trouvent actuellement sur les frontières, dans les camps, vingt quatre heures sur vingt quatre.
D'autre part, la position internationale du Croissant-Rouge tunisien, membre du conseil de direction de la Fédération internationale, lui a permis de mobiliser l'assistance humanitaire au profit de notre pays. Actuellement, nous bénéficions sur le terrain de l'appui d'une vingtaine de sociétés de la Croix-Rouge venues des quatre coins du monde : Chine, Etats Unis, Hollande, Koweït, Emirats Arabes Unis... Retournons en Tunisie : dès l'éclatement des manifestations, nous avons ouvert un compte de solidarité, financé par des Tunisiens aussi bien résidents ici qu'à l'étranger et par des donations d'organismes internationaux gouvernementaux et non gouvernementaux. Nous sommes fiers de constater que tous ont fait confiance au Croissant-Rouge tunisien pour jouer le rôle d'intermédiaire, qui fasse parvenir les secours à destination des bénéficiaires. Le hasard a voulu qu'au début du mois de novembre dernier, nous ayons organisé une session de formation pour les jeunes de Ben Guerdane et de Médenine avec Raouf Ben Yaghlane, auteur du one-man-show sur l'émigration clandestine. Après le spectacle, des débats avec l'artiste donnaient libre cours à la parole du public. Nous avions en fait découvert un phénomène dans la région : des jeunes gens se suicidaient parce qu'ils échouaient dans leur entreprise d'atteindre le sol italien. Nous avons poursuivi cette expérience au nord-ouest. Nous comptions présenter le spectacle à Kasserine. Mais les troubles avaient déjà commencé…
Comment évoluent aujourd'hui les opérations de secours ?
A partir du 17 février 2011 éclata la crise libyenne. Nous avons alors ouvert un compte spécial Libye. Nos équipes se sont installées sur les frontières dès le 20 février. Une présence très appréciée, que j'expliquerais par le soutien dont nous bénéficions de la part du peuple tunisien, de son gouvernement, de ses différentes institutions locales et de ses autorités frontalières. D'autre part, comme je vous l'expliquais, l'assistance internationale, notamment sur le plan des ressources humaines et matérielles, nous parvient à travers les différents réseaux de la Fédération internationale de la Croix-Rouge mais aussi des agences onusiennes, tels le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), qui s'occupe des camps conjointement avec le Croissant-Rouge tunisien. Et l'Organisation internationale de la migration (OIM), responsable du rapatriement des gens. Actuellement nous enregistrons une baisse d'activité à ce niveau parce que les crédits internationaux ont beaucoup diminué. Nous ne dépassons pas les deux vols par jour après avoir atteint 40 vols quotidiens il y a deux mois. Par conséquent, la durée moyenne de temps d'attente sous tente est passée de trois jours à deux semaines.
250 000 personnes ont traversé la frontière de Ras Jédir. Parmi cette population, il faut compter les travailleurs tunisiens en Libye : 40 000 posent problème étant désormais chômeurs. 40 000 Egyptiens et 20 000 Bangladais ont été rapatriés chez eux. Nous avons travaillé avec quarante différentes nationalités, pour qui nous continuons à organiser des ponts aériens vers des destinations essentiellement africaines. Actuellement nous avons sous tentes 3 000 personnes. D'autres auront le statut de réfugiés pour un temps indéfini encore, à savoir les Somaliens, les Soudanais, les Tchadiens, les Erythréens, les Palestiniens, les Irakiens…
Quel sera le destin de ces hommes et de ces femmes ? La Tunisie fonctionnera-t-elle dans ce cas comme un pays d'accueil ?
Il y a une lueur d'espoir, qui perce pour une partie de ces réfugiés. En coopération avec le HCR, nous cherchons des solutions de rapatriement. Certains pays du nord se sont montrés intéressés, dont notamment le Canada, qui va bientôt offrir des visas de séjour pour quelques dizaines d'Erythréens, la Suisse et l'Autriche.
A Dhéhiba et ailleurs dans le sud, les familles tunisiennes ont ouvert spontanément leurs maisons aux Libyens affluant d'un pays dévasté par la guerre. De quoi ces familles auraient-elles besoin à l'heure actuelle ?
Nous avons vécu deux phases lors de cette crise libyenne. Au début, la Tunisie a représenté pour plusieurs nationalités un pays de transit. Elle s'y est démontrée solidaire et généreuse, ce qui a suscité l'admiration et le respect des personnalités politiques et humanitaires ayant visité la Tunisie ces derniers mois. Les Tunisiens dans ces zones déshéritées se sont mis spontanément à faire la cuisine et à offrir l'hospitalité aux familles égyptiennes de passage. Un fait sans précédent dans l'histoire des réfugiés dans le monde !
Les choses ont changé depuis l'ouverture d'une deuxième frontière, celle de Dhéhiha. Le profil des arrivants de cette zone montagneuse et agricole de l'ouest est complètement différent. Il s'agit en majorité de familles libyennes à revenu modeste, hébergées par les locaux pour les conditions sécuritaires et sanitaires offertes par les ménages tunisiens.
Entre 45 000 et 50 000 personnes sont accueillies actuellement dans les gouvernorats de Médenine, Tataouine, Gabes, Kairouan, Mahdia, Monastir et même Tunis dont 2000 seulement vivent dans les deux camps de la zone frontalière (ces lieux ne convenant pas au style de vie des familles libyennes). Nous avons adapté notre action afin d'aider les familles tunisiennes à prendre en charge les réfugiés en renforçant entre autres nos programmes alimentaires. Et en essayant d'améliorer les conditions de logement et d'hébergement : des besoins se font sentir actuellement en réfrigérateurs et en machines à laver. Encore une fois, associations et citoyens de tous bords se sont mobilisés pour organiser des caravanes sociales vers le sud. Le ministère de la Santé a consolidé là-bas ses structures médicales et paramédicales. Il reste cependant quelques besoins spécifiques, telle la capacité de prise en charge des malades nécessitant une dialyse un jour sur deux.
Nous avons entendu dire qu'il y avait des orphelins dans les camps…
Il s'agit d'une rumeur. Nous avons même reçu des demandes d'adoption ! Parce qu'il y a une situation de guerre les gens extrapolent sur la présence d'orphelins dans les camps. Peut-être sont-ils induits en erreur par le nombre très élevé d'enfants accompagnant les familles. En fait, il n'y a jamais eu de politique de contrôle des naissances en Lybie.
Avez-vous pensé à une stratégie pour occuper et divertir tous ces enfants ?
Nous avons déjà intégré des enfants dans des écoles tunisiennes à Gabès. Si la crise chez nos voisins ne trouve pas d'issue d'ici le mois de septembre prochain, il faudra peut être penser à aménager des classes libyennes au sein des institutions scolaires tunisiennes et recruter pour cela des enseignants libyens parmi les réfugiés. Par ailleurs, des colonies de vacances seront organisées bientôt. Nous voudrions y mêler des enfants des deux pays : des Tunisiens et des Libyens. L'expérience a démontré que ce type d'échange peut être très bénéfique aux jeunes réfugiés.
Actuellement, les partis politiques déploient leurs équipes et leurs slogans également dans les camps. Leur activisme ne parasite-t-il pas votre travail ?
Selon nos principes, l'aide humanitaire doit rester impartiale et dénuée de toute connotation politique. Les échéances électorales des partis les poussent à être présents sur le terrain et se reflètent aussi sur les camps. Leurs motivations sont plus politiques qu'humanitaires. Nous avons demandé à toutes ces mouvances politiques de nous appuyer pour identifier les réclamations particulières au niveau communautaire de façon à ce que le Croissant-Rouge puisse offrir les secours appropriés aux uns et aux autres. Nous voudrions limiter leur intervention à une sorte de cellule d'écoute des besoins.
Pouvez-vous citer les noms des partis les plus présents sur les camps ?
Tous, parmi les plus connus.
Salma Baccar et Leila Chabbi ont parlé d'un émir el moominine (émir des croyants), qui régente les camps. Avez-vous rencontré ce monsieur ?
Je ne l'ai pas vu personnellement. Mais si elles ont déclaré officiellement l'avoir rencontré, je ne peux que les croire. L'écho, qui m'arrive à travers les volontaires des camps, concerne l'agitation politique qui caractérise l'ambiance là-bas.
La culture en général —musique, chant, théâtre, cirque— peut-elle alléger la souffrance des réfugiés?
J'avais trouvé l'idée de Salma Baccar, visant à organiser des activités culturelles dans les camps, géniale. Salma a cherché à exploiter la pluralité culturelle, qui prévalait sous les tentes du sud pour organiser des spectacles. Une manière de privilégier l'échange. Malheureusement elle s'est heurtée à des résistances notamment parce qu'elle est une femme. Je pense que rien ne justifie le règne de la tristesse et de l'angoisse dans les camps. Au contraire, tout ce qui est de nature à alléger la solitude, le stress, la déprime et la souffrance des populations vivant loin de chez eux va dans le sens d'une action de solidarité humanitaire.
* Cet entretien a été réalisé avant les manifestations de ce dernier week-end
(Contacts. Adresse : 19, rue d'Angleterre, Tunis. 1002 - Mail : [email protected])


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