C'est un grand jour de fête pour célébrer le passage d'un cycle saisonnier à un autre. Il est le 1er du mois de mai selon le calendrier établi par Jules César en l'an 46 avant l'ère chrétienne. Il tombe le 14 mai, selon le calendrier grégorien que nous appelons depuis une vingtaine d'années «administratif». Les préparatifs pour célébrer cette journée commençaient longtemps à l'avance : murs badigeonnés, chambres et dépendances minutieusement nettoyées et meubles bien astiqués. Tout le monde est de la fête; ruraux, villageois et citadins, car cette fête est importante; elle consacre la fin du printemps et annonce l'été. Ainsi on festoie convenablement, quoiqu'avec une légère amertume à cause de la disparition des délices printanières, auxquelles on rend hommage par la confection d'andouilles (Osbân) bien épicées et composées d'un mélange subtil de chair animale et d'herbes aromatiques afin qu'elles attisent la passion : le temps est, en ce jour, pour toutes les passions. Ces Osbân ont la réputation d'être ensorcelantes et sont censées guérir les cœurs brisés. Dans le pays du blé, notre céréale noble, à Béja et dans le Keffois, les bonnes ménagères ont pris la bonne tradition de concocter un couscous somptueux qui a un nom à connotation persane : borzgân. Ce nom évoque le nowrouz (de nev roz : nouvel an), la grande fête persane que les Tunisiens célébraient au Moyen Age et jusqu'au début des temps modernes. Le borzgân est en quelque sorte une anticipation sur les récoltes à venir. C'est un plat de bon augure, surtout quand il s'agit d'une année bien pluvieuse, comme c'est le cas pour cette année, où les pluies ont été abondantes et bien réparties sur l'ensemble de notre territoire.