Une foule de manifestants a envahi dimanche la Puerta del Sol à Madrid pour soutenir le mouvement des jeunes "indignés" qui devaient décider s'ils y maintiennent leur village de tentes ou poursuivent leur mouvement sous d'autres formes. "Ca suffit!", "Ils ne nous feront pas taire", "Gagner 600 euros par mois, c'est du terrorisme": de tous âges et de tous horizons, les manifestants se sont rassemblés par milliers sur la place, autour du campement, sous une marée d'ombrelles de toutes les couleurs pour se protéger du soleil. Samedi, les jeunes "indignés" avaient organisé des assemblées dans 120 quartiers et communes voisines de Madrid, qui ont attiré des milliers de personnes. Ils projettent maintenant des assemblées hebdomadaires, sous le mot d'ordre "toma los barrios" (prends les quartiers). Ils devaient décider dimanche de maintenir ou non le village alternatif de la Puerta del Sol, devenu le coeur d'une contestation qui s'est étendue à toute l'Espagne, où des centaines de manifestants se sont encore relayés nuit et jour toute la semaine malgré une mobilisation en baisse. Une nouvelle assemblée générale était convoquée à partir de 20h00 (18h00 GMT). "Nous voulons établir les bases du mouvement. Après nous verrons", a expliqué un porte-parole, Pablo Lopez, étudiant ingénieur de 21 ans. Spontané, inédit en Espagne, ce mouvement qui se veut citoyen et apolitique a démarré le 15 mai, regroupant des jeunes, des retraités, des chômeurs ou des salariés exaspérés par le chômage, qui touche un Espagnol de moins de 25 ans sur deux, et la précarité sociale. Relayé par les réseaux sociaux, le mouvement s'est rapidement amplifié dans les jours qui ont précédé les élections locales du 22 mai. Les revendications, hétéroclites, prennent pour cible le chômage, les excès du capitalisme, les politiciens "corrompus" ou le système électoral accusé de ne pas laisser de place aux petits partis. Mais en l'absence de leader identifié, d'organigramme et de plate-forme lisible, le mouvement se cherche maintenant une nouvelle direction. "Bien sûr que nous devons continuer, sinon tout cela n'aura servi à rien", a estimé Rita Sainz, une étudiante en littérature de 22 ans. "Il y a un avant et un après ce campement. Maintenant il y a une masse de gens qui sont conscients des problèmes, du pouvoir de l'action commune. J'aimerais que nous restions à Sol jusqu'aux élections législatives" de mars 2012, "même si ce n'est qu'avec un stand d'information", a-t-elle ajouté. Toute la journée, les représentants des assemblées de quartier ont défilé au micro pour énumérer leur liste de propositions, très éclectiques, du développement des espaces verts aux réformes politiques les plus improbables, comme l'abolition de la monarchie. Pendant ce temps, des volontaires distribuaient de la crème solaire, aspergeaient la foule avec des vaporisateurs, offraient des gobelets d'eau. Quant à l'avenir du village de Sol, certains proposent de le maintenir, d'autres de le démonter. Alberto Montero, un professeur de gymnastique de 37 ans, qui a participé à la vie du village en travaillant à la cuisine et à l'atelier de construction, explique qu'il aimerait le voir rester: "Ce que nous demandons touche tout le monde. La crise, les coupes salariales. J'aimerais que le campement reste". "Je suis là parce que je dois avoir deux emplois pour survivre, payer les emprunts", témoigne José Ortiz, qui à 57 ans cumule les emplois de gardien et de chauffeur. "Une fois que cela a commencé, nous ne pouvons pas nous arrêter. Nous devons continuer même si c'est seulement avec des manifestations toutes les semaines", ajoute cet homme, portant une pancarte avec les mots "un toit et un travail, sans être esclave".