Le Temps-Agences - Désormais "illégaux" mais déterminés à faire entendre leur ras-le-bol de la crise et du chômage, les manifestants de la Puerta del Sol à Madrid restaient mobilisés hier, à la veille d'élections locales annoncées comme un désastre pour les socialistes espagnols. Dans leur "village" alternatif de tentes et de bâches en plastique bleu, les manifestants qui se relaient jour et nuit assuraient respecter la trêve qui interdit tout acte politique à la veille des élections. Le gouvernement socialiste, embarrassé par cette vague de rébellion sociale qui n'a cessé de grossir depuis le début de la semaine, a joué la carte de la conciliation et aucun ordre d'évacuation n'a été donné à la police, à moins d'incidents, a confirmé hier le ministère de l'Intérieur. "Le gouvernement n'a pas donné d'ordre d'évacuation et la police a pour instructions de maintenir l'ordre public tout en informant les participants que les manifestations ne sont pas autorisées", a déclaré un responsable du ministère. 60.000 personnes, selon le ministère, ont manifesté vendredi soir partout en Espagne, dont environ 20.000 à Madrid selon des estimations des médias. Forts de leur succès grandissant, les organisateurs du mouvement envisagent maintenant de le prolonger au-delà de dimanche. Aux cris de "maintenant nous sommes illégaux", une foule immense avait accueilli vendredi à minuit, sur la Puerta del Sol, le début de la trêve, après avoir, aux douze coups de l'horloge, lancé symboliquement un "cri muet", rubans de scotch sur la bouche, bras levés au ciel. Hier, plus d'un millier de manifestants occupaient toujours le campement dans une ambiance festive. Depuis mardi, ce mouvement rassemble une mosaïque de jeunes rejoints par des citoyens de tous horizons, chômeurs, étudiants, retraités, salariés. Inédit, coloré et pacifiste, le mouvement, au nom du "droit à s'indigner", dénonce la mainmise des grands partis sur la vie politique espagnole, l'injustice sociale, les dérives du capitalisme, la "corruption des politiciens" et se veut un laboratoire d'idées pour des réformes à venir. Surtout, il trahit la frustration de millions d'Espagnols face à un chômage record (21,19%), qui frappe près de la moitié des moins de 25 ans. Cette vague de contestation spontanée a été l'invitée surprise de la campagne électorale, au moment où le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero s'apprête, selon les sondages, à affronter une sévère défaite aux élections régionales et municipales de dimanche. Dans ce contexte, le mouvement de jeunes, en position de force, joue sur l'ambiguité de la loi et l'embarras du gouvernement, en répétant qu'il est "apolitique" et "citoyen".