Par Khalifa CHATER • «Les morts sont invisibles. Ils ne sont pas absents» (Saint Augustin) Tristes actualités, les scènes moyen-orientales sont souvent jonchées de morts. Les agissements des commandos-suicide continuent leur triste besogne. Le nombre de civils tués dans les violences en Irak a atteint, en mars, 216 contre 211 le mois précédent. Au moins 30 personnes tuées et 168 blessées dimanche dans trois attentats-suicide perpétrés dimanche 4 avril à Bagdad, dont deux ont visé les ambassades d'Egypte et d'Iran. Situation tragique au Pakistan, lors d'un meeting politique dans le nord-ouest du pays à Timargarah, lundi 5 avril, un kamikaze à pied a fait exploser sa bombe devant la tribune du Parti national Awami (ANP) faisant une quarantaine de victimes. Peu de temps après, une attaque revendiquée par les talibans prenait pour cible le consulat américain de Peshawar. En Afghanistan, le feuilleton de la mort reste à l'ordre du jour. La diplomatie des kamikazes — qu'ont ne doit pas confondre avec la stratégie de la résistance — marque le Moyen-Orient avec ses effets d'entraînement sur toute la scène. Suite à la guerre d'Irak, aux affrontements militaires en Afghanistan et à la poursuite de la politique israélienne de «pacification coloniale», de tous ces facteurs qui ont affecté les équilibres fondateurs au Moyen-Orient, les mouvements de dérive, les réactions de désespoir et les tactiques utopistes et extrémistes qui en résultent marquent la scène et l'embrouillent. Comment arrêter ces guerres asymétriques, sans lignes de front, où les populations innocentes deviennent des cibles ? L'annonce du retrait des troupes américaines, à plus ou moins brève échéance, d'Irak et l'organisation d'élections législatives n'ont pas mis fin aux dissensions pour assurer la stabilité. En Afghanistan, il n'y a pas d'espoir à l'horizon. Le Pakistan est mis à rude épreuve par le développement de la guérilla engagée par les talibans. D'autre part, le veto israélien à la paix a pour objectif de perpétuer l'ordre colonial. Rien ne peut expliquer la paralysie diplomatique qui affecte la scène. La pesanteur géopolitique traduit plutôt l'absence d'une politique volontaire de la communauté internationale, le refus d'engagement des puissances et l'obstruction des stratégies alternatives. Fait important qu'il ne faudrait pas sous-estimer, l'engagement de la Turquie dans son environnement moyen-oriental et sa volonté de participer au traitement des questions de cette aire sont en mesure de conforter l'option de l'apaisement. Son opposition à une guerre contre l'Iran, par une solidarité de voisinage, fait valoir la solution diplomatique des contentieux. Cette position turque traduit, sous l'effet de la montée des périls, l'élargissement de la scène proche-orientale aux partenaires de proximité, à l'Afghanistan et au Pakistan, sinon davantage. L'actualité tragique doit faire valoir la nécessité de promouvoir la diplomatie. Il faut transgresser les affirmations générales de compréhension et de souhaits qui maintiennent le statu quo hégémonique et diffèrent les prises de positions. Ni dramatisation verbale, ni désengagement diplomatique, mais une analyse lucide de la donne devrait permettre de prendre en compte les enjeux réels et adopter la stratégie volontaire pertinente, pour apaiser les passions et ouvrir les horizons de l'espoir et de la concorde. Il y va de notre bien-être et de notre sécurité à tous.