Par Khalifa CHATER L'ère de la guerre froide a été régie par l'équilibre de la terreur, essentiellement le bilatéralisme nucléaire. Le rapprochement entre les puissances, illustré ou plutôt symbolisé par la chute du Mur de Berlin, en 1989, redimensionnait les risques d'affrontement entre les puissances détentrices de l'arsenal nucléaire. Réunissant près de 47 pays, le Sommet de Washington, qui prenait acte de cet état de fait, avait l'ambition, selon le Président Obama, qui l'a invité, de réaliser un accord sur un meilleur contrôle des armements nucléaires. Mais est-ce que la persuasion pouvait convaincre leurs détenteurs, de se débarrasser de cette arme de destruction massive, engin terroriste par définition, puisqu'il a comme cible la population civile‑? Ce paradoxe du Sommet est notamment explicité par un dessin du journal International Herald Tribune, qui montre des chefs d'Etat quittant leurs réservoirs d'ogives, pour rejoindre le Sommet (14 avril 2010). Est-ce que le Sommet était en mesure de dépasser les contentieux de la conjoncture et de faire valoir un traitement objectif de la question de prolifération, transgressant la politique de «deux poids, deux mesures», la règle de gouvernance internationale du Moyen-Orient ? L'annulation par Netanyahu de son voyage à Washington, unique pays possédant l'arme nucléaire au Moyen-Orient, ne pouvait permettre d'occulter cette donne. De fait, la question de la nécessaire dénucléarisation du Moyen-Orient fut évoquée. Dans quelle mesure est-ce que la campagne récente contre la Syrie ne s'inscrivait pas dans le souci d'Israël de sortir de son isolement, concrétisé lors du Sommet de Washington. Entretenue par l'Establishment et les médias, cette campagne évoque une nouvelle guerre et fait valoir, à l'appui, que Damas livre des missiles Scud au mouvement chiite libanais. Israël et la Syrie sont à «deux doigts d'un conflit armé», telle est l'inquiétante impression donnée par les médias israéliens. Inversion de rôles surprenant, le Président Shimon Pérès, en visite à Paris, a appelé à «relancer de toute urgence» les négociations avec les Palestiniens. Il occultait leur paralysie de fait par son gouvernement, qui a défié le Président Obama, lors de leurs derniers entretiens. D'autre part, la situation reste préoccupante en Irak alors que la guerre d'Afghanistan se poursuit avec ses morts d'hommes quotidiens, des tragédies appelées pudiquement des «effets collatéraux». La concertation de Berlin, Paris et Washington, en marge du Sommet nucléaire, a rapproché les points de vue. Mais on s'oriente vers un renforcement de l'intervention extérieure, alors que l'on privilégie la dynamique interne s'inscrirait dans une stratégie de paix, réclamée par les opinions publiques occidentales. Qu'il nous suffise de rappeler les dernières manifestations de Berlin, en faveur du retrait du contingent allemand. Affecté par les débordements frontaliers de cette guerre, dans ses régions tribales, le Pakistan souhaite jouer un rôle «central» dans la résolution du conflit afghan. Le Premier ministre pakistanais, Syed Yousuf Raza Gilani, soutient l'approche du Président afghan Hamid Karzaï et sa stratégie de réconciliation avec les talibans et les autres insurgés. «Nous devons, affirma-t-il, examiner de plus près ce qu'il propose, en concertation avec les Etats-Unis. Quoi qu'il en soit, nous sommes favorables à une solution “made in Afghanistan”, car, en dernier ressort, c'est aux Afghans qu'il revient de décider de la manière dont ils veulent ramener la stabilité dans leur pays» (Le Figaro, 18 avril 2010). La tournée du Premier ministre pakistanais en Europe, pour assister au Sommet Union européenne-Pakistan, atteste la volonté de réhabiliter le rôle du Pakistan en tant qu'acteur central : «Le Pakistan, dit-il, fait partie intégrante de la résolution du conflit afghan. Nous avons beaucoup de points communs avec l'Afghanistan, que ce soit au plan historique, culturel ou géographique. Le Pakistan peut donc jouer un rôle central dans la stabilité de l'Afghanistan; et il est de notre intérêt d'avoir un Afghanistan stable». Cependant, dans quelle mesure, l'émergence du Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine) n'est pas susceptible d'introduire des mutations dans les relations internationales. Pour le moment, ces pays concernés ont comme priorité la conquête des marchés en faveur de leur développement. Mais ce groupement qui émerge pourrait exercer un rôle similaire au mouvement des non-alignés et du tiers-mondisme. Nous n'en sommes pas encore là. La candidature du Président brésilien Lula au secrétariat général des Nations unies annoncerait de nouvelles perspectives.