Sans exagération, la localité ignorée et exclue du développement pendant des décennies constitue aujourd'hui le point central d'une réflexion d'envergure mondiale, non seulement pour comprendre pourquoi la révolution a commencé par là, mais surtout pour trouver, à travers Sidi Bouzid et la Tunisie, des pistes de réflexion pour les problèmes globaux et prévenir ainsi l'écroulement d'autres pays. Et c'est précisément dans ce sens que plusieurs participants étrangers au 7e colloque de l'Association internationale des économistes tunisiens qui se tient du 6 au 8 juin à Hammamet accordent une importance capitale au nouveau modèle de développement en gestation de la nouvelle Tunisie, considérant que la révolution tunisienne renferme une dimension mondiale aussi bien dans ses causes que dans ses perspectives. «Nous sommes convaincus que la Tunisie peut apporter des solutions pour les problèmes actuels de l'Europe», affirme un universitaire français Paul Boccara, lors d'un dîner-débat sur la Tunisie et l'Union européenne après la révolution, organisée en marge de ce colloque. «Nous rêvons de voir un pays comme la Tunisie petit par la taille, grand par cette révolution populaire et spontanée, traiter d'égal à égal avec les plus grandes puissances mondiales et il peut le faire», reconnaît un participant iranien. C'est ainsi dire donc que la dimension du développement régional était au cœur de la réflexion que ce soit dans les séances plénières ou à l'école doctorale ou même dans les coulisses de cette rencontre. Pourtant, une table ronde conclusive a été consacrée à ce thème dans le programme du colloque et la couleur a été annoncée depuis la séance inaugurale par un échange constructif entre le ministre des Finances et les participants. Et le constat est là : «En survolant la Tunisie par avion durant la nuit, quiconque voyageur peut remarquer que seules les côtes sont illuminées. Et nous devons faire en sorte que toutes les régions intérieures du pays soient aussi illuminées que les côtes», lance le ministre des Finances dans ce contexte, mettant l'accent sur l'importance de l'infrastructure dans l'approche future du développement et précisant que là où s'arrête la route s'arrête le développement. Mais là n'est pas tout, si la logique du ministre des Finances est basée sur un système central qui doit alimenter le régional, une réflexion contraire a été défendue pour favoriser une centralisation de la décision et des moyens. Ainsi, le professeur universitaire Sadok Belaïd a défendu la nécessité de donner une place constitutionnelle à la région, se référant au fait que la première étincelle de la révolution est partie de Sidi Bouzid. Il a rappelé que la décentralisation en Tunisie a été toujours accompagnée de déconcentration, faisant de la région une machine à exécution aux mains du gouverneur et des délégués. «Inutile de déléguer le pouvoir si vous ne donnez pas l'autonomie des moyens», mentionne-t-il. «Et nous pouvons donner cette autonomie tout en assurant l'unité nationale», insiste-t-il, en réponse à une question sur le régionalisme et l'exiguïté de la taille du pays. Bien entendu, la question est loin d'être tranchée, notamment en présence d'un gouvernement provisoire, quoique plusieurs experts internationaux considèrent que la période transitoire est extrêmement importante dans la mesure où elle permet de jeter les bases pour la construction de l'avenir. Et dans tous les cas, «il faut être fier, souligne M. Werner Gephart, que cette révolution soit porteuse de valeur qui sont en train de s'étendre en Europe et dans le monde, faisant la crainte des dictateurs et l'espoir des populations.»