Voici un homme qui a marqué son temps. Son côté patriote acharné l'a conduit à côtoyer et à accompagner Mohamed Ali El Hammi et Tahar Haddad dans leur action politique, sociale ou syndicale. Quant à la poésie, ce fut un défenseur du renouveau et de Aboul Qacem Chebbi en particulier, à un moment où celui-ci en avait grand besoin. Sur le plan journalistique, il restera un des pères du journalisme militant tunisien. Sa vie: Il naît le 27 janvier 1911, à Tunis. Son père décède alors qu'il n'avait que cinq ans. Il commence, comme tous les enfants de cette époque à apprendre le Coran dans le kotteb . Son intérêt va tout de suite vers la lecture de tout ce qui lui tombait sous la main, notamment les pages de journaux. Il fréquente ensuite l'école Irfania pour finir à la Zitouna pour ses études universitaires mais hélas, sans obtenir la licence. Son premier maître est le grand journaliste Mohamed Jaïbi. Il commence d'ailleurs une carrière de journaliste en 1927, dans les locaux du journal Assaoueb que dirige ce dernier. Sa carrière continue plus tard dans d'autres journaux dont celui de Ali Douaji Assourour. En 1949, il crée Assarih, puis Al Farzazzou en 1955 . Mais c'est surtout en février 1951, à la création du quotidien Assabeh que le nom de Hédi Laâbidi est devenu une référence notable dans le domaine de la création et de l'écriture journalistique en Tunisie. En 1964, il participe à la mise sur pied de l'union des journalistes arabes et préside la délégation tunisienne au premier congrès de Koweït. Son œuvre journalistique et politique Durant sa vie , Hédi Laâbidi n'a cessé d'œuvrer pour un journalisme engagé mais aussi pour la création de la première radio en langue arabe qu'il appela : Radio Tunis puis Radio Carthage. Sa vie a été consacrée à l'écriture dans tous les domaines ; son style était clair et concis. Il décède le 15avril 1985, à 74 ans, non sans avoir été primé à plusieurs reprises : cordon de la République, de l'Indépendance, du mérite culturel. Il était à ce moment-là conseiller au ministère de la Culture. Son nom est resté à ce jour lié au mérite journalistique primé par le Président de la République, sous l'appellation de «Prix Hédi Laâbidi», gagné cette année par Boubaker Seghaier. C'était un homme de culture comme il y en a de moins en moins, très polyvalent, multidimensionnel. Il s'est illustré par la valeur de ses articles dans tous les journaux de l'époque et notamment Assabeh dont il devint le premier rédacteur en chef aux côtés de feu Habib Cheikhrouhou. Leur action était d'abord patriotique, un militantisme sans bornes pour la cause juste de l'indépendance du pays, et ce, malgré la dure censure qui veillait au grain. Depuis son adolescence, dans les années vingt, Hédi Laâbidi et les jeunes de son âge étaient conscients de la situation politique qui régnait. En 1928, Mohamed Ali El Hammi commençait à rassembler ses troupes. Laâbidi déclarait déjà que sa première lutte était pour que la femme obtînt ses droits légitimes. Dans le même temps Tahar Haddad lançait ses articles-chocs pour les droits de la femme. Grâce au journal Azzamen et aux plumes de Douagi, Laâribi et Laâbidi et même Bayram Ettounsi avant de créer son propre journal Achabab, cette cause était fort bien défendue malgré l'opposition des conservateurs. La libération de la femme constituait pour Hédi Laâbidi une lutte renouvelée qu'il renforçait en défendant dans le même temps les thèses de Tahar Haddad. Celui-ci mourut en 1935; à son enterrement, peu suivi, et pour cause, il lui dédia un poème aussi fidèle et reconnaissant qu'attachant : «Levons – nous et saluons le militant et le doyen; et prions car le talent est mort en martyr». Il y regretta que les Tunisiens de l'époque fussent passifs au point d'accepter d'être «les esclaves» de leurs théories rétrogrades et de refuser le progrès et l'ouverture que leur proposait Tahar Haddad en «cassant les chaînes». Aboul Qacem Chebbi avait fait de même. Le renouveau dans la poésie et la défense de Chebbi Hédi Laâbidi, journaliste précurseur, véritable locomotive de son époque, avait une activité littéraire et poétique de premier plan. Il faisait partie de l'équipe «Taht essour» que formait avec lui Mustapha Khraïef, Ali Douagi, Karabaka et tous les hommes de lettres et poètes œuvrant pour une culture nouvelle , variée, ouverte, tolérante, riche…Il était le plus prolifique et avait une qualité particulière : la concision et la clarté. Sur le plan de la poésie, il défendait Chebbi qui proposait le renouveau . Celui-ci, qui voulait «casser les chaines», souffrait de l'absence d'échos auprès de ses concitoyens. Laâbidi tenait un langage percutant dans ses conférences où il lui donnait raison. Il en a fait de même avec Karabaka dans sa défense de l'industrie tunisienne de l'époque, soumise à rude concurrence de la part d'importateurs peu conscients. L'œuvre de Hédi Laâbidi touchait aussi le théâtre. Il y a joué d'abord, mais s'est illustré surtout par son écriture théâtrale. Il a écrit notamment une pièce Abdelmomên Ibn Ali primée par l'Union théâtrale en 1939-1940. Il a traduit Salomi en compagnie de Béchir Methenni. Parmi ses adaptations : Dhaa souabi, Wild chkoun hal maghboun. Il a même dirigé la troupe de la radio et produit des émissions radiophoniques. Quant à ses chansons, elles ont été écrites en particulier pour Saliha : Nanni nanni ahna mnem, Chahrou essyem, «Elilm Lil omam» toutes composées par Khémais Tarnène. Mais aussi pour Fathia Khaïri et composée par Sayed Chatta Mahla layali Chbilia et pour Hédi Jouini, composées par ce dernier Elli taadda w fet, Essabr lillah w errjoua el rabbi. Pour nous , sa plus belle chanson reste : Mahlaha kilma fi fommi, ki nadi w nqoul ya ommi, composée par Tarnène et chantée par Naâma. L'œuvre de Hédi Laâbidi est ainsi multiple, mais le plus important aura été son action pour la nation dans sa lutte infinie pour son indépendance, et pour la libération de la femme, aux côtés de Tahar Haddad, convaincus qu'ils étaient que «la femme était l'avenir de l'homme».