Par Fethi El Mekki «Si vous m'apportez votre voix, non seulement nous gagnerons l'élection, mais ensemble, nous changerons ce pays et nous changerons le monde». Barack Hussein Obama, lundi 3 novembre 2008. 4 juin 2009, Egypte, Université du Caire. Il faisait beau ce jour-là, Très beau. Il y avait des frissons de printemps qui couraient dans l'air et dans les veines. Le tapis rouge vif était bien déroulé et la fanfare bien tapageuse. Dans l'amphithéâtre, l'arrivée de M. Barack Obama a été précédée d'un bourdonnement d'électricité. A son entrée, on ne criait pas, on priait…sincèrement… et on nageait dans l'exquis. Il s'est produit dans ce joli monde un fichu frisson, chacun s'est mis à jouer des coudes ou de la cheville pour se placer dans le regard de César. «Assalamou Alaykom», tels sont les deux mots qui ont été prononcés par notre «ami» qui, en vieux matou affable, droit comme une majuscule, aimable jusqu'à l'onction et habillé en noir catafalque semblait dire: je suis le donateur et la donation. Le temps s'est figé; les aiguilles des montres, à défaut de tourner dans le sens contraire, se sont arrêtées de tourner. Le choc était violent, rude, impitoyable, et profond. Fortement commotionnés, les présents (les Arabes bien évidemment) n'étaient pas prêts de se relever. Ce jour-là dans la salle, les lumières viraient vers l'abricot. La lumière abricot qui, paraît-il, calme les veaux dans les étables. Pour la plupart des présents (les optimistes du Moyen-Orient), cet Américain pas tout à fait comme les autres (Zyad Limam), cet ovni de la politique (François Soudan), ce sapeur pompier (Alain Mabanckou), il appartient à une nouvelle race d'hommes politiques; ce type est différent (Jesse Jackson), c'est un animal politique qu'on ne connaît pas (Robert Malley), semblait décider à renouer des relations saines avec le monde arabo-musulman et faciliter du moins la vie aux Palestiniens qui vivent encore au Moyen âge grâce à leurs «protecteurs». Pour ces optimistes, il y avait un avant et un après 4 juin 2009 et cette déclaration était considérée comme l'acte fondateur pour une réconciliation entre Occident et Islam et entre le monde arabe (s'il existe) et Israël. Ce jour-là, M. Barak Obama avait marqué des points auprès des nations arabes en les rassurant, en les dorlotant, en les bichonnant du regard, en leur promettant tout et son contraire …Dormez braves gens, dormez… Bref un exceptionnel numéro d'hypnose et surtout a fait gagner du temps à ses maîtres de toujours que je ne nommerai pas par pudeur. Pour les pragmatiques, et ils sont très peu nombreux, ce n'est qu'une litanie de formes creuses, il n'y a rien eu de concret et il n'y aura jamais rien de concret. Ce ne sont que des mots, des mots ,des mots… Pour ces «pessimistes», la tragédie était sublime et les fines épées vont maintenant dégainer et trancher dans le vif, car quand le loup lèche l'agneau, c'est rarement un bon présage. 4 juin 2011 : deux ans déjà. Deux ans que le formidable «Assalamou Alaykom» a été lâché à la meute par notre penseur universel. Dans un discours à la Convention démocrate de Denver, quelques semaines avant les élections du 4 novembre 2008, Michelle Obama avait déclaré : «Mon mari sera un président extraordinaire». Pour les Palestiniens, il n'avait même pas été capable d'obtenir le gel des colonisations israéliennes … A peine 6 mois après son élection, le 9 octobre 2009, Barack Obama a reçu le prix Nobel de la paix… Il a été sélectionné, 3 semaines seulement après sa prise de fonction sans qu'il ne soit au courant, parmi 245 candidats… La machine à anesthésier s'est mise en marche… Tout un programme… Ce prix a récompensé les «efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationale entre les peuples» (sic); pour d'autres, probablement un peu moins délurés, il a reçu son Nobel parce qu'il a réussi à redresser de manière spectaculaire l'image des Etats–Unis à l'étranger (re-sic): il paraît que rien qu'au pays du bon roi Dagobert, selon les instituts de sondage, elle est passée de 39% à 75% d'opinions positives de 2007 à 2009, alors que les guerres d'Afghanistan et d'Irak semblaient s'enliser… Petit miracle de la politique de petite truanderie… Pour nous c'est une énième farce de l'Occident pour nous faire avaler une énième couleuvre…. Que voulez-vous on n'a pas le même estomac… Les Arabes ont une qualité importante, ils n'ont pas de mémoire. Ils n'ont pas compris que celui qui essayera de faire bouger les choses restera dans les coulisses de l'histoire, tel ce malheureux Bill Clinton, qui a tenté de dresser la nuque devant les fantômes. Des fantômes fort bien respectés, omniprésents, là ou l'argent jaillit comme le pétrole dans les déserts des défuntes Irak, Soudan et Lybie et surtout là où on essaye de chagriner l'enfant gâté et chéri de toujours, que je ne citerais pas par délicatesse. Aujourd'hui, curieusement en prononçant le fameux «Yes we can» on a le goût de la poudre sur la bouche. Pour nous en 2 ans, notre ami a pris dix ans d'un coup, ses yeux ne sont plus en face des trous et sa voix semble provenir d'outre-tombe. En fait, on ne fait qu'assister à l'impuissance du puissant. Ce jour-là, les grandes déclarations de principe, les mots de congratulations mutuelles, les témoignages d'amitié n'ont été qu'un habillage de façade ou une de ces combinaisons ingénieuses pour nous planter un autre grand couteau dans le dos. Dieu seul le sait… Depuis ce jour-là, il ne faut pas essayer de chercher les mots pour décrire ce qui nous arrive et moins encore pour l'écrire. Il n'y en a pas. Le monde arabe meurtri et décapité cherche en vain le chemin de la paix. Partout il se heurte à des «peuples» en armes. Aujourd'hui ce n'est plus la Palestine et l'Irak qui sont à feu et à sang, mais la presque totalité du monde arabe. C'est le sauve-qui-peut général. Le sang coule à flots comme le champagne le soir d'un réveillon de fin d'année, on se baigne partout dans des mares d'hémoglobine et on assiste malgré nous à l'apothéose du feu d'artifice en l'honneur de Satan et de ses 666 diablotins. Le fanatisme, le chauvinisme et le régionalisme ont été réveillés bien comme il faut et une honteuse reculade se manifeste un peu partout. Le mépris des nations est poussé jusqu'à la démence et au nom de l'eternel droit d'ingérence si cher à ce Bernard Kouchner et surtout pour soi-disant sauver les «citoyens arabes» re-re-sic, les Etats-Unis d'Amérique et leurs complices de toujours menacent «d'intervenir», si ce n'est déjà fait. Décidément on aura tout vu…Plus c'est gros et plus ça passe… Pour les utopiques qui rêvent d'une Amérique honnête, pacifique, juste, non soumise aux groupes d'intérêt qu'on connaît, ils n'ont qu'à prendre leur mal en patience. Pour les diplomates-prophètes de la Maison-Blanche, portant un masque hypocrite cachant les mobiles réels: conquête, conquête et conquête…la mission a été formidablement bien accomplie. *Boulanger : sobriquet utilisé dans cet article pour un bien aimable monsieur qui a roulé le monde arabe dans la farine pharisienne du théâtralisme et de la tartufferie.