Par Khemais FRINI Le consensus autour de la date des élections est une avancée significative vers la réalisation d'une transition démocratique en douceur. Cela promet un bon déroulement des élections pour autant que la sécurité intérieure soit consolidée et que la reprise économique se précise bien grâce, entre autres, à une accalmie sociale plus qu'indispensable pour sauver ce qui peut encore l'être .Certes, des problèmes politiques et certaines questions restent parfois en suspens. Il est important désormais de les séparer des questions sociétales quotidiennes afin de nous prémunir de toute velléité de remise en cause de cet ordre relatif tant souhaité. Les problèmes politiques ont contre importance. Nous devons nous habituer à les discuter dans les espaces appropriés des partis, des syndicats, des associations et des médias et ne plus songer à user de la rue pour s'exprimer. La révolution doit rester notre tempérament et la démocratie devenir notre comportement. En fait maintenant que la problématique du référendum est écartée. Soit. Il faut être démocrate et accepter la règle du jeu. Néanmoins, des réponses doivent être apportées rapidement autour des pouvoirs à confier à la Constituante, à la durée de son mandat et au processus général de la transition. On doit signaler que les déboires que nos avons vécus depuis 23 ans proviennent essentiellement du cumul des pouvoirs entre les mains d'une seule personne et de ses acolytes adossés à un parti faisant office de courroie de transmission des ordres. Les pouvoirs exécutif et législatif et même des fois judiciaire étaient soumis à la volonté d'un seul individu «Quand les trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme», disait Montesquieu. Aujourd'hui, les Tunisiens sont unanimement opposés à ce cumul des pouvoirs mais est-ce suffisant de s'y opposer? Il n'y a aucun doute que l' origine des malheurs d'un peuple découlent de la dictature et du despotisme. Mais la question qui se pose est que la dictature n'est pas seulement le fait d'un individu Elle peut être aussi et surtout le fait d' un groupe d'individus, même élus au sein d'une assemblée, autant que cette assemblée soit dotée de pouvoirs absolus. Dans ce cas, on se trouve dans la même configuration que celle du despotisme personnel mais avec l'instabilité en prime. En situation normale ( existence d'une Constitution en vigueur), il peut être mis fin au despotisme du Sénat : la destitution peut se faire à la fin de la magistrature fixée auparavant par la Constitution et même avant par la procédure de dissolution. Dans le cas de la Constituante, cela n' est plus possible car en l'absence d'un délai qui lui aurait été imparti par un chef d'Etat qui serait encore en exercice en même temps que la Constituante, ce sera elle-même qui aura le pouvoir de décider de la fin de sa magistrature d'autant plus qu'elle n'est pas tenue théoriquement et souvent politiquement à respecter les dispositions qui lui sont antérieures . Cela s'accentue dans le cas où elle se trouverait seule sur la scène politique sans avoir à ses côtés un chef de l'exécutif, fût-il un bey comme en 1956 ou l e fils d' un ex-roi comme Juan Carlos d'Espagne, etc. Que se passe-t-il donc dans ce cas En l'absence donc de garde-fous, on peut arriver à des situations où un groupe d'individus élus démocratiquement peut accaparer le pouvoir absolu. Et ce n'est pas l'artifice électoral savamment ficelé et favorisant une assemblée «mosaïque» qui pourra constituer la parade. Au contraire, c'est le départ de coalitions, de contre-coalitions, de surenchères malsaines etc. En somme, tous les ingrédients de l'instabilité politique chronique à la manière moyen-orientale. Cela signifie que le régime parlementaire pas plus que tout autre régime ne présente guère de garanties particulières et réelles pour la liberté du citoyen et la démocratie. La vraie garantie de la liberté du citoyen chèrement payée et de la démocratie tant souhaitée réside dans l'indépendance et le verrouillages des pouvoirs les uns par rapport aux autres. On peut noter à titre d'exemple qu'Adolphe Hitler et bien d'autres dictateurs étaient bien élus démocratiquement en qualité de chefs de parti dans un régime parlementaire En contre-exemple, le président des Etats-Unis ne dispose pas des pleins pouvoirs. Pour le cas qui nous préoccupe à savoir la Constituante qu'on se propose d'élire dans quelques mois, il est fondamental que cette Constituante soit «doublée» de la présence d'un chef de l'exécutif. Elle ne doit pas s'approprier le pouvoir d'élire un chef de l'exécutif ni en son sein ni ailleurs. Son rôle est strictement constitutionnel et éventuellement législatif. Les choses étant ce qu'elles sont, comme on dit, deux solutions s'offrent aux Tunisiens : 1- Une première solution consensuelle : maintenir le président intérimaire jusqu'à la fin de la période nécessaire à la transition et non comme le déclarait M. le Premier ministre au soir des élections de la Constituante. Encore un petit effort de sorte qu'il y ait : Le 23 octobre 2011 élections de la Constituante dont la durée aura été arrêtée au préalable à trois mois de manière consensuelle.Cette durée, cumulée aux 4 mois qui nous séparent des élections pendant laquelle les partis auront préparé leur draft, est largement suffisante. - Le 14 janvier 2012, référendum pour le choix entre les régimes proposés par la Constituante et adoption finale de la nouvelle Constitution. - Le 20 mars 2012 élections présidentielles et/ou législatives. 2- Une deuxième solution définitive et légale : élection le même jour du 23 octobre du président de la République. Celui-ci ne peut dissoudre la Constituante pendant la période constitutionnelle de trois mois qui lui seront impartis. Le 14 janvier référendum. Adoption de la nouvelle Constitution. Dans ce cas et à cette date précise la Constituante se transformera en législative et poursuivra ses travaux jusqu' à la fin du mandat du président. Cette dernière solution a le mérite d'en finir avec la transition, de relancer le pays et mettre un terme à la sinistrose due à cette période d'incertitude. La seule objection à cette solution est que la Constitution suspendue prévoit la signature de 30 députés ou maires. Mais là on peut passer outre et se contenter des autres prévues dans le même article 66 de la dite Constitution, à savoir du président du Conseil Constitutionnel, du premier président de la Cour de cassation, du président du Tribunal administratif et du mufti .Les experts constitutionnalistes qui sont plus compétents que nous trouveront la parade.