Par Abdelmajid BETTAIEB* Quel régime politique garantissant les libertés publiques peut-on proposer aux Tunisiens? Et comment l'électeur tunisien peut-il exprimer librement en connaissance de cause son avis sur cette question? Le droit comparé peut nous aider à esquisser une réponse. La révolution française a été un événement fondateur pour la société mais son héritage divise encore les Français. Est-elle un événement positif ? La réponse est sans aucun doute oui quand on songe au principe de la souveraineté, de la nation, de l'Etat de droit, des droits de l'Homme... La réponse est plus nuancée quand on songe aux injustices et aux crimes de 1793 (la guillotine, les guerres de Vendée, le jacobinisme) Il a fallu attendre l'avènement de la IIIème République qui a mis en place un régime libéral avec des mécanismes spécifiques. La Révolution russe de 1917 a connu le même cheminement intellectuel jusqu'à la chute du mur de Berlin. La Révolution tunisienne de janvier 2011 a brisé toutes les images véhiculées par un pouvoir détenant le monopole de l'activité politique, culturelle, économique et sociale, tout en restant dans un cadre pacifique ouvert et tolérant. Les seuls mots d'ordre de la révolution étaient liberté et dignité, celle-ci ne faisait l'objet d'aucune récupération partisane ou personnelle, elle était spontanée. Dans ces conditions peut-on envisager un régime politique basé sur les principes de la révolution en faisant l'économie d'une quelconque dictature d'un parti ou d'une idéologie ou d'un chef charismatique? Ces questions doivent être posées clairement aux Tunisiens. Pour ma part, et vu les expériences du droit comparé, je penche pour un régime parlementaire avec un système de vote qui assure une certaine stabilité en dégagent des majorités de gouvernement. Le régime parlementaire permet un large débat sur les idées, sur les grandes questions loin des considérations personnelles car les Tunisiens ont souvent adopté un père de la nation, un sauveur, un combattant suprême, un président à vie etc... Mais ce régime doit être complété par des grandes lois organiques concernant les droits fondamentaux : droit de réunion, droit d'association, droit d'éducation, droits sociaux, droits de l'Homme. Cette liste n'est pas limitative et doit faire l'objet d'une grande participation populaire. La deuxième question reste de garantir une expression libre de la volonté des électeurs tunisiens. L'électeur tunisien doit avoir la liberté de choisir un régime adéquat en connaissance de cause. Le rôle des partis politiques, des associations de la société civile est primordial, ainsi que les médias pour garantir une libre expression du citoyen le jour de l'élection. L'électeur tunisien doit avoir entre ses mains tous les choix possibles bien exposés pour pouvoir donner son avis en toute responsabilité. C'est un point de vue personnel que j'espère enrichir par la participation d'autres personnes, et je conclus sur une note optimiste ; car un peuple, qui a été capable d'héberger des milliers de réfugiés sans distinction aucune, est aussi capable de faire le bon choix quant à son avenir.