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Réinventer l'idéal
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 04 - 2011


Par Dr Rejeb Haji*
• «La difficulté de réussir ne fait qu'ajouter à la nécessité d'entreprendre.» P.A.C.Beaumarchais (1732-1799), Le Barbier de Séville
A l'heure des choix des programmes politiques et des projections d'avenir pour affronter l'électeur, le devoir d'avoir servi mon pays depuis mon plus jeune âge jusqu'à l'année du putsch médical (adhérent à l'Uget en 1956, décoré de l'Ordre de l'Indépendance membre du Comité Central du PSD 1978, premier maire de la municipalité de Melloulèche sans rémunération aucune...) me dicte de mettre mon expérience à la disposition des politiques pour aider un tant soit peu aux choix du futur.
Etant le lecteur scientifique de la version française du «Lexique de l'économie sociale de marché : la politique économique de A à Z» que la Fondation Konrad-Adenauer a choisi d'éditer dans notre pays, il nous a paru utile de proposer certains fondamentaux de l'économie allemande. Cette économie, la seule qui ait su résister à la crise et que l'Europe a adoptée, est encore peu enseignée dans nos formations universitaires.
Après un bref aperçu du développement et de son exégèse moderne, nous présenterons quelques axes susceptibles d'être médités. Ces axes, inspirés d'une lecture du lexique, peuvent servir à la définition des projets et à aider à relancer une déclaration de principe autour d'idées fortes, ralliant toutes les sensibilités qu'elles soient de droite ou de gauche (voir notre article «Ensembles pour réussir», La Presse du 1/4). Le cap ainsi fixé ne serait ni un projet, ni un programme, mais un consentement tacite autour duquel tous ensemble nous pouvons réinventer un idéal galvaudé par vingt trois années d'aveuglement et de corruption.
En effet, l'inventaire du legs des «novembristes» et de leurs ténors, spécialistes de la rancune, de la haine et de la combine pour se maintenir au pouvoir, n'a pas encore été fait. Le constat unanime est qu'ils n'ont pas répondu aux besoins de notre présent et ont compromis l'avenir de nos générations futures. Il est vrai que, pour eux, l'intérêt sordide de leurs affaires était prioritaire d'autant plus qu'ils ont domestiqué les médias qui, par connivence, ont failli à leur tâche et accompli la besogne de voiler la réalité pour asphyxier l'opinion publique. La justice sereine et efficace poursuivra, nous l'espérons, les magouilleurs à tous les niveaux, vu qu'il est indécent et malsain de constater qu'après la révolution du peuple, ceux qui ont mis le pays à genoux puissent encore jouir d'une paix sans pardon.
Que de questions !
Comment à présent sortir de l'ornière dans laquelle se trouve notre pays? Laissons les politiques à leur paraître et à leur lutte fratricide et préoccupons- nous de proposer des débats d'idées jusque-là absents dans notre paysage politique. Quelles réponses pour des questions simples du genre : Quel rôle futur de l'Etat ? Comment améliorer la sécurité? Comment garantir les libertés individuelles ? Comment réduire le chômage? Comment perfectionner les résultats de l'enseignement ? Quelle paix sociale en dépit de la récession que connaît le pays? Quel contenant et quel contenu d'un consensus national par-delà les différences idéologiques, sociales et culturelles?
Quant aux questions concernant les grands problèmes économiques qui demeurent toujours posés, nous pouvons les identifier comme suit : Que produire et quels biens ? Dans quelles proportions et comment les produire ? Par qui, avec quelles ressources et avec quels procédés techniques ? Pour qui produire et comment ? Quelle paix sociale en dépit de la récession que connaît le pays ? Enfin quel contenant et quel contenu d'un consensus national par-delà les différences idéologiques, sociales et culturelles?
Ces questions diverses sont constamment débattues et des systèmes ont été expérimentés mais sans réponse adéquate. Les économies centralisées, d'une part, reposant sur l'autorité et la planification : l'Etat qui répond aux questions: Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Les ressources étant des propriétés collectives, et c'est à lui de les affecter pour produire et distribuer les biens qu'il choisit en fonction de ses objectifs. Ce modèle expérimenté dans plusieurs pays a fait long feu et son échec, même dans notre pays, fut retentissant. Les économies de marché, d'autre part, reposent essentiellement sur l'initiative individuelle. Chaque agent économique est censé décider de son activité. Il choisit ce qu'il va consommer, produire et utiliser : comment ? Où ? Quand ? La crise actuelle en est le fruit des effets pervers de ce système qui a été également abandonné. Notre pays en souffre de ses conséquences néfastes où les dégâts causés par le fuyard et ses complices dont les performances n'ont pas fini de nous ébahir voire de nous ébranler. On cite également d'autres économies inventées par des esprits chimériques, datant d'un âge révolu et ne pouvant en aucun cas être expérimentées dans notre pays.
Quelle alternative alors? Une nouvelle compétition s'est ouverte entre les différentes variantes des économies de marché. L'apparition de l'économie sociale de marché et son expérimentation en Allemagne, depuis plus d'un demi-siècle, a donné des espoirs. En effet l'Allemagne n'est-elle pas devenue la première puissance européenne ? Aux questions précédentes, elle peut répondre. Il suffit de l'approfondir et de l'adapter à nos besoins. Au fait, l'économie sociale de marché, c'est quoi ? Si l'expression est classique en Allemagne, elle mérite qu'on s'y attarde parce qu'elle prend de plus en plus d'importance. Devenant à la fois un leitmotiv de la construction européenne et un thème récurrent des partis politiques en quête de projets comme le confirme le parti socialiste français qui, dernièrement dans son projet, lui a adjoint le terme écologique (une économie sociale et écologique du marché).
Rappel historique
Pour aider à la compréhension de ce concept, un bref rappel de l'histoire des courants de pensée est nécessaire. La prédominance du politique face à l'économique demeure la règle dans la culture française alors que dans la culture allemande les deux sphères ne sont pas séparées et qu'il existe des liens qui les unissent pour former un ensemble harmonieux.
A partir de ces deux perceptions, différents courants de pensée sont nés. Pour le libéralisme français ce fut Voltaire, Rousseau et Montesquieu (séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire) puis la naissance du libéralisme classique avec la Déclaration des Droits de l'Homme en France (1789) caractérisée par la mise en place de constitutions libérales qui accordent de plus en plus de droits aux peuples et à des ordres économiques libéraux. Le système français, fondé sur une économie centralisée, implique l'intervention de l'Etat. La variante anglo-saxonne, celle des descendants d'Adam Smith, a largement inspiré la politique de Mme Thatcher (1979). Celle-ci est basée sur les marchés, celui des biens de consommation étant le plus déterminant que les entrepreneurs et les travailleurs se fassent une concurrence acharnée, supposée pure et parfaite, laissant fonctionner le marché et évitant que les décisions du gouvernement ne viennent perturber les calculs rationnels des entreprises et des salariés.
Le libéralisme allemand, quant à lui, est fondé sur la contribution de Kant, puis par le courant néolibéral. Selon la définition de Müller-Armack, le sens de l'économie de marché consiste à «associer le principe du marché libre à celui de l'harmonisation sociale». Le cadre de référence étant l'idéal de la liberté de l'homme complété par la justice sociale. Rüstow inventeur de la boutade «si tu cherches une main secourable, cherche d'abord au bout de ton bras droit» a été encore plus explicite, en affirmant ce qui suit: «Il y a infiniment de choses qui sont plus importantes que l'économie : la famille, la commune, l'Etat, le spirituel, l'éthique, l'esthétique, le culturel, bref l'humain. L'économie n'en est que le fondement matériel. Son objectif est de servir ces valeurs supérieures».
Théoriquement le concept d'économie sociale de marché repose sur deux fondements susceptibles d'inspirer une politique de développement durable et harmonieux : d'une part, un cadre juridique et culturel c'est-à-dire une Constitution avec des institutions et des règles fixant le jeu de la vie politique et sociale (principe de solidarité, liberté d'entreprendre, libre accès au marché…) et d'autre part, un ordre économique c'est à dire des politiques ordonnatrices et régulatrices (une politique structurelle, une politique conjoncturelle et une politique sociale).
Dans ce cadre, citons des structures qui nous semblent favorables à l'engagement au profit de la démocratie, de l'Etat de droit et de la justice. Outre les trois pouvoirs traditionnels (législatif, exécutif, judiciaire), un quatrième pouvoir est mentionné dans cette économie, non celui des médias comme on peut s'y attendre, mais un pouvoir intellectuel sous forme de conseils scientifiques, auprès des instances de décision, habilités à vérifier l'interdépendance étroite entre l'ordre économique et l'ordre social. Il vise à assurer la cohérence de l'Etat et le consensus de la société. Plusieurs instituts de recherche en sciences économiques inscrits sur une liste appelée liste bleue dont le rôle est d'informer les institutions politiques et l'opinion publique en matière d'économie. Ces instituts sont subventionnés par l'Etat fédéral voire par les régions. Une idée qui nous vient à l'esprit, pourquoi ne pas fixer un tel objectif à nos institutions universitaires ?
Pour construire un régime économique et social, ce courant de pensée exige la connaissance scientifique de la réalité et c'est à la statistique qu'est dévolu ce rôle. Etant un moyen objectif et apolitique, elle est juste puisqu'elle reste en dehors des débats politiques. Elle contribue au consensus national et enfin elle demeure indispensable à la formation de l'opinion publique. Une proposition : pourquoi ne pas supprimer le Conseil national de la statistique, instance peu crédible, et répondre aux vœux du collectif des ingénieurs de l'INS qui réclament plus d'autonomie et de liberté pour exercer leur fonction dans la clarté et la transparence («Le bateau ivre», La Presse du 19/4).
Pour suivre l'évolution de cette économie a été créé un Conseil des sages de cinq membres nommés par le président de la République pour cinq ans. Chaque année le mandat de l'un d'eux expire. Ce sont des experts qui ne doivent appartenir ni à un gouvernement, ni à un parti, ni à un syndicat et dont la mission est de rédiger régulièrement des rapports sur la situation économique générale et sur les perspectives économiques du pays. C'est là également une structure à créer. Sa mise en œuvre ne nécessite pas de frais (voir notre «lettre au Président de la République», La Presse du 21/3). Ces élites volontaires, au service de leur pays, n'aspirent qu'à la reconnaissance.
Ces quelques séquences tirées de l'économie sociale de marché, intimement liées à l'histoire allemande, mais dont certains principes peuvent constituer un référentiel de valeurs : la dignité de l'être humain, la liberté d'agir et l'Etat de droit. Ce sont d'ailleurs les valeurs acclamées par notre révolution à tous. Ces fondamentaux doivent constituer la mission d'un système économique à concevoir dont la finalité est de répondre aux besoins des hommes et des femmes des plus forts et des plus performants mais et surtout aux besoins des plus faibles et des plus démunis de la société. L'enjeu est historiquement grave et notre chance est d'y participer collectivement. Le devoir l'exige, nous devons relever le défi !


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