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“Plus vite les choses reprendront, plus vite la croissance reviendra, et le processus démocratique sera sauvé”
Exclusif - Pierre Vermeren , universitaire français au Temps
Publié dans Le Temps le 21 - 01 - 2011

Il faut des poids lourds et des personnalités au verbe fort en cette période que vit la Tunisie Les blogs et les réseaux sociaux ont été, non pas les ferments, mais les outils au service de cette révolution, aussi soudaine qu'inattendue. L'impact de cette révolution est considérable sur les autres pays arabes, même si l'on ne sait pas encore les visages ni les formes que cela va prendre - Pierre Vermeren a vécu huit ans au Maroc, en Tunisie et en Egypte. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Maghreb, la démocratie impossible ? (Fayard, 2004) et La Formation des élites marocaines et tunisiennes (La Découverte, 2002). Il est aujourd'hui chercheur et enseignant à Bordeaux. Il nous livre ses impressions sur la révolution du jasmin, le gouvernement de transition, la dissolution du RCD, le rôle des jeunes dans la révolution et l'impact de ce printemps de la Tunisie sur le monde arabe.
• Le Temps : que pensez-vous du gouvernement de transition?
- Pierre Vermeren : la Tunisie traverse maintenant une étape très délicate. Le gouvernement de transition a donc un rôle crucial de stabilisation à jouer. Il ne peut pas s'agir d'un gouvernement idéal puisqu'il faut à la fois faire avec l'ancien régime (par nécessité), avec les oppositions et avec les forces qui ont porté la révolution. Cela fait beaucoup de monde et cela crée des contraintes. Tout le monde est donc déçu, même si le changement est quand même profond, si l'on songe à l'avant 14 janvier. La persistance d'importants ministres du RCD, à tous les postes régaliens de surcroît, est évidemment douloureuse pour les victimes et tous les Tunisiens, mais il faut tenir les administrations, notamment le ministère de l'intérieur et la justice.
Il faut absolument éviter un scénario à l'irakienne, quand les Américains avaient cru pouvoir se séparer des baâssistes et de l'armée, on connaît la suite. Ilapparaît donc dans un premier temps que des personnalités du RCD s'imposent, mais ils peuvent démissionner du parti comme le Premier ministre. L'essentiel est qu'ils n'aient pas été des rouages de la répression. Quant aux opposants officiels et historiques, ils sont déjà en campagne électorale. Les premiers profitent de leur implantation, même modeste, dans le pays, et les autres, de retour d'exil ou fraîchement libres de leurs mouvements, ils doivent reconstituer leurs réseaux et élargir leur audience. C'est pourquoi ils ont eux-mêmes décliné leur participation immédiate aux affaires. Dernière chose, les ministres de la société civile apportent une bouffée d'oxygène, mais on voit que là aussi, les choses sont complexes, avec le départ des syndicalistes. Il est vrai que l'UGTT doit elle aussi reprendre en mains sa base, sortir de l'inféodation au RCD et donc construire une réelle indépendance. Ce n'étaitpas évident avec des ministres, même de transition.
• Quelle est la priorité de ce gouvernement ?
- J'en vois trois. Faire tourner l'administration qui doit être très déstabilisée par le départ des cadres (surtout à l'Intérieur), et le discrédit qui touche ce qui semblait jusque là immuable. Il doit y avoir des chefs de service et autres qui doivent filer doux, mais l'essentiel est que la machine étatique tourne. Encore une fois, la tutelle du gouvernement sur l'Intérieur et la Justice est vitale. Ensuite, il faut permettre une reprise des affaires économiques. La révolution a été causée (entre autres) par la crise, et cela ne s'est pas arrangé. La crise est là, l'économie s'est arrêtée pendant un mois maintenant, sans parler des destructions, et investisseurs et touristes s'interrogent. Il est donc nécessaire que les affaires reprennent pour sauver la révolution, car il ne faut pas compter à mon avis sur les investisseurs arabes qui ne vont pas se précipiter… pour aider un processus démocratique.
Des appels à la population ont été lancés au Maroc ou en Algérie pour aller passer les vacances en Tunisie (et donc sauver le secteur du tourisme), mais c'est une autre affaire pour les gouvernements ! Plus vite les choses reprendront, plus vite la croissance reviendra, et le processus démocratique sauvé.
Enfin, il reste l'essentiel, d'une certaine manière, préparer les élections législatives et présidentielles, mais aussi (car c'est certainement le nouveau Parlement qui la votera) une réforme de la constitution pour empêcher un retour de l'autocratie. Mais cela est énorme car il faut créer un cadre juridique provisoire à la liberté de presse et à toutes les libertés publiques, ce n'est pas une mince affaire. Il faut espérer que l'Union européenne, qui a une grande expérience en ce domaine, depuis qu'elle a aidé les pays de l'Est il y a vingt ans, sera cette fois à la hauteur.
• Le retour de plusieurs opposants renforcera-t-il le processus démocratique dans le pays ?
- Certainement, c'en est fini des proscrits et des exilés que connaissent toutes les dictatures. Ces personnalités, souvent de valeur (j'ai eu la chance de connaître un peu M. Marzouki à Paris), sont nécessaires à la reprise en main politique du pays, et il faut des poids lourds et des personnalités au verbe fort en cette période que vit la Tunisie. Les révolutions sont propices aux orateurs car il faut donner un sens et une direction à l'action collective. Cela dit, l'exil est aussi un arrachement et une coupure douloureuse, et les liens se sont distendus avec les nouvelles générations de l'intérieur. On ne sait comment vont se produire les « retrouvailles », car la dictature n'avait pas préparé les esprits à la chose politique…
Et les islamistes ?
- Si vous parlez de R. Ghannouchi, il est aussi important (selon moi) qu'à terme, la composante islamiste participe à la scène politique. On ne peut pas faire comme si elle n'existait pas. En même temps, en avoir peur serait donner raison a posteriori à Ben Ali, qui s'est servi de cet épouvantail pour tout réprimer. Après cela, les choses sont complexes, mais l'exil a fait mûrir les cadres et les chefs politiques, et toutes ces personnalités de différentes obédiences idéologiques se connaissent. Si le prochain président appartient à la génération des opposants historiques (des années 1980 et 1990), il faudra de toute façon qu'émerge une nouvelle classe politique rajeunie, ce sera une des fonctions du nouveau Parlement. Et les islamistes, d'une manière ou d'une autre, comme au Maroc ou en Algérie, seront des acteurs du jeu parlementaire.
• Que pensez-vous de cet appel des forces démocratiques pour dissoudre le parti au pouvoir, le RCD ?
- Il est compréhensible, et on a connu cela en Algérie avec le FLN après 1988 puis en Europe de l'Est avec les anciens partis communistes. Mais si la dissolution est inéluctable, au moins à terme, il y aura aussi recomposition, fragmentation et survie des apparatchiks, qui connaissent les rouages de l'économie et de l'administration. On ne peut pas tout faire disparaître, et ce n'est pas le but. L'important est selon moi de ne pas confondre le RCD et l'administration, car l'Etat a un besoin vital de son administration, même si les choses étaient trop souvent embrouillées et mélangées dans l'ancien régime. Dernière chose, la Tunisie a la chance de ne pas posséder de pétrole, ce qui obligera les apparatchiks, comme les autres, à travailler et à innover, et pas seulement à se partager une rente. Il y a donc des garanties, d'une certaine manière, sur le fait que ce sont les compétences qu'il faudra utiliser.
• Pensez-vous que les jeunes ont joué un grand rôle dans cette révolution ?
- C'est une évidence, car la poussée populaire a mis en avant cette puissante jeunesse tunisienne qui était brimée et marginalisée par l'ancien régime, tout juste bonne à consommer, à s'amuser et à se taire. La jeunesse de l'intérieur, qui ne pouvait pas beaucoup s'amuser, de toute manière, ni même trouver d'emploi ni la moindre dignité, a servi de détonateur, mais tout le monde a suivi. Or le gouvernement et le président étaient manifestement déconnectés de cette jeunesse ; ils n'ont rien compris à la puissance des blogs et des réseaux sociaux qui ont été, non pas les ferments, mais les outils au service de cette révolution, aussi soudaine qu'inattendue.
• Quel est l'impact de cette révolution sur les autres pays arabes ?
- Sans aucun doute considérable, même si l'on ne sait pas encore les visages ni les formes que cela va prendre. Cette révolution populaire et démocratique est une première dans le monde arabe, la seule région du monde qui n'en avait jamais connue. On observe que tous les chefs d'Etat de la région agissent avec une extrême prudence, mais il est loisible de voir que les « Arabes » en général, à travers les télévisions, la presse et l'Internet, ont les yeux braqués sur vous. C'est d'ailleurs un héritage dont Bourguiba et les fondateurs de nationalisme tunisien, qui ont toujours pensé que la petite taille de la Tunisie lui imposait une exemplarité, seraient particulièrement fiers !
Propos recueillis par Kamel Bouaouina


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