Paris et Moscou ont affiché mardi leurs divergences sur la Syrie, le Premier ministre français estimant que le Conseil de sécurité de l'ONU ne pouvait "rester muet plus longtemps", tandis que son homologue russe réaffirmait son opposition à toute intervention. "Le Conseil de sécurité de l'ONU ne peut rester muet plus longtemps", a déclaré le chef du gouvernement français François Fillon, lors d'une conférence de presse à Paris avec son homologue russe Vladimir Poutine. "Le moment approche où chacun va devoir prendre ses responsabilités", a ajouté le Premier ministre français. Vladimir Poutine a quant à lui réaffirmé la position de Moscou, résolument hostile à toute intervention en Syrie. "L'intervention dans les affaires d'un Etat souverain est sans perspectives", a déclaré M. Poutine. "Le développement de la situation dans certains pays de cette région nous montre que la situation ne devient pas meilleure lorsque nous essayons de diriger le processus", a-t-il poursuivi dans une référence manifeste à la Libye où une intervention de l'Otan est en cours depuis plus de trois mois. Dimanche, le président Dmitri Medvedev a prévenu que Moscou, allié de longue date de Damas, userait de son droit de veto à l'ONU contre toute résolution sur la Syrie, de peur que l'Occident ne bombarde ce pays comme la Libye. De plus, "nous ne comprenons pas très bien ce qui se passe réellement" en Syrie, a surenchéri Vladimir Poutine, selon la traduction en français de ses propos. "Est-ce que vous êtes au courant du rapport de force? Qui sont les manifestants? Qu'est-ce qu'ils veulent? Quels sont leurs objectifs?", s'est-il interrogé. Fidèle à la position russe, il a réaffirmé qu'il ne fallait "pas intervenir mais juste aider". "Concrètement, la situation fait l'objet de discussions dans le cadre de l'ONU. Nos spécialistes travaillent en commun avec leurs collègues et vont continuer à le faire", a-t-il conclu. Depuis le déclenchement le 15 mars du mouvement de contestation contre le régime du président syrien Bachar al-Assad, le pouvoir a envoyé ses troupes et ses chars dans de nombreuses villes pour réprimer les manifestations. La répression a fait plus de 1.300 morts parmi les civils et entraîné l'arrestation de plus de 10.000 personnes, selon des ONG syriennes. Paris, qui a participé à un projet de résolution européen à l'ONU, plaide en parallèle pour un renforcement des sanctions déjà prises par l'Union européenne. L'UE pourrait décider cette semaine d'un nouveau train de mesures en marge d'un sommet européen à Bruxelles. De leur côté, les Etats-Unis envisagent de faire poursuivre les responsables syriens pour "crimes de guerre" afin d'augmenter la pression sur le régime. Lundi, le chef de la diplomatie française Alain Juppé a estimé que Bachar al-Assad avait atteint "un point de non retour" après la répression "d'une violence inouïe" imposée à son peuple. Le dernier discours du dirigeant syrien, qui a évoqué un complot et promis à nouveau des réformes, ne change rien, selon M. Juppé, pour qui Bachar al-Assad "n'a jamais tenu parole". Il a jugé qu'il était temps d'agir au Conseil de sécurité, malgré la menace d'un veto russe. Alors que Vladimir Poutine doit s'entretenir en fin d'après-midi avec le président français Nicolas Sarkozy, M. Fillon a reconnu que la France avait des "approches différentes" de la Russie sur la Syrie, mais qui peuvent, selon lui, "se rejoindre".