Par Manoubia BEN GHEDAHEM* En une seule journée, plusieurs actes de barbarie ont été perpétrés sur le territoire tunisien : contre un centre touristique à Hammamet, un café à Mahdia, une église à Sousse a failli brûler et le cinéma AfricArt a été l'objet d'actes de vandalisme ! C'est énorme pour une seule journée, les coupables ont-ils toujours le même profil ? La réponse est sans appel : des Islamistes barbus. Certains perturbent même les soirées de mariage à Hammamet et ailleurs, empêchant les invités de pénétrer dans les lieux de réception, sans parler de ceux qui interdisent aux femmes l'accès des hammams... Ces actes, apparemment distincts ou même, de l'aveu de certains, compréhensibles, nécessitent qu'on s'y arrête. Les actes, dans une société civilisée, doivent faire l'objet d'un débat, d'une discussion publique selon les règles éthiques du respect de la différence et de la volonté d'une compréhension mutuelle. Ils doivent être aussi lus, interprétés et si nécessaire, condamnés. Pour moi, l'interprétation de ces actes est on ne peut plus claire : nous nous acheminons vers le refus d'un débat civilisé! Vers la pensée unique, dogmatique, et fanatique ! C'est l'islamisme exacerbé! Ennahdha a condamné l'attaque du cinéma Africa-Art et l'agression des organisateurs de «Touche pas à nos créateurs». Comment comprendre cette réaction? Assistons-nous à une condamnation qui rend compte d'un renoncement définitif à l'emploi de la violence dans la gestion des affaires publiques? A-t-on définitivement tourné la page des évènements de Bab Souika? Ces questions sont d'autant plus pressantes et légitimes que nous assistons à l'élaboration par les nahdhaouis d'un discours jusque là feutré, civilisé et conciliant qui apparaît comme objet d'une confrontation publique à travers le langage des arguments et non pas la force de l'embrigadement des slogans. Pourtant, leur porte-parole a ajouté : «Nous avons des informations selon lesquelles des groupes d'extrémistes, dont beaucoup portant la barbe, préparent des actions comme celle d'aujourd'hui pendant l'été et durant Ramadan». Comment ils le savent ? et pourquoi ils le savent ? Où est le devoir citoyen ? La sécurité et la liberté ne sont-elles pas l'affaire de tous comme le répètent les nahdhaouis? Pourquoi ils ne dénoncent pas cela à la police? Pourquoi ils le disent maintenant? Cela serait-il cohérent avec leur vision du jeu politique? Le jeu politique «sain» suppose le respect d'une éthique qui fait l'économie du mensonge. Or, et il faut l'avouer, Ennahdha a fait sa demande de visa de parti politique sans faire aucune référence à son caractère islamiste. Ghannouchi l'a reconnu dans une de ses déclarations publiques, car il sait très bien qu'un parti religieux ne peut pas obtenir une accréditation. Les actions, les discours, la propagande, les pratiques, le programme (si programme il y a !), l'idéologie de ce parti révèlent tous un caractère religieux, qui fait qu'ils ne cessent de défendre l'idée selon laquelle Bourguiba et les Bourguibistes ont été la catastrophe de l'histoire de la Tunisie puisque son programme moderniste n'a été qu'une désislamisation de notre pays et qu'enfin, est venu le temps de réislamiser ce pays devenu trop laïc, trop «kafer» ; ce qui est en totale inadéquation avec leur charte déposée au ministère de l'Intérieur. En outre, le financement de ce parti est obscur et serait la cause de son retrait de la Haute Instance. Ce parti dépenserait des sommes incroyables (20 à 25000 D rien que pour la location d'un local situé dans un quartier chic de Tunis en plus de ses autres locaux à travers le pays, un système Internet de 100 000 D, sans compter l'abonnement mensuel, une flottille de voitures de luxe, un staff qualifié dans tous les domaines…). Nous avons le droit de nous poser des questions sur l'origine de tout cet argent. Je crois que la loi est claire sur 2 points auxquels ce parti contrevient : son caractère religieux et son financement occulte. Et les nahdhaouis, en tant que Tunisiens, ne sont pas au-dessus des lois. En outre, et toujours au nom de l'éthique, je dois avouer que je n'ai jamais entendu aucun parti politique défendre la normalisation des relations avec Israël...mais il y a, dans notre pays, un seul parti financé par un émir d'un pays du golfe qui fait des visites régulières en Israël. Au nom de la citoyenneté, de la transparence, des droits de l'Homme, les Tunisiens doivent demander au gouvernement de vérifier la légitimité de ce parti et de prendre les mesures qui s'imposent. Si le gouvernement tolère des manifestations de ce genre, il se rend complice des Islamistes dont le but serait d'intimider la population civile et de semer la confusion pour faire régresser la Tunisie en la ramenant à sa pré-modernité. Tous les partis politiques et les forces civiles de notre pays aussi doivent condamner sans réticence ces actes barbares d'un autre temps qui souillent notre Tunisie, car le vrai combat aujourd'hui est de garantir à chaque citoyen le droit de s'exprimer librement dans un Etat pluraliste et démocratique. Un parti religieux n'en est logiquement pas un. Il ne peut pas être «politique». C'est une anomalie qui doit, par conséquent, être corrigée. Les agressions qui commencent par les atteintes à l'Art aboutissent à l'atteinte à la vie des citoyens… Seul un Etat de liberté garantit le droit à l'expression et au respect de l'autre !