Autrefois, les disciplines telles que la sociologie, l'économie et la politique se basaient, essentiellement, sur la littérature, sur l'observation, sur l'analyse ou encore sur la philosophie. Les évolutions scientifiques dans le domaine des mathématiques et surtout dans les mathématiques probabilistes, ont permis à plusieurs physiciens d'appliquer les modèles mathématiques aléatoires pour analyser des phénomènes physiques imprévisibles. Au début du XXe siècle, Louis Bachelier, fondateur des mathématiques financières, a réussi à appliquer ces modèles probabilistes sur les marchés financiers. D'où les premières modélisations du monde économique. Au fil du temps, ces modèles sont devenus de plus en plus sophistiqués, ce qui a permis aux économistes d'avoir des visibilités plus claires sur le futur, tout en garantissant une bonne analyse du présent. Toutefois, le règne des mathématiques ne s'est pas arrêté ici, et, aujourd'hui, on lit des études sociologiques et comportementales basées sur les modèles probabilistes. Certes, pour plusieurs lecteurs on apporte ici une nouveauté, mais pour plusieurs autres lecteurs, on est en train de répéter une histoire. Toutefois, l'objectif de cette analyse historique n'est pas de retracer le chemin de l'évolution des mathématiques appliquées, mais de montrer que, finalement, l'Homme, à travers les modélisations mathématiques dans le domaine de la sociologie, s'est considéré comme une particule physique dans un système appelé société. Donc, ce système physique ou encore cette société subira les lois de la nature et de la mécanique (on rejoint ici la philosophie d'Aristote). Or tout corps physique, même s'il est en agitation, cherche toujours un état d'équilibre stable ou même instable (optimisation de l'énergie). Ici, la mécanique nous donne une leçon : tout corps en équilibre dynamique pourrait entrer en choc avec un autre corps étranger, et il pourrait par la suite changer de trajectoire et il risque même de perdre de l'énergie mécanique, d'où la perte de l'équilibre. Cependant, ce corps cherchera un deuxième état d'équilibre avec sa nouvelle quantité d'énergie. En réalité, en lisant cette introduction, on voit très mal l'idée et la finalité de cette analyse. Je dirai que c'est une réflexion pour répondre à des questions d'actualité, et pour pouvoir expliquer ce qu'on est en train de vivre en Tunisie, après la révolution, et ce qu'on devrait, probablement faire, hors les procédures politiques et administratives, pour réussir notre changement. D'un point de vue personnel, j'ai l'ultime conviction que n'importe quel problème d'ordre humain ou social pourrait être transposé à un problème d'ordre naturel. Il suffit de savoir observer et analyser les comportements de la nature et de la physique. De ce fait, je suivrai une démarche physique et scientifique pour pouvoir analyser cette période de l'après-14 janvier. Considérons t=0, un corps physique en équilibre. Ce corps sera pour nous, notre société tunisienne de l'avant-14 janvier. Ce corps physique se caractérisait par un régime totalitaire, où toutes les particules devaient suivre les mêmes mouvements et les mêmes directions (tous les individus devaient suivre le même idéal). Par totalitarisme, on n'entend pas uniquement le règne d'un seul parti politique ou d'un pouvoir absolu (ceci est la conception de la dictature classique), mais on parle surtout d'un Etat qui s'introduit dans la pensée de chaque individu, en imposant à tous les citoyens l'adhésion à une idéologie obligatoire. Ce régime implante l'équilibre social par le moyen d'une pensée populaire unique, par une modernité sociale qui cache derrière elle la dictature, par un marché économique monopolistique, hors le jeu de la concurrence pure et parfaite, et par une fausse conception du capitalisme du marché. A t=1, notre corps physique subira des tensions internes. La structure interne des particules ainsi que leurs liaisons changeront, pour briser ainsi l'équilibre et pour entraîner, par la suite, le corps en état de choc physique et d'instabilité structurelle et énergétique. Ces perturbations nous rappellent la vague des mouvements populaires qu'on a vécue en Tunisie, et qui ont brisé le système et son équilibre. Finalement, ces perturbations ont entraîné le pays en état de choc. Ce choc se manifeste sur trois plans‑: politique, économique et social. Par choc politique, on parle d'une libération idéologique. En effet, toutes les particules du système chercheront des idéaux propres à chacune d'elles pour remplacer l'idéal absolu imposé par le totalitarisme. La présence de ces courants différents, engendreront des affrontements «électromagnétiques» entre les particules du système physique (des conflits entre les individus d'idéologies différentes). Ces conflits et ces mécanismes de refoulement de l'autre, induiront le système vers la perte de son énergie, d'où le choc économique. Ce choc conjoncturel impactera la structure économique du pays à très court terme, et laissera des traces qui modifieront les cycles économiques à moyen et long terme. Le résultat des modifications économiques (énergétique) et politiques mèneront à un choc social. Par choc social, on parle d'une métamorphose du concept et du modèle de la vie quotidienne. On sortira du cadre de l'uniformisme vers un cadre où la différence fera l'objet de l'évolution et où la création et l'innovation seront les idéaux de chaque citoyen. On sortira du cadre moutonnier vers un cadre où chacun cherchera à surmonter son idéal chaque jour et chaque instant. Toutefois, ce système physique après le choc changera sa structure de départ, et entrera dans l'instabilité. Et afin de réaliser son équilibre interne, ce dernier assurera la neutralité des différentes orientations de ses particules. Et ici on parle d'un système physique isotrope, où la somme de toutes les orientations doit être nulle pour assurer la stabilité interne du système. En suivant cette approche, est-ce qu'un modèle d'une société «isotrope» assurera la stabilité après le choc vécu ? Aujourd'hui, nos problèmes se résument à deux concepts: la méfiance et le refus de l'autre. Autrefois, sous le totalitarisme, l'autre pour nous était celui qui venait d'une région différente ou celui qui encourageait une équipe de foot différente. Actuellement, l'autre est celui qui pense autrement et qui veut agir autrement. D'où la méfiance qui créera les tensions et les refoulements. Ces tensions et ces débats idéologiques et politiques épuiseront encore plus l'énergie interne de notre corps physique; en d'autres termes, ils creuseront davantage les pertes économiques. La solution, selon cette conception physique, serait de neutraliser ces tensions. Cette opération de neutralisation consiste à unir toutes les idéologies différentes pour résoudre les vrais problèmes du pays‑: le chômage, la pauvreté, la corruption, la pollution… Il faut avoir l'art d'accepter l'autre en nous dans un cadre de pluralisme idéologique, d'où la caractéristique d'une société «isotrope». Cette nouvelle société acceptera dans son berceau tous les idéaux et tous les courants unis pour assurer l'équilibre stable du pays et pour aller finalement vers une Tunisie nouvelle.