L'éducation à la citoyenneté est un enjeu capital pour l'édification de la Tunisie nouvelle. Une Tunisie, libre prospère et démocratique qui privilégie le respect de la loi et le vivre ensemble. Voilà la conclusion tirée des travaux de la conférence nationale tenue, hier, à Tunis. En présence d'éminents professeurs et experts, toutes les interventions se sont accordées sur la nécessité de réformer le système éducatif de manière à l'adapter aux exigences du présent et à la lumière des profondes mutations que connaît le pays, depuis la révolution populaire du 14 janvier. Les interventions ont également laissé entendre que le profond nivellement par le bas auquel était contraint le système éducatif national des années durant n'était que l'œuvre du régime déchu qui avait de tout temps œuvré à la marginalisation des grandes questions nationales. S'attardant sur les enjeux de l'éducation à la citoyenneté, M. Mohamed Berrached, inspecteur principal (éducation civile), a souligné dans son intervention intitulée. «Le système éducatif pour instaurer la démocratie» que la citoyenneté est beaucoup plus qu'un simple concept déterminant la relation de l'individu avec un autre et ou avec un groupe, mais plutôt, un ensemble de mécanismes en fonction duquel se définit la notion d'Etat dans son acception la plus large, y compris le respect de son semblable, des lois organisant le vivre ensemble et de l'identité civilisationnelle du pays. Dans la même perspective, l'intervenant a ajouté que la citoyenneté se définit en fonction d'un ensemble de devoirs et de droits qu'il convient d'inculquer à l'homme dès la prime enfance, dans le cadre d'un processus d'inititiation progressif. Il a observé au fil de son intervention que la bonne éducation à la citoyenneté est celle qui vise à faire participer les jeunes à bâtir les fondements d'une société où ils coexistent en tant que citoyens responsables et actifs. En effet, comme l'a affirmé M.Berrached, l'éducation à la citoyenneté est tributaire de certains axes, à savoir la transmission du savoir à l'élève, lequel savoir lui permet d'accomplir ses devoirs et de définir ses droits. Puis, l'ancrage des bonnes valeurs chez les jeunes générations telles que le volontariat, l'initiative, le respect de la différence et l'écoute de l'autre, de manière à les doter des compétences nécessaires pour surmonter toutes sortes de difficultés et forger leur propre personnalité. Il a en conclusion appelé toutes les composantes de la société civile à épauler les efforts de l'Etat dans ce sens afin d'édifier une société solidaire dans un environnement sain. Education citoyenne et famille L'éducation citoyenne passe avant tout par la famille. C'est ce qu'a confirmé Mme Héla Bergaoui Nafti, inspectrice d'anglais, dans son intervention «Le rôle des femmes et de la famille dans l'éducation citoyenne». Elle a avancé que la femme dispose de plusieurs responsabilités au sein de la famille et dans sa vie professionnelle. Mère, enseignante ou encore citoyenne, la femme doit assurer, a-t-elle fait remarquer, la survie des valeurs et maintenir le pont entre l'école et la famille de manière à ce que les deux institutions soient complémentaires et évitent écart et désaccord. Elle a ajouté que les parents se doivent de transmettre les valeurs sociétales à leurs descendants afin de faciliter la tâche de l'enseignant dans la transmission du savoir. S'agissant des outils et mécanismes garantissant la bonne application de l'éducation citoyenne, elle a souligné que si la formation à la civilité passe par «le rôle de la famille dans l'éducation à vivre les relations interpersonnelles dans la vie quotidienne, l'éducation à l'intérêt général passe, quant à elle, par l'implication de tous les acteurs nationaux». De ce fait, «les parents doivent être représentés dans les diverses instances des établissements et l'école doit sortir de ses murs, pour établir un véritable partenariat entre les deux». Un partenariat permettant de rapprocher les deux parties afin de servir l'intérêt supérieur de la société et de la patrie. C'est aussi dans ce même contexte qu'il faut offrir aux parents des espaces de rencontre au sein des établissements éducatifs pour favoriser les échanges et la communication, a indiqué l'intervenante. Objectifs et handicaps Sur un autre plan, au cours de cette conférence nationale, on a abordé les conflits contrecarrant toute avancée en termes d'amélioration des indicateurs relatifs au taux de scolarisation et à la qualité de l'éducation. Dans ce sens, Mme Saïda Abouid a avancé que les conflits constituent un obstacle majeur à «la réalisation de l'éducation pour tous». Dans cette optique, elle a fait savoir que les pays touchés par un conflit observent des pourcentages élevés d'enfants non scolarisés, soit 28 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école. D'ailleurs, «avec 18 % de la population mondiale de cet âge, ces pays représentent 42% des enfants non scolarisés». Tout au plus, le taux d'alphabétisation des jeunes est de 79% pour les pays touchés par un conflit, contre 93% pour les autres pays en développement. La même intervenante a démontré ensuite que les zones touchées par les conflits sont souvent très en retard par rapport au reste des pays. En effet, aux Philippines, la proportion de jeunes de la région autonome en Mindanao musulmane ayant été scolarisés pendant moins de 2 ans est plus de 4 fois supérieure à la moyenne nationale. Cela pour dire que l'éducation ne s'améliore que du moment que l'on réunit toutes les conditions nécessaires à son bon déroulement, dont la stabilité l'équité, et l'implication de toutes les composantes de la société civile, a noté Mme Bouabid.