Il est évident que les lieux ont une âme, particulièrement les lieux culturels animés avec fougue et dévouement par des artistes et/ou des managers aux nerfs d'acier étant donné l'étroitesse du marché et les risques culturels. La galerie El Aïn défend la peinture de qualité depuis des lustres. Il s'agit bien de défendre car elle assure une réputation aux peintres confirmés et les fidélise : c'est un premier engagement. Le deuxième engagement, c'est l'accueil de jeunes peintres prometteurs pour lesquels elle sait organiser la si délicate et souvent décisive première exposition. Le directeur a l'œil, car il est photographe et plasticien. Il sait voir au-delà des apparences avec même un sixième sens. L'exposition de l'été Bady Chouchène offre la dernière exposition de la saison chez El Aïn. Si on joue sur les mots, Aïn c'est à la fois l'œil et la source, la source de bons moments dans le calme, l'œil attentif du peintre qui a sélectionné ses couleurs et qui a saisi l'insaisissable comme dans Note bleue, Note rouge, Note turquoise. Le peintre a sélectionné une couleur dominante par des sortes de paysages. Son travail est complexe, chargé d'éléments urbains à peine dévoilés mais dont le nombre sollicite l'œil attentif du visiteur. Triple plaisir de la vue, lieu, œuvres et regard du co-créateur : l'amateur. Avec une semi-figuration, l'esprit et les sens sont à la fête. Le tableau venu de la libre imagination du peintre rencontre la libre imagination de l'amateur et chacun recompose et interprète parfois très loin ce que l'artiste a conçu, pour le plus grand bien de l'art et de la culture. «Le petit carré», c'est une composition à base de carrés certes, mais il faut chercher ce premier carré qui a généré la composition géométrique allégée par un jeu savant de couleurs qui est dynamique et festif. Justement, plusieurs tableaux portent le titre d'«Ambiance festive», «Belle ambiance». Effectivement, c'est une tonalité particulièrement joyeuse. Avec le prétexte de foules dans les rues de la Médina, on ressent avant tout le plaisir de la couleur et «le transport de l'esprit et des sens» cher à Baudelaire. Les correspondances entre la terre et le ciel, de façon verticale; les correspondances entre les couleurs, les parfums et les sons. Allégresse Ce n'est pas une thématique qui dirige l'exposition, c'est une allégresse faite de «mouvement», de «rencontre», de «porte ouverte», de soleil avec «orange». Le tableau qui enchante le lieu est double et s'appelle «Echappée belle». Il rayonne de lumière estivale éclatante. Symboliquement, nous y voyons la célébration du printemps et du renouveau du pays.