"Nous traversons une période délicate parsemée d'embûches et de beaucoup de difficultés. Ettakatol considère que la révolution que nous venons de vivre est l'aboutissement de longues luttes dont le moteur principal a été la jeunesse. C'est pourquoi la jeunesse sera notre priorité". C'est en ces termes que M.Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (Fdtl), a entamé sa conférence de presse tenue hier sous les lambris d'un hôtel de la place et au cours de laquelle il a présenté le programme de son parti et sa vision de la situation politique et sociale durant cette phase transitoire. Devant un auditoire composé de journalistes et de membres du parti, il a plaidé pour "un projet de société juste pour une vie digne et un nouveau modèle de développement pour une économie solide et solidaire". Le programme, divisé en six gros chapitres, comporte une centaine de propositions. "Il a été élaboré par des compétences tunisiennes, adhérents au Fdtl ou sympathisants, et sera soumis à un vaste débat auprès de nos adhérents au cours de la prochaine période, dans des réunions ou dans des ateliers. Il sera également soumis à la consultation d'un certain nombre de partis avec lesquels nous partageons les mêmes idéaux, s'ils le désirent bien entendu", explique-t-il avant d'ajouter que son parti "a des solutions pour les problèmes qui se posent actuellement et notamment le chômage. Le rétablissement de la stabilité et la sécurité est une condition sine qua non pour sortir de cette situation déplorable. Mais pas au détriment de la liberté des individus", martèle-t-il. Le succès de l'échéance du 23 octobre prochain dépendra de la conjonction des efforts de toutes les parties prenantes. " Elle nous permettra de passer du transitoire au légitime et par conséquent d'entrer de plain-pied dans cette nouvelle Tunisie libre et démocratique ", soutient le secrétaire général du Fdtl. En tête des propositions, " une deuxième république, fondée sur une nouvelle Constitution qui conserve les acquis et rompt avec la dictature". En clair, il faut garder l'article premier de la Constitution de 1959 qui stipule que "la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l'Islam, sa langue est l'arabe et son régime est la République ", avec, cependant cet ajout important : "La République tunisienne sépare le champ politique du champ religieux et est ouverte sur les valeurs universelles ". Cette thèse longtemps prônée et défendue par Ettakatol est une réponse à cette question identitaire que posent certaines sensibilités politiques sur la religion et la laïcité. "L'identité du peuple tunisien est enracinée dans ses valeurs arabo-musulmanes et enrichies par différentes civilisations. Elle est fondamentalement moderne et ouverte sur les cultures du monde". Qualifiant le débat engagé autour de la religion et de la laïcité de faux débat et de pure perte de temps, M. Mustapha Ben Jaâfar, qui penche pour "un régime politique présidentiel remanié avec un président élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois et un chef de gouvernement choisi au sein de la majorité parlementaire. C'est le type de régime qu'il nous faut, explique le chef d'Ettakatol, avec un nouveau rôle pour le parlement qui évalue et contrôle l'action du gouvernement et partage avec lui l'initiative des lois". La consécration de " l'intangibilité des libertés individuelles et publiques, des droits politiques ainsi que ceux liés à l'économie, à la culture et à la justice" figurent également en bonne place dans la liste des propositions. S'agissant de l'instauration de l'Etat de droit pour mieux " garantir l'égalité et les droits des citoyens devant une justice indépendante ", le Fdtl propose la limitation de la subordination des procureurs et la garantie et l'indépendance du juge. Il préconise, également, la réduction de la "fracture régionale par la participation politique du citoyen à travers des structures régionales et locales élues et à travers des mécanismes de communication appropriés". La liberté et la diversité des médias seront garanties notamment par la création " d'une autorité indépendante de contrôle, efficiente de composition équilibrée". Une semaine de cinq jours sera adoptée avec des séances uniques dans un cadre plus global tendant à "moderniser l'administration et à améliorer la compétence des ressources humaines pour mieux servir le citoyen ". Pour un nouveau modèle de développement économique Le secrétaire général du parti, qui considère que la Tunisie n'a pas eu de politique étrangère au cours des dernières années, appelle à "une politique étrangère volontariste, cohérente avec les aspirations du peuple tunisien et son appartenance civilisationnelle ". Avec une priorité pour la construction du Magheb arabe sur de nouvelles bases et l'élection d'un parlement maghrébin au suffrage universel par les peuples de la région. Cette nouvelle approche qualifiée de " pionnière " propose la révision "des accords d'association avec la communauté européenne pour " concrétiser un codéveloppement cohérent et équilibrée. Abordant le volet économique du programme de son parti, M. Ben Jaâfar plaide pour un nouveau modèle de développement basé sur une économie solide et solidaire. "La concrétisation d'un travail décent et le bien-être de tous passe passent par un nouveau modèle de développement basé sur des relations sociales évoluées qui stimulent le progrès scientifique et l'innovation, la production, la croissance économique et la compétitivité ", précise-t-il. Des mesures immédiates sont prévues pour "favoriser la relance économique, l'emploi et la gestion des actifs de l'ancien système", lesquels actifs doivent être rassemblés dans un holding dont la gestion sera assurée par l'Etat. Un Etat qui aura "un rôle régulateur garantissant la cohésion sociale et la croissance durable ". C'est ainsi que le Fdtl prévoit la création de "cent mille emplois valorisants dans les services publics, dans le cadre de projets nationaux à caractère social. Cette proposition, a-t-il expliqué, est fondée sur une étude exhaustive et il reviendra à l'Etat de la réaliser, car le secteur public est dans une mauvaise passe ". L'investissement et l'entrepreneuriat seront soutenus et la transparence sera de mise dans le secteur financier et bancaire. Les disparités régionales "seront réduites par le désenclavement des régions de l'intérieur à travers un découpage horizontal du territoire en cinq grandes zones", avec un meilleur équilibre au niveau des populations, environ deux millions pour chaque zone. Leurs économies " seront toutes basées sur les services, le tourisme, l'agriculture et l'industrie". Dans son programme, le Fdtl prévoit une autonomie pour les régions qui "bénéficieront d'un programme national d'infrastructure et de logistique adaptée ". L'éducation, la culture et le sport ont leur place dans le programme du parti. L'émergence d'une jeunesse citoyenne, créative et autonome dépend énormément de la refonte du système éducatif pour lui rendre "son rôle d'ascenseur social". C'est pourquoi Ettakatol propose la mise en œuvre de réformes structurelles du système éducatif, grâce à un travail collégial impliquant l'ensemble des acteurs. Un observatoire national indépendant aura une mission d'évaluation et de prospection de l'enseignement "en adéquation avec le marché du travail ". La culture et la pratique du sport seront accessibles et " ancrées au centre du développement de l'homme". Tout cela pour un cadre de vie harmonieux favorisant une société citoyenne.