Vendredi dernier, le coquet théâtre du Centre culturel de Hammamet était pratiquement plein. Un petit événement en ces temps incertains, qui prouve en soi que les gens ont envie et besoin de sortir et de «s'abreuver» de spectacles et de culture, en général. Et lorsque l'affiche est attrayante, ils n'hésitent pas à défier la rumeur et à narguer ceux qui veulent répandre un climat de méfiance, voire de peur, quant à la garantie de leur sécurité. Bref, ils étaient là, dont plusieurs en famille, gais, détendus… pleins de soleil et de jovialité. Une ambiance idéale pour la sortie de Zied Gharsa et de son imposant orchestre qu'on avait de la peine à ne pas assimiler à celui de la Rachidia, dont il assurait encore la direction artistique il n'y a pas si longtemps. En tout cas, en réunissant les «Rachidiens» (à quelques membres près) sous la bannière de l'association de sauvegarde du malouf et de la musique tunisienne qu'il vient de créer avec des fans et des musiciens, Gharsa a visé un double objectif : permettre au répertoire du patrimoine typiquement tunisien de continuer d'exister et de se manifester dans un cadre «institutionnalisé» et organisé, en attendant que le problème de la Rachidia soit réglé, et, d'un autre côté, réunir les membres de l'orchestre de cette dernière (ne serait-ce que d'un moment à un autre) et les empêcher de s'éparpiller ici et là, au gré des «ârabnia» (organisateurs de soirées privées) et d'autres manifestations de second ordre. Le concert qu'il nous a offert vendredi dernier, a prouvé qu'il a commencé à atteindre ses objectifs. Rigueur, application et virtuosité étaient les maîtres-mots de la soirée. Point de fioritures, ni de démonstration de force, encore moins de «séduction» du public en cédant à ses demandes d'écouter tel morceau ou tel autre. Un programme défini qui a été respecté de bout en bout, avec principalement un samaï, une «nouba» peu connue «âtcha» qui a pour titre lakhtem et qui a été dépoussiérée et arrangée par Tahar Gharsa et une nouvelle «taâlila» (chanson de la mariée) qui décrit — et c'est une première — les sentiments du père en voyant sa fille quitter le domicile familial. Le tout entrecoupé de quelques chansons dont notamment l'émouvante lammima (ma mère), texte de Ali Ouertani, musique de Zied Gharsa et l'éternel tube machmoum el fell. Sobre mais toujours unique notamment dans ses ornementations en aigu, le porte-drapeau du malouf et de la musique tunisienne a encore une fois enchanté par son timbre, sa maîtrise du chant, ses immenses dispositions vocales. Bref par son talent. Un concert de qualité qui a recueilli les vifs applaudissements du public où l'on comptait pas moins de trois ministres (Développement régional, Femme et Culture) et un secrétaire d'Etat (Développement régional) qui avaient certainement besoin eux aussi de décompresser en cet été bien chaud.