Par El Koufi Nejib Après avoir traversé les Alpes et envahi l'actuelle Italie pour imposer à Rome même un long siège meurtrier, Hannibal se retira à Capoue permettant ainsi aux Romains de reconstituer leurs forces, de rompre le blocus et de préparer une contre-offensive qui s'avérera victorieuse. Un brillant général de son état major devenu plus tard chef de guerre lui lança ce cinglant jugement qui est entré dans l'histoire "Hannibal tu sais vaincre, mais tu ne sais pas gagner". L'imagerie populaire résume cette situation par la métaphore de celui qui atteint laborieusement la source après un long périple mais ne s'y abreuve pas. Avec amertume il y a lieu de constater que l'état de notre Révolution ressemble bien à cela. Cette révolution qui a bravé une oligarchie mafieuse, appuyée sur un appareil policier d'Etat qui de surcroît jouissait d'appuis extérieurs ; cette révolution qui a triomphé sans fioriture, offrant au monde une victoire sans bavure ; cette révolution qui a tapé dans l'œil de l'humanité entière bat aujourd'hui de l'aile et tout porte à croire qu'elle s'essouffle, tergiverse, voit ressurgir le vieux démon Numide, celui des scissions et des divisions locales, régionales et tribales qui, si elles persistent emporteront tout dans un torrent ravageur. Des signes qui ne trompent pas - La génération spontanée des arrêts de travail, Sit-in et autres conflits tribaux qui éclatent comme des feux de forêts ; le peu d'engouement pour le rendez vous électoral, en atteste le faible taux d'inscription qui annonce lui même une faible participation au scrutin ; l'absence d'une vision claire sur l'avenir politique du pays, pire encore l'inexistence d'un consensus minimal des familles politiques en présence, ce qui augure de rudes divergences au sortir des urnes. Est-ce une malédiction ? Sommes-nous sur une ligne de faille, entre un élan moderniste qui peine à nous amarrer au monde qui avance beaucoup plus vite qu'on ne stagne et une vision passéiste qui consomme les techniques du présent pour mieux reproduire l'hier sans projet du lendemain ? En occultant à chaque moment charnière de son vécu les choix incontournables sans lesquels aucune société digne de ce nom ne peut perdurer, notre pays a raté plusieurs rendez-vous avec l'histoire. La révolution du 14 janvier nous a offert une autre occasion, la dernière peut-être, d'entrer de plain-pied dans l'histoire. Allons nous faire pire que l'erreur, la faute de ne pas y être, d'en sortir comme nous l'avons fait durant des décennies? Avec le doute et l'incertitude des lendemains qui ne chantent plus et qui ont pris la place de l'euphorie première, allons-nous rater ce rendez vous avec l'histoire pour quitter celle-ci et ne plus y avoir droit de cité comme peuple libre et souverain?