Par Mohamed LARNAOUT Le 20 avril 2011 j'avais transmis un fax aux ministres de l'Agriculture, de l'Intérieur, au secrétaire d'Etat à l'Environnement, aux gouverneur de Nabeul et délégué de Hammam El Ghezaz, au commissaire régional à l'agriculture de Nabeul et au secrétaire général de la municipalité de Dar Allouche, pour attirer leur attention sur la coupe et la destruction des arbres faisant partie de la bande de forêt qui court sur le littoral de Kerkouane et Oued El Ksab ainsi que l'édification de moult constructions anarchiques et illégales à la place. Comme d'habitude et la Révolution n'y a rien changé, toutes ces administrations n'ont même pas daigné accuser réception de ma correspondance et encore moins me répondre sur le fond. Seul le délégué de Hammam El Ghezaz m'a téléphoné pour me dire qu'il venait de prendre son poste et qu'il promettait de s'occuper de mon envoi. Evidemment, l'administration n'aime pas être prise en faute et encore moins être critiquée. C'est pourquoi, je présume que, par réaction, il n'y aura ni accusé de réception ni réponse. Peu importe passons à autre chose. «A qui profite le crime de l'incendie de Dar Chichou?» titrait le journal La Presse dans une de ses dernières livraisons. Trois mois et une semaine après ma correspondance et plus précisément le 14 juillet 2011, la forêt de Dar Chichou, fierté des habitants de la région et de tous les citoyens et poumon du Cap Bon, crame. Le résultat est un spectacle désolant et un paysage lunaire. Cette forêt étant la barrière pensée et réalisée par ces hommes, nos ancêtres, contre l'ensablement des terres arables appartenant à des petits et moyens agricultures surtout que la région est très venteuse, c'est une vraie catastrophe écologique et environnementale que nous vivons. Le feu qui a pris ce 14 juillet s'est poursuivi sans interruption jusqu'à l'écriture de cet article, brûlant deux ou trois cents hectares sur son passage, la faune et la flore qui font partie du patrimoine mondial dont nous sommes les gardiens. Certains indices et des déclarations de hauts responsables indiqueraient que cet incendie serait d'origine criminelle, compte tenu de la multiplication des foyers très distants, même si nous ne pouvons pas écarter la thèse de l'accident. Un seul arbre vous manque et tout est dépeuplé Cerise sur le gâteau, c'est qu'en plus la Steg a installé à ces contrevenants vite fait, le courant électrique sur présentation d'autorisations qui auraient été accordées par la municipalité de Dar Allouche par je ne sais quel miracle. Est-ce que la direction régionale des forêts de Kélibia a transmis à sa direction centrale du ministère de l'Agriculture, au gouverneur de Nabeul et au procureur de la République de Grombalia les constats de ces méfaits? Je doute fort que la justice ait été saisie car notre justice a démontré sa diligence et sa fermeté dans des délits et des crimes moins graves et qui portent moins à conséquence sur la communauté nationale et nous ne comprendrions pas qu'elle traitât ces faits aux retombées incalculables avec lenteur pour appréhender les coupables de ces coupes et de ces constructions anarchiques et illégales qui continuent de plus belle jusqu'à ce jour. L'attitude attentiste du ministère de l'Agriculture et plus précisément du secrétariat d'Etat à l'Environnement et de la direction générale des forêts est, pour le moins, curieuse : une bande de forêt a été gravement entamée et remplacée par des constructions illégales et anarchiques, l'administration en a été saisie par un citoyen et par l'Association de la citoyenneté et de la démocratie de Hammam El Ghezaz et elle ne semble pas devoir ni vouloir bouger. Ce qui est aussi très étonnant dans cette affaire, c'est l'absence presque totale des partis et des associations des Verts qui n'ont maintenant de facto d'autre préoccupation que la politique et non ce pourquoi ils ont été créés : la défense de l'environnement. Où est l'erreur ? Où est la faille ? Nous aimerions bien savoir de quoi il retourne et où cela coince ? Maintenant que la catastrophe a eu lieu et bien qu'il faille rechercher activement les coupables supposés et sévir avec rigueur, il s'agit pour les autorités d'empêcher les spéculateurs immobiliers de tout acabit et de tout bord de bétonner la côte car suite à ces coupes d'arbres et à cet incendie, ces surfaces sont maintenant apprêtées et aiguisent les appétits immobiliers, pécuniaires et illégitimes pour engranger des millions et des millions de dinars. Or nous avons le devoir de transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants ce patrimoine vivant comme l'ont fait avant nous nos ancêtres. Il s'agit également d'effacer au plus vite les conséquences de ces destructions et de cet incendie et de reboiser rapidement ces espaces présentement rasés. Je souhaite instamment que toutes les autorités de l'exécutif concernées (ministère de l'Agriculture, ministère de l'Intérieur, Agence de protection et d'aménagement du littoral) ainsi que l'autorité judiciaire, nous éclairent, répondent à nos questionnements, prennent des mesures énergiques, mènent des actions efficaces pour arrêter cette hémorragie et ses actants ou éventuels actants et rétablissent les choses dans leur état initial au lieu de pratiquer le laisser-faire et le laisser-aller, prétextant de la phase critique que traverse le pays. Sans vouloir donner de leçons à personne et au risque de paraître péremptoire et peut-être même véhément, je conçois les devoirs de l'Etat, surtout dans ses composantes exécutives gouvernementale, administrative et municipale mais surtout dans sa composante judiciaire, comme suit : - Devoir d'un suivi vigilant - Devoir de célérité - Devoir d'efficacité - Devoir de transparence et d'information - Devoir de justice - Devoir de responsabilité - Enfin devoir de résultat. Quant au pendant, les devoirs du citoyen, il y aurait beaucoup à dire, j'y reviendrai peut-être un jour car, par les temps qui courent, on ne commerce plus qu'avec les droits : les libertés, la démocratie, la dignité, etc. Certes ces droits sont primordiaux et chèrement acquis par la Révolution, mais les devoirs du citoyen le sont tout autant. A bons entendeurs et lecteurs salut. De la part d'un compatriote qui en a gros sur le cœur.