A moins de quatre jours de la date de clôture des inscriptions au premier scrutin libre de la Tunisie post-Ben Ali, les bureaux d'inscription du Kef sont pris d'assaut et fonctionnent à plein régime, traduisant la ferme conviction de la population quant à l'importance de prendre part à ces nouvelles échéances électorales qui devraient aboutir à l'élaboration d'une nouvelle Constitution et ouvrir la voie à des élections générales libres, dont la nature et la forme seront définies par cette même nouvelle Constitution. Des dizaines de citoyens s'empressaient devant les bureaux d'inscription où trois postes s'employaient à servir les uns et les autres, le tout dans une ambiance de chaleur suffocante. «Je suis venu accomplir mon devoir citoyen», remarque Mohamed Naceur Nasri, chauffeur dans un établissement hospitalier, attaché aux valeurs d'ouverture et de modernité, qui se dit convaincu que le scrutin du 23 octobre sera déterminant pour les Tunisiens. Il ira «voter avec tous les membres de sa famille en faveur des candidats qui présenteront le meilleur programme», déclare-t-il. Youssef Ben Dhif, élève en terminale, l'air à la fois gai et serein, est venu lui aussi témoigner de sa volonté de prendre part, pour la première fois de sa vie, à un scrutin libre et démocratique. «C'est une date mémorable pour moi et pour tous les Tunisiens», reconnaît-il, le sourire aux lèvres et les yeux cachés derrière des lunettes de soleil. A la sortie du bureau d'inscription, une jeune fille, étudiante à la faculté des Lettres, est totalement convaincue que «la participation de la femme à ces échéances électorales est une illustration édifiante de la maturité de l'élément féminin dont l'avenir risque de se jouer au cours de ce scrutin». De nombreuses femmes, toutes tendances confondues, étaient visibles, hier matin, devant le bureau principal d'inscription installé au siège de la municipalité de la ville. Certains citoyens réclament une prolongation de la date d'inscription, tant il s'avère impossible d'inscrire tout le monde à la date butoir du 2 août. D'autant que le taux d'inscription dans le pays n'a pas encore dépassé le seuil symbolique des 15%. Ce qui, selon la plupart des citoyens interrogés, «requiert une prolongation inévitable de la date de clôture des inscriptions». Selon un professeur de l'enseignement secondaire, venu lui aussi accomplir son devoir citoyen pour participer au scrutin du 23 octobre qui se déroule neuf mois après le départ du président déchu, et pour lequel près de sept millions d'électeurs seront convoqués, «la prolongation de cette date est une urgence», a-t-il expliqué. Au Kef, les inscriptions à ce premier scrutin libre de la Tunisie post-révolutionnaire, premier pays arabe à initier le printemps arabe et à organiser des élections libres et démocratiques, se poursuivent à un rythme fort soutenu favorisées en cela par la multiplication des débats, essentiellement entre jeunes, sur l'avenir du pays et sur l'opportunité de telles échéances électorales, au demeurant considérées comme cruciales pour l'avenir du pays et l'ancrage de la démocratie et du pluralisme politique tant souhaité par toutes les parties politiques qui se disputent l'électorat partout à travers le territoire. Au regard des nombreuses déclarations des citoyens, l'on peut parler d'une grande volonté nationale de tourner la page sombre du passé et d'édifier une République où démocratie et liberté représentent le credo unanime de tous les Tunisiens.