Ramadan, que les musulmans de France ont entamé hier à l'aube, gagne de plus en plus d'adeptes dans ce pays laïc où l'islam est la deuxième religion après le catholicisme, malgré la dureté de l'épreuve du jeûne en plein été. Depuis 04h3O (02h30 GMT), heure du «s'hour» pour la région parisienne, plusieurs millions de pratiquants au sein de la plus forte communauté musulmane d'Europe ont cessé de s'alimenter. L'iftar, rupture du jeûne, doit intervenir à 21h30 (19h30 GMT) quand aura retenti l'appel à la prière d'El Moghreb (la prière du coucher du soleil). En plus de se priver de nourriture et de boisson, les jeûneurs doivent s'abstenir de fumer et d'avoir des relations sexuelles du lever au coucher du soleil. Plus qu'à l'ordinaire, les musulmans sont nombreux dans les mosquées pour des «tarawih» prières surérogatoires durant lesquelles ils écoutent l'imam récitant chaque soir une portion du Coran avec l'objectif de l'achever au soir du 26e jour, correspondant à «laïlat al qadr» (la Nuit du Destin). La tradition veut que le Coran ait été révélé au prophète Mohamed durant cette nuit qui vaut «mieux que mille mois», selon le texte sacré. En France où les musulmans se sont sentis «stigmatisés» par les débats initiés sur la laïcité par le parti présidentiel UMP, quelque 71% d'entre eux observent le jeûne tous les jours de ce mois sacré de l'Islam, selon un sondage Ifop paru hier dans La Croix. C'est une proportion «stable» par rapport à 2001 mais «en très forte hausse depuis 1989» où elle était de 60%, selon l'étude. Des clients musulmans font ainsi leurs emplettes hier dans un supermarché halal de Nanterre (région parisienne), l'un des premiers du genre en France, pour préparer la chorba (une soupe épaisse) et d'autres mets qu'ils dégusteront lors de la rupture du jeûne. «Frappez à la porte d'une famille musulmane, même pauvre, pendant Ramadan: vous trouverez la table chargée: du lait, des crêpes de toutes sortes, du thé, du café», sourit Nadia Radi, 40 ans, alors que dès l'entrée du magasin, une montagne de boîtes de dattes accueille le chaland sur fond de musique orientale. Les musulmans de France sont plus nombreux à respecter Ramadan que la prière quotidienne et le pèlerinage de la Mecque. Ces pratiques ainsi que l'aumône légale et la profession de foi en un Dieu unique et Mohamed son messager sont les cinq piliers de l'Islam. «Nous sommes particulièrement satisfaits que la ferveur religieuse va en croissant (...) notamment chez les jeunes», s'est réjoui hier sur la radio France Info le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur. «Il y a une véritable vie musulmane qui est en train de se développer dans notre pays», a-t-il ajouté en observant qu'«il y a des mosquées de plus en plus nombreuses et des personnels religieux de mieux en mieux formés». La France compte 2,1 millions de «musulmans déclarés» de 18 à 50 ans, selon une enquête récente de l'Institut national des études démographiques (Ined) et l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). L'institut de sondage Ifop évalue leur proportion à 5,8% de la population française, soit 3,5 millions de personnes. Les chiffres qui circulent habituellement évaluent entre 5 et 6 millions le nombre de musulmans dans ce pays qui interdit les statistiques religieuses ou ethniques. Selon la tradition musulmane, Ramadan permet à tous les croyants de faire l'épreuve de la privation pour amener les plus nantis à songer aux pauvres et à les aider. En annonçant dimanche soir le début de ce mois après l'observation du croissant lunaire, le Conseil français du culte musulman a appelé les musulmans de France à en «faire vivre l'esprit empli de solidarité et de générosité, en portant leur soutien aux ONG mobilisées» contre la famine dans la Corne de l'Afrique. Dans les mosquées, des repas sont distribués aux démunis.