Tout comme l'année actuelle, le mois sacré devrait coïncider pendant les six années à venir avec la haute saison touristique. De là, les professionnels redoutent que le secteur ne soit voué à la dégringolade, débouchant sur un contrariant effondrement des recettes touristiques. D'ailleurs, pour ce qui est de la saison en cours, le ministère du Tourisme n'a rien laissé au hasard pour tenter de faire pousser jusqu'au bout son radeau de sauvetage. L'adage : qui veut voyager loin, ménage sa monture. De ce fait, diverses décisions ont été prises pour que la dynamique du secteur ne batte pas de l'aile pendant le mois du jeûne. Ces décisions visent, avant tout, l'encouragement du tourisme maghrébin, du fait de la similitude des croyances et du rythme de vie tout au long du mois de Ramadan, dans les pays du Grand Maghreb. Les services hôteliers ont été, donc, appelés à s'adapter aux besoins spécifiques des touristes pendant ce mois de piété. Le transport public est, à son tour, assuré dans les zones touristiques jusqu'à une heure tardive, dans le but de faciliter les déplacements vers les monuments historiques et les festivals, mais aussi vers les mosquées. Des tentes ont été installées au sein des établissements hôteliers pour servir les plats de rupture du jeûne. Pour les touristes maghrébins, les hôteliers ont prévu d'autres prestations typiques. Outre des buffets spéciaux, des spectacles nocturnes animés par des troupes de chant liturgique sont organisés, pendant les soirées et jusqu'à l'heure du S'hour . S'agissant du tourisme maghrébin, il faut dire, dans ce sens, que les entrées maghrébines ont progressé, en 2009, de 7,9%, soit 2.999.100 visiteurs. Réputée pour son ambiance ramadanesque inégalée, Kairouan, ville sainte de l'Afrique du Nord, a accueilli près de 76.000 Algériens, dont 80% ont accompli la prière des Tarawih dans la Grande Mosquée «Oqba Ibn Nafaâ». Toujours est-il que le ministère et les organismes qui lui sont rattachés ont misé sur les soirées musicales, l'ouverture des boutiques et des restaurants, la disponibilité des voitures de location dans les lieux fréquentés par les touristes et la mise en place de navettes pour assurer le transport du plus grand nombre de touristes entre les hôtels et les mosquées pour les prières des Tarawih. Les efforts déployés sont sans doute appréciables dans le domaine de l'animation des soirées ramadanesque, mais des améliorations sont possibles. Repenser l'animation culturelle Dire que Ramadan a toujours été synonyme de recul de rythme dans le secteur touristique, c'est reconnaître que très peu d'étrangers osent visiter un pays musulman pendant le mois saint. Justement,certaines carences sont, de plus en plus manifestes. A commencer par la faiblesse des programmes d'animation et la modestie des campagnes publicitaires. En effet, la régression des flux touristiques pendant le mois saint est due à diverses causes . C'est qu'avant de se rendre dans un pays musulman pour des vacances, les questions qui passent par la tête d'un Européen sont généralement bien précises : les choses seront-elles différentes ? Pourrai-je manger et boire devant des musulmans qui jeûnent? De quel œil nous regarderont-ils ? Ce faisant, nos médias sont appelés à véhiculer un éclairage convaincant et sur les préceptes de la sublime religion islamique et sur l'hospitalité et la tolérance qui caractérisent la société tunisienne. Tout autant que les professionnels devraient, de leur côté, engager des campagnes publicitaires mettant l'accent sur tous les aspects liés aux soirées ramadanesques puisant dans les rites ancestraux et les spécificités religieuses d'un pays arabo-musulman. De ce point de vue, la concurrence s'annonce rude avec certains pays frères et amis, tels que le Maroc, l'Egypte et la Turquie. D'ailleurs, on apprend que le Comité égyptien d'animation touristique organise, depuis la deuxième semaine du mois de Ramadan, un festival culturel panarabe dénommé «Fawanis Ramadhan», dont Tunis est l'une de ses étapes. L'événement est parrainé et sponsorisé par de prestigieuses structures égyptiennes, dont la Maison de l'Opéra, Egyptair, l'Aéroport international du Caire, les gouvernorats du Caire, de Guizèh et d'Alexandrie, le Centre égyptien de culture et des arts Meken, ainsi que des institutions égyptiennes de tourisme et d'hôtellerie de renom. Fawanis Ramadhan qui meublera les quatre prochains mois saints vise à consolider l'activité touristique ramadanesque et attirer davantage de touristes arabes, notamment des pays du Golfe et du Maghreb. On apprend aussi que parallèlement au menu principal sur les différents sites égyptiens, des tentes ramadanesques ont été programmées à Tunis, au Koweït et à Oman à partir de la deuxième semaine du mois de Ramadan. Durant une dizaine de jours, ces tentes s'érigeront en un carnet de voyages grâce auquel les visiteurs découvriront l'art culinaire, les traditions et l'ambiance ramadanesque de l'Egypte. Une grande campagne publicitaire est prévue dans tous les pays arabes avec à l'appui, un spot télé de 30 secondes qui sera diffusé tout au long du mois de Ramadan sur les écrans d'un grand nombre de chaînes terrestres et satellitaires. C'est, à l'évidence, une démarche aussi structurée que bénéfique, dont on pourrait s'inspirer pour concevoir et lancer la nôtre. Sans pour cela manquer de concocter un programme visant une animation culturelle riche et diversifiée non seulement dans les zones côtières, mais aussi dans les villes réputées pour leur épatante ambiance ramadanesque, telles que Kairouan et Béja, et ce, en organisant des spectacles de rue s'étendant dans les vieilles villes pour mettre en exergue l'héritage patrimonial et les spécificités civilisationnelles de chaque région. Car un touriste, visitant un pays musulman pendant le mois saint cherche, avant tout, une sorte de dépaysement dans une quête de l'autre, de ses traditions et de son originalité.