Le système financier maghrébin face à la crise et les défis futurs de ce secteur, tels ont été les axes autour desquels a tourné le colloque des dirigeants d'institutions financières du Maghreb organisé hier à Tunis, par l'IIF (Institute of International Finance). Réunissant des responsables du secteur financier des cinq pays du Maghreb et des représentants des institutions financières du sud de l'Europe, du Proche et du Moyen-Orient, ce colloque a eu pour objectif central d'"étudier les répercussions de la crise économique sur les banques maghrébines et d'analyser les défis auxquels sont confrontées ces banques", a précisé M. Ahmed El Karm P.-d.g. d'Amen Bank. Il s'agit par ailleurs de cerner les axes de réformes pour les systèmes bancaires maghrébins afin qu'ils soient plus performants et plus efficaces. S'agissant de l'impact de la crise, les spécialistes s'accordent à dire que les banques maghrébines n'ont pas été affectées par la récession économique mondiale grâce, notamment, "à la clairvoyance des Banques centrales des pays de la région et au fait que l'épargne maghrébine a été consacrée au financement de projets de développement économique dans la région", souligne encore M. El Karm qui ajoute que "sortant indemnes de la crise financière mondiale, les banques maghrébines s'attellent, désormais, à renforcer davantage leurs structures en vue d'améliorer l'efficacité de leurs interventions et de moderniser les instruments financiers proposés à la clientèle". Le système financier maghrébin sort indemne de la crise Intervenant sur le thème de l'impact de la crise sur les systèmes financiers maghrébin, le conférencier a noté qu'il serait légitime, à ce propos, de se demander par quel miracle les banques tunisiennes sont-elles sorties indemnes de la crise mondiale ? Précisant qu'un tel résultat est le produit des réformes profondes entreprises par la Tunisie depuis les années 90. Des réformes qui ont été construites sur la base d'un ensemble de priorités, notamment la consolidation des assises financières des banques, le changement de la culture bancaire ainsi que l'institution d'une relation banque-client basée sur la confiance et la transparence. La réforme du système bancaire tunisien a également été motivée par l'objectif de moderniser les services bancaires et de les aligner aux standards internationaux. L'internationalisation des services bancaires est un autre axe majeur de la réforme bancaire en Tunisie. le conférencier note à ce propos qu'on remarque, aujourd'hui, une réelle dynamique maghrébine au niveau du système bancaire de la région, "dynamique qui peut constituer un défi pour la période future et le moyen de créer un espace financier maghrébin commun", a-t-il encore souligné. M. Joël Toujas-Bernate, chef de la Division Afrique du Nord au Fonds monétaire international (FMI), est intervenu sur les spécificités des systèmes financiers maghrébins et s'est notamment intéressé aux défis qu'ils sont appelés à relever dans le futur. Il a souligné, de prime abord, qu'il est difficile d'identifier les caractéristiques communes des systèmes financiers de la région maghrébine d'autant plus que c'est une région hétérogène, citant à ce propos que c'est une région qui intègre des pays exportateurs de pétrole et ayant une forte présence du secteur public dans leurs économies (l'Algérie et la Libye) et des pays fortement ouverts sur l'extérieur, à savoir la Tunisie et le Maroc. Toutefois, on peut retenir que les secteurs financiers des pays maghrébins sont fortement dominés par les banques et qu'il y a, dans ces pays, une forte présence des banques publiques et une présence limitée des banques étrangères. "On remarque également une ouverture limitée sur l'extérieur avec des flux contrôlés des capitaux", a encore ajouté le conférencier. Concernant les mesures prises par les gouvernements pour moderniser et renforcer leurs systèmes bancaires, il a noté que les autorités ont pris conscience du besoin de modernisation bancaire et ont veillé, à cet effet, à introduire de nouvelles législations bancaires. Des mesures visant le renforcement des systèmes bancaires ont également été entreprises, des efforts qui visent la baisse des créances douteuses et la mise en œuvre de Bâle I en matière de capitalisation ont ainsi été déployés. Ceci sans oublier les actions déployées afin de renforcer la concurrence à travers la réduction de la part du secteur public et l'ouverture graduelle à la concurrence étrangère. Concernant l'impact de la crise sur les systèmes financiers de la région, M.Toujas-Bernate a précisé que l'impact a été limité et temporaire et qu'en dépit du ralentissement du crédit et de la baisse de certains marchés boursiers, la crise n'a pas eu d'impact réel sur les systèmes financiers maghrébins et pour cause, "la faible intégration des marchés de la région dans les marchés mondiaux". Privatisation des banques Evoquant, enfin, les défis à relever par les systèmes financiers maghrébins, l'expert du FMI cite la nécessité de continuer à renforcer la solidité de ces systèmes et d'améliorer leur positionnement tout en améliorant leur compétitivité en pensant, notamment, à poursuivre la privatisation des banques publiques, à restructurer et à renforcer la gouvernance et la capacité d'analyse des risques par les banques. La stimulation du développement du secteur bancaire est un autre défi à relever par les systèmes financiers maghrébins, un objectif qui passe par "l'approfondissement et la diversification des marchés obligataires et des actions, l'amélioration de l'infrastructure des secteurs financiers", précise M.Toujas-Bernate. Dans ce même ordre d'idée, il rappelle que la réduction des créances douteuses, dont le taux demeure relativement élevé dans la région du Maghreb par rapport à la moyenne enregistrée dans les pays émergents, est primordiale pour atteindre les objectifs tracés pour le développement de nos systèmes financiers.