• Seriati demande pardon au peuple tunisien • Imed Trabelsi dénonce la politisation des procès Après neuf heures d'âpres plaidoiries, le juge Faouzi Jebali a décidé de remettre le prononcé du jugement des inculpés dans l'affaire dite de l'aéroport de Tunis-Carthage à demain, 12 août. Le procès où comparaissent vingt-trois proches du président déchu et de son épouse ainsi que l'ancien directeur de la sécurité présidentielle, Ali Seriati, a été déjà reporté par deux fois à la demande de la défense. Les accusations portées contre les membres de la famille du président déchu et de son épouse concernent notamment la tentative de quitter illicitement le territoire national, la détention illicite de sommes importantes en devises sans autorisation de la Banque centrale de Tunisie, la possession de cartes internationales de crédits ainsi que le trafic de bijoux. Pour sa part, l'ancien directeur de la sûreté nationale est accusé de fabrication de faux passeports, peu avant la fuite du président déchu, ainsi que de trafic de devises. Le procès qui a démarré, hier matin, à la salle n°6 du Tribunal de première instance de Tunis, dans une troisième séance, en présence de 30 avocats, s'est déroulé dans le calme et la sérénité. Il est à noter que 17 parmi les accusés ont comparu en état d'arrestation, six en liberté et quatre autres en fuite qui font l'objet d'un mandat d'amener international (Leïla Trabelsi, Moëz Trabelsi et Sakher Matri). Avant de céder la parole au procureur de la République, la cour, présidée par le juge Faouzi Jebali, a demandé au représentant de la douane les réquisitions de son administration. Celui-ci répondra que le choix de l'administration des douanes est "de ne pas transiger avec les personnes poursuivie pour délits financiers et douaniers" ce qui est de nature à ne pas permettre l'extinction de l'action publique avant jugement. Ensuite, le juge Faouzi Jebali a accordé la parole au procureur de la République, pour une plaidoirie qui sera qualifiée d'"historique" par les avocats bien qu'elle ait comporté plusieurs "lacunes". En effet, le procureur de la République, qui a fondé sa plaidoirie sur l'indépendance de la justice et la consécration du droit de chaque citoyen à la défense et le droit à un procès équitable conformément aux lois du pays, aux conventions et aux chartes internationales, a clairement formé le vœu que ce procès se transforme "en feu qui éclaire" et a demandé par conséquent un verdict sévère avec exécution immédiate. Certes, pour le procureur de la République, ce n'est pas la filiation des inculpés qui motive une telle réquisition mais plutôt la gravité des délits commis par eux. Pour argumenter sa demande, le procureur de la République s'est adossé aux chefs d'inculpation retenus contre les inculpés, ainsi que sur tous les chefs de conclusion du réquisitoire. Il a de ce fait estimé qu'il y avait des présomptions suffisantes de culpabilité à l'instar des aveux, des pièces à conviction à charge des accusés, des confrontations établies. La parole a été enfin donnée aux avocats des prévenus. La défense, qui a eu accès aux dossiers de l'instruction, a clairement organisé sa plaidoirie autour de l'aspect procédural. Tour à tour, les maîtres se sont escrimés à décortiquer la plaidoirie du procureur de la République tentant ainsi d'anéantir ses fondements. D'abord, les foudres des avocats ont eu pour cible le juge d'instruction qui a pour mission "d'instruire les procédures pénales, de rechercher diligemment la vérité et de constater tous les faits qui serviront à la juridiction de jugement pour fonder sa décision". De ce fait, il est tenu d'instruire sur les faits visés. Il ne peut instruire que sur ces faits, à moins que les faits nouveaux révélés par l'information ne soient que des circonstances aggravantes de l'infraction déférée, ont-ils estimé. C'est que, plusieurs points représentent des failles juridiques au niveau des dossiers instruits et de ce fait, les avocats ont considéré qu'il n'y a pas lieu de poursuivre le procès et ont demandé la mise en liberté des inculpés détenus. Les avocats reprochent aux autorités compétentes de ne pas avoir respecté lors de la constatation des délits, les formalités générales du procès-verbal de saisie, la procédure de la garde à vue et la détention des accusés. Ils ont signalé dans le même sillage que le ministre des Finances n'a pas mis en mouvement une action publique contre les prévenus et ont montré du doigt des procès-verbaux comportant plusieurs anomalies juridiques et qui n'énoncent clairement ni la date, l'heure et le lieu de l'enquête effectuée ni les noms, les qualités administratives des agents verbalisateurs. De ce fait, les procès-verbaux sont "nuls pour non observation des conditions des formes énoncées par le code de douane" comme l'a si bien souligné la défense. En effet, l'aveu de l'inculpé ne dispense pas le juge d'instruction de rechercher d'autres éléments de preuve. Pour la défense, le juge doit apprécier l'opportunité des mesures complémentaires d'instruction qui lui sont demandées pour la manifestation de la vérité. L'audience qui a connu une série de longues plaidoiries, dont certaines ont été qualifiées de "magistrales", apporte la preuve qu'une nouvelle brise d'équité est en train de souffler sur le système judicaire tunisien et la patience dont a fait montre la cour démontre le souci des juges d'éviter toutes les violations qui avaient lieu par le passé et dues entre autres à la précipitation et à une justice expéditive. A cet égard, Me Wissem Saîdi, avec son franc parler habituel, est allée jusqu'à dénoncer la falsification des procès-verbaux. Des éléments contradictoires à l'appui conforteront sa thèse. Ainsi, les avocats ont demandé à la cour de ne fonder sa décision que sur des preuves versées aux débats et discutées oralement et contradictoirement devant elle et de ne pas céder aux pressions de la rue ou à celles des médias. L'accusé Imed Trabelsi qui a demandé la parole, a dénoncé la politisation à outrance des procès intentés contre les membres de sa famille et a demandé la transmission en direct des audiences par les télévisions. "Tout ce qu'on demande, c'est le droit à des procès équitables", a-t-il asséné. Pour sa part, l'ancien directeur de la sécurité présidentielle, Ali Seriati, qui a demandé aussi la parole avant la clôture des débats, a imploré le pardon du peuple tunisien. "Je tiens à demander pardon au peuple tunisien et à le féliciter de l'avènement de sa glorieuse révolution. Mon vœu est de voir cette révolution donner un nouvel élan à une justice tunisienne indépendante et équitable. Vive la Tunisie, vive la Révolution", a-t-il lancé à la barre. En effet, Ali Seriati a été qualifié de "héros national" par l'un de ses avocats, Me Abada Kéfi, lequel a promis, pour sa part, des révélations importantes dans l'affaire Seriati en cours d'examen au tribunal militaire. "La lumière sera faite sur tout ce qui s'est passé le 14 janvier et les jours avant", a-t-il indiqué.