La dégradation du cadre de la vie urbaine, on s'y était habitué. Certes, ici ou là à travers le pays, surgissaient des ensembles résidentiels qui donnaient la fausse impression que le pays avait pris le large de la modernité dont il arborait les symboles dans des projets immobiliers prétendument intégrés, mais dont l'auscultation attentive démontre rapidement qu'il s'agit, ni plus ni moins, d'une juxtaposition d'opérations spéculatives plus lucratives les unes que les autres. La dégradation du cadre de la vie urbaine dans les périmètres anciens de nos villes, c'est, par exemple, le délabrement de ces immeubles d'époque coloniale, orphelins d'une gestion efficiente en matière d'hygiène et d'entretien ordinaire. Dont les beaux halls de l'entrée principale revêtus de carreaux en céramique aux couleurs vives et gaies n'ont plus été lustrés depuis une éternité, qui se détachent les uns après les autres quand ils ne sont pas vandalisés ou tout bonnement descellés pour alimenter un trafic de pièces anciennes. Dont les escaliers en marbre, usés jusqu'à la corde et fissurés sont, dans le meilleur des cas, remplacés par une couche de mortier et dont les rampes, jadis synonymes d'élégance et de légèreté, sont crasseuses et branlantes. On pourrait poursuivre l'inventaire en évoquant les boîtes à lettres en bois ouvragé, l'état des minuteries, des verrières, etc. En l'absence de syndic ou de ce qui peut en tenir lieu, les façades n'ont plus été ravalées depuis des dizaines d'années et leur aspect transpire l'abandon. Il s'est trouvé, par-ci par-là, des occupants (propriétaires ou locataires de très longue date) pour badigeonner le mur extérieur de leur appartement, chacun selon ses goûts et ses moyens qui le font recourir à tel enduit ou à tel autre, ce qui produit un effet des plus surprenants : des taches contrastées éclosent ainsi sur les façades de certains immeubles par ailleurs remarquables par l'unité de leur style et l'harmonie de leurs lignes. Approche participative La dégradation, elle s'étend aussi aux trottoirs si on peut les appeler ainsi (et encore, quand ils existent!). Un rafistolage comme jamais vu. Une succession de tronçons à la composition et à la consistance variables et lorsque, là où ils se trouvent, les pavés sont fissurés ou carrément descellés, ils ne sont pas de sitôt remplacés. Et bonjour les dégâts des mini-mares et de l'eau giclant des fissures. Et non seulement les rares espaces verts ont été de proche en proche gagnés par le béton, mais même les arbres qui ont été plantés en bordure de ces trottoirs, lorsque, par une habile manœuvre d'un quelconque chauffard ou à cause de l'arrosage à l'eau javellisée des commerçants du voisinage qui veillent à la propreté de leurs locaux mais se fichent éperdument de leur environnement immédiat, ces arbres sont violemment arrachés ou doucement assassinés, il ne restera plus par la suite que leur souvenir à l'emplacement de l'endroit qu'ils occupaient : un carré de boue ou (dans le meilleur des cas) de ciment. Dans les nouveaux périmètres, les maux, qui peuvent parfois croiser les précédents pour ce qui se rapporte aux finitions et à l'entretien au quotidien, sont généralement d'une autre nature : absence de verdure, d'équipements collectifs pour les loisirs, la culture, les exercices physiques, etc., toutes choses régulièrement annoncées dans les prospectus de promotion des projets immobiliers à usage d'habitation. Tout ceci pour dire quoi? Que bien du travail attend les prochaines équipes municipales qui seront issues d'un scrutin authentiquement démocratique. Certes, c'est là l'une de leurs missions principales et prioritaires. Ne pas prendre ces problèmes à bras-le-corps voudra dire pour eux un désaveu synonyme de «dégagement» dès les élections suivantes. Mais cela veut dire également que les administrés doivent se mobiliser dans des structures appropriées pour formuler des revendications précises, en suivre le devenir, participer à leur concrétisation et sanctionner enfin dans un sens ou dans un autre. Car c'est cela aussi, la démocratie et la prise en charge de son destin.