Par Hmida Ben Romdhane Le Président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas sera demain à New York où il s'exprimera à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU le vendredi 23 septembre. Le suspense le plus total, mais aussi les craintes les plus vives sont suscités par cette énième intervention palestinienne devant les 193 membres de l'Organisation onusienne dont les Palestiniens veulent devenir le 194ème membre. Le suspense concerne la forme que prendra la demande palestinienne. Fera-t-elle l'objet d'une demande d'adhésion pure et simple à l'ONU qui sera soumise au Conseil de sécurité? Dans ce cas, il est quasiment certain que la demande sera confrontée au sempiternel veto américain que Washington a systématiquement appliqué en faveur d'Israël. La demande palestinienne pourrait tout aussi bien prendre la forme d'une motion soumise à l'Assemblée générale. Dans ce cas, la requête palestinienne pourra recueillir le soutien de 125 membres au moins. Toutefois, l'Assemblée générale n'a pas la latitude d'accepter de nouveaux membres de l'ONU, mais elle peut accueillir la Palestine comme "Etat non membre" ou lui donner le statut d'"observateur renforcé", à l'instar du micro Etat du Vatican. Cette éventualité donnera aux Palestiniens accès à l'Unesco, à la Cour internationale de justice et, plus important encore, à la Cour pénale internationale. Depuis des semaines, une vaste activité diplomatique émaillée d'intenses pressions et de menaces discrètes est déployée par Washington et, dans une moindre mesure, par certaines capitales européennes dans le but de canaliser la demande palestinienne vers l'Assemblée générale plutôt que vers le Conseil de sécurité. Jusqu'à présent, rien n'indique que l'Autorité palestinienne ait opté pour tel ou tel scénario, mais les Américains agissent comme s'ils sont confrontés à la pire option, au scénario-cauchemar tant redouté par le département d'Etat, c'est-à-dire une demande d'adhésion pure et simple que déposera Mahmoud Abbas sur le desk des 15 membres du Conseil de sécurité. Ce que la diplomatie américaine tente désespérément de faire maintenant, c'est de ne pas se trouver dans l'intenable position de devoir utiliser son veto contre les Palestiniens et en faveur des Israéliens et d'éviter ainsi les conséquences désastreuses sur les plans politique, diplomatique et moral qu'ont toujours subies les Etats-Unis, pas seulement dans le monde arabo-musulman, chaque fois qu'ils se sont alignés aveuglément aux côtés d'Israël. Il y a une sorte de mécanique infernale qui s'est installée depuis longtemps au Moyen-Orient. Une mécanique qui tourne dans une impasse et qu'alimentent la colonisation et la répression israéliennes d'une part et les révoltes et les explosions de colère palestinienne, d'autre part. Mais cette mécanique infernale est alimentée aussi et surtout par l'incapacité de la classe politique américaine de comprendre qu'en dernière analyse les Américains, les Israéliens et les Palestiniens ont le même intérêt. De prime abord, cette affirmation pourrait surprendre certains, mais à bien y réfléchir les trois peuples et le monde avec eux ont un intérêt commun à ce que la paix règne au Moyen-Orient sur la base de la justice et du droit international. Jusqu'à présent, et probablement pour longtemps encore, seuls les Palestiniens sont conscients de cet intérêt commun et de la nécessité de le concrétiser sur le terrain. D'importants changements sont en train de se produire au Moyen-Orient: isolement croissant d'Israël qui a vu ses ambassadeurs à Ankara et au Caire expulsés et ses relations stratégiques avec ces deux alliés réduites à néant; le "printemps arabe" qui fait perdre à Israël son statut d'"unique démocratie au Moyen-Orient", et surtout qui réduit fortement la marge de manœuvre de Washington auprès des Etats arabes etc. Autant de facteurs qui laissent penser, et c'est une question de bon sens, que les Etats-Unis et Israël vont enfin changer eux aussi, quitter l'impasse et arrêter la mécanique infernale qu'ils ont déclenchée et entretenue des années durant. En dépit de tout cela, pas le moindre changement d'attitude n'est perceptible à Washington ni à Tel Aviv. A cause de cette désastreuse réticence américano-israélienne d'être dans l'air du temps, la paix restera invisible dans l'horizon moyen-oriental. Le sang et les larmes continueront à couler tant que les Etats-Unis continueront à ignorer le développement des colonies en Cisjordanie tout en prétendant que "le problème ne sera résolu que par les négociations". C'est à cette même rengaine futile que s'accrochent toujours désespérément les Américains pour tenter de convaincre les Palestiniens de ne pas les embarrasser vis-à-vis du monde en les "forçant" à utiliser le veto au Conseil de sécurité. La question que tout Américain qui se respecte devrait se poser est la suivante: jusqu'à quand la plus grande puissance du monde considèrera-t-elle qu'il est plus judicieux de sacrifier leurs intérêts et ceux de toute la région moyen-orientale, y compris les intérêts d'Israël, plutôt que de subir l'ire d'un lobby irresponsable qui continue de faire régner la terreur au département d'Etat, au Congrès et à la Maison-Blanche ?