Par Taoufik CHARRADI Les pratiques successorales, régies par les lois et conformes au droit, sont une manière de protéger l'intégrité du patrimoine familial et un moyen privilégié de préserver une cohésion sociale dans l'espace rural. Par ailleurs, cette cohésion fait face à l'indivision de la propriété foncière engendrée par une augmentation du nombre des héritiers. La cohésion sociale Les successions sont le principal moyen permettant d'acquérir la propriété. De fait, elles constituent le maillon de la chaîne des générations et assure leur pérennité. Un bref examen des pratiques successorales à titre gratuit témoigne la même attitude de la société face au patrimoine foncier familial. L'indivision familiale est souvent utilisée comme un moyen pour préserver le patrimoine foncier des exploitations dont l'avantage est la cohésion familiale. En effet, les membres d'une famille sont invités à travailler ensemble et à vivre grâce au même patrimoine foncier. Cela nous amène à formuler l'idée que ces pratiques sous-tendent une volonté de cohésion familiale fondée sur les biens familiaux communs. Or le statut familial des terres n'incite pas les agriculteurs à effectuer les dépenses et les investissements nécessaires pour améliorer leur outil de production, surtout dans le domaine agricole. L'indivision de la propriété Après le décès d'une personne, les enfants du défunt ont recours au tribunal cantonal, afin qu'ils soient proclamés héritiers et propriétaires indivis de tous les biens suivant les dispositions du code de la loi en vigueur. En fait, l'héritage répond à une coutume d'héritage diachronique, qui témoigne du type des relations familiales, entre le défunt et ses héritiers. Cependant, la propriété foncière est transmise indivise entre l'ensemble des héritiers. Il en résulte une accentuation du phénomène de l'indivision et de la copropriété des droits réels et des structures parcellaires complexes. Conséquences Au niveau rural, les conséquences de cette pratique de transmission successorale sont notables. Les parcelles agricoles appartiennent à un nombre grandissant d'héritiers qui sont acculés à rester dans cette situation forcée, notamment dans les campagnes. Cette situation est difficile à gérer et à mettre en valeur, en raison de mésententes fréquentes et des conflits inhérents entre les copropriétaires. C'est ainsi qu'elles restent inexploitées pour longtemps et que leur morcellement entre leurs copropriétaires est inéluctable. Les conséquences de cette pratique de transmission successorale sont importantes. Par ailleurs, l'absence d'une législation permettant de préserver le capital foncier des unités de production et d'éviter le morcellement constitue un des facteurs de blocage du développement des exploitations. Au niveau urbanistique, la raison la plus lourde de conséquences réside dans le fait que le phénomène d'urbanisation est difficile à maîtriser pour les cités ayant des difficultés pour "se tailler" une assiette foncière productive. Problématiques Il en résulte une augmentation progressive du nombre des héritiers et une aggravation de l'état d'indivision sur le titre foncier. Cela conduit à terme à un morcellement de la propriété et rend rapidement la propriété invendable du fait de la difficulté d'obtenir l'accord de tous les cohéritiers. Le titre foncier ne dispose de tous ses avantages que pendant une courte période "d'état de grâce", juste après l'achat par un seul acquéreur. Solutions Il y a plusieurs voies permettant de contourner ces problèmes visant à rapprocher de plus en plus la situation légale de la réalité du terrain. Conformément à la loi, chaque indivisaire peut à tout moment provoquer le partage, sauf si un jugement ou une convention entre les indivisaires s'oppose. Dans ce cas, ce dernier demande un partage judiciaire, une procédure au Tribunal de grande instance, qui nécessite l'intervention d'un avocat. Lorsqu'il s'agit de distraction, la parcelle doit être immatriculée et le coût de la procédure de bornage doit être réduit. D'autres règlementations concernant la construction en société des co-indivisaires, l'attribution du terrain à celui qui l'exploite réellement sous condition d'indemnisation. Des incitations légales et fiscales sont recommandées pour vendre la propriété à un seul co-héritier. L'immatriculation, qui est techniquement une solution très avancée, a été conçue pour des pays de très grandes propriétés. Elle a fait ses preuves en Australie, au Canada et dans quelques états des EU. Dans les pays de petites propriétés et d'héritiers multiples, cette technique nécessite des investissements importants et suppose une mise à jour permanente. Malgré les réformes judicieuses et méritoires déjà engagés en Tunisie (lois 1992, 2001 et 2008), il reste encore des réformes visant à lutter contre le morcellement continu des propriétés et par l'interdiction légale de morceler la terre en dessous d'un seuil de viabilité à l'occasion des successions.