Ce sont des centaines de variétés de “plantes” aquatiques, dépourvues de feuilles, de tiges et de racines. Leur taille varie de moins d'un millimètre à quelques centaines de mètres pour les variétés géantes. Elles se déclinent en trois couleurs principales‑: vert, brun et rouge. Les connaisseurs leur ont attribué des appellations aussi belles qu'imagées‑: laitues de mer, pour les vertes, cheveux de mer pour les plus fines, haricots, ou encore spaghettis de mer pour d'autres. Leur goût dépend de la variété. Il peut être proche du caramel, de certains types de champignons, mais il est le plus souvent iodé, identique à celui des coquillages. Les algues vivent dans les eaux salées, saumâtres ou douces; elles peuvent être spontanées ou de culture. Certaines, comme le «varech», sont récoltées sur le rivage après avoir été rejetées par la mer. Les algues sont depuis la nuit des temps consommées par les humains, mais dans certaines régions du monde seulement, comme en Asie et sur les îles de l'Europe du Nord, principalement l'Irlande. Les Japonais en sont très friands, leur sushi national, est enroulé —c'est de tradition— dans une feuille façonnée à partir d'une algue cultivée à grande échelle dans le pays du Soleil Levant : la Nori. La Nori a un goût distingué et un parfum délicat‑; elle est riche en vitamine A et en minéraux. Les algues sont consommées de nos jours dans beaucoup d'autres pays d'Amérique, d'Europe et d'Asie. Elles sont utilisées comme légume, ou comme condiment. Elles font partie, de plus en plus, des compléments et des additifs alimentaires qui garnissent les rayons des magasins spécialisés dans les nouveaux produits diététiques ou ceux supposés l'être. Et nous dans tout cela ? Nos côtes regorgent, comme celles de toute la région méditerranéenne, d'une plante aquatique, une vraie, la “posidonie”, que nous appelons communément dhrî'a. La posidonie, bien que vivant dans l'eau, ressemble énormément aux plantes terrestres. Elle fleurit, elle a des racines, une tige et se reproduit grâce à ses fruits. La variante qui se multiplie dans nos eaux est caractérisée par la longueur de sa tige, atteignant un mètre, et par l'étendue de son aire de vie qui prend la forme d'un immense herbier allant de la surface jusqu'à 40m de profondeur. C'est là où nichent et frayent nos poissons les plus délicieux. Mais, à notre connaissance, nous ne la mangeons pas directement; nous la consommons indirectement dans la chair de nos poissons préférés, ceux qui la broutent. De toute façon, nous n'avons pas un engouement particulier pour les herbes, surtout celles que nous connaissons mal. Le dhrî'a rebute les terriens; son odeur, sentant fort la marée, les dérange. Nombreux sont nos jeunes promoteurs qui commencent à utiliser les algues comme masques pour la peau, pâte pour enveloppements et même comme bio-carburants. Mais rien pour la gastronomie et la cuisine. Sur l'autre rive, les choses évoluent avec une rapidité déconcertante. Rares sont les restaurants sur la côte, qui n'ont pas leurs plats aux algues, si ce n'est une véritable carte avec soupes, plats et amuse-bouches. Beaucoup de grands chefs s'ingénient à élaborer des recettes spécifiques avec ces «légumes», devenus très à la mode ces dernières années, sauf chez nous. La «posidonia océania», notre plante marine, n'inspire pas encore nos cuisiniers. Son nom dans l'ancien grec veut dire, «dieu de la mer». Que Dieu les guide sur le chemin de la création et de l'innovation.