En 2009, l'Association tunisienne d'information et d'orientation sur le Sida ( Atios) a présenté une étude sur un échantillon de 715 usagers de drogue issus du Grand-Tunis, de Bizerte et de Sousse. L'étude visait essentiellement à comprendre les comportements à risques favorables à la contamination par le VIH/Sida et l'hépatite B et C auprès des usagers de drogues injectables. Elle a, en outre, permis d'établir un contact direct avec les usagers de drogues injectables (UDI), d'être à leur écoute, de comprendre les facteurs directs et indirects qui ont favorisé leur descente aux enfers, de compatir à leur souffrance et de réfléchir sur les éventuelles solutions à même de les faire sortir de la marginalisation. Les indicateurs enregistrés donnent déjà une idée sur le profil de cet échantillonnage. En effet, et selon les données fournies par le D. Bouarouj, secrétaire général d'Atios, 62% de cet échantillon sont célibataires, 60% sont chômeurs et 55,3% des personnes interviewées sont d'un niveau d'instruction primaire. Déjà, rien que ces trois indicateurs en disent long sur la souffrance psychologique que vivent ces personnes. Incapables de trouver une source de revenus et de fonder une famille, ces personnes des deux genres présentent un facteur favorable au désespoir et à l'usage de la drogue. Par ailleurs, l'étude montre que 50% de l'échantillon ont séjourné à l'étranger. Leur premier contact avec le monde des stupéfiants a eu lieu en dehors du territoire tunisien : un contact précoce, puisque 58% d'entre eux y ont succombé à un âge situé entre 15 et 19 ans. Autre indicateur : 93% des personnes interviewées consomment du Subutex, qui est une substance fort dangereuse puisqu'elle engendre une rapide sensation de dépendance et touche le système nerveux. Ce qui est alarmant, c'est que plus des deux tiers des interviewés ont eu leur premier rapport sexuel entre 15 et 19 ans. Ils optaient pour des rapports non protégés tout en étant parfaitement conscients du risque de contamination. Il usaient souvent d'une même seringue pour plusieurs personnes en connaissant parfaitement les risques d'un tel acte. La prévalence de l'hépatite C y est de 29,1% contre 1,5% pour la population générale. Le Dr. Bouarouj a fait part de ce qu'il a retenu de cette expérience. Il indique que la plupart des interviewés espéraient une éventuelle prise en charge ou une cure de désintoxication. «Je me souviendrais toujours de ce jeune de 21 ans, dont les parents sont des cadres, et qui me disait: fais-moi sortir de cet enfer. Jamais je n'oublierai cette tristesse qu'il avait dans les yeux, ce regard implorant», confie le docteur.