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Retombées géopolitiques des révolutions arabes
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 10 - 2011


Par Habib DLALA
Outre le ralentissement de la croissance économique et la détérioration de la situation sécuritaire et sociale, les retombées politiques et géopolitiques des révolutions arabes sont considérables.
Est-il besoin de souligner d'abord que dans un Etat qui se délite sous l'effet d'un choc insurrectionnel inopiné et brutal, les institutions dysfonctionnent et le dispositif sécuritaire s'effrite. En Tunisie, l'instauration d'un Etat alternatif stable et démocratique se révèle difficile à court terme du fait des manœuvres contre-révolutionnaires multiples, de l'asthénie générale des partis politiques naissants ou anciens sclérosés par de longues années de répression ou de complicité bassement récompensée, de l'opportunisme d'une «élite de masse» petite bourgeoisie ou de cadres rodés à la revendication sociale, soudainement réveillés et tentés d'accaparer la révolution et d'occuper les chaises vides ou vidées. Confinés dans leur repli théocratique ou «national-théocratique», les mouvements passéistes s'astreignent à une discipline de groupe, se livrent à des pratiques discursives ambivalentes doublées de tentatives à peine voilées de marchandisation des intentions de vote. De tels comportements n'aident pas à rassurer les forces modernistes et démocratiques émiettées ainsi que les appuis et relais étrangers et les représentations politiques et financières taraudés par la suspicion et mourant d'envie de domestiquer ou de neutraliser les courants les plus «douteux». Quant aux jeunes artisans de la révolution, brillantes et brillants activistes rêvant de liberté, d'émancipation et d'avenir, ils n'adhèrent ni aux desseins politiques de la gérontocratie, ni au militantisme nostalgique, ni à la logique des partis qui ne parviennent pas à les accrocher et encore moins aux sombres projets ficelés par ceux qui, ignorant la réalité du temps présent, conjuguent le futur au passé simple. Quoi qu'il en soit, le processus de transition démocratique est irréversible. La machine électorale est, à n'en point douter, mise en branle.
Au plan régional, l'impact géopolitique des révolutions arabes est énorme, notamment au Moyen-Orient, où elles ont produit de nouvelles dynamiques de changement et en Europe où elles ont fait des émules.
En Egypte, l'équilibre entre les aspirations des mouvements politiques et religieux n'est pas près de se réaliser. Garant de la stabilité du pays, le Conseil suprême des forces armées (Csfa) continue d'agir sous la pression inlassable de la place Ettahrir impatiente de le voir partir.
A l'achèvement du processus électoral, le rôle géopolitique de l'Egypte au cœur du monde arabe dépendra de celui qui sera au pouvoir. En dépendront aussi les relations avec Israël, l'Iran, les pays de l'Union pour la Méditerranée, les monarchies du Golfe et les pays du Haut Nil.
En Libye, la révolution prend un nouveau visage, celui d'une guerre meurtrière menée dans un pays aride à désertique trois fois plus grand que la France, sous forte emprise tribale, gorgé de pétrole, et commandé par un «guide» mégalomane obstiné cédant armes et munitions à ceux qui veulent bien les prendre. Cette profusion d'armes approvisionnerait les autoroutes du terrorisme longeant les marges sud du Maghreb et la zone subsaharienne afro-asiatique jusqu'au Yémen. En effet, fusils d'assaut, lance-grenades antichar, explosifs, détonateurs et armes anti-aériennes sophistiquées semblent avoir déjà pris la route du désert de Ténéré, désert des déserts situé au Niger non loin des frontières avec l'Algérie et la Libye et couru par les Touaregs jusqu'au Mali. La menace est d'autant plus réelle que les frontières séparant notamment le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Burkina-Faso et le Tchad, sont loin d'être sécurisées.
Au Moyen-Orient, la révolution syrienne brouille l'ordre géopolitique régional établi, par la magie des vétos américains successifs, en faveur d'Israël. Ce pays est désarçonné par la nouvelle configuration géopolitique régionale, indigné par la réconciliation palestinienne et le recours des Palestiniens aux plus hautes instances des Nations unies dans l'espoir d'une reconnaissance rétablissant leurs droits. De surcroît, il est confronté à la recrudescence du «mouvement des indignés» en quête de printemps impliquant les juifs et les populations arabes. En même temps, les puissances régionales gesticulent. D'un côté, l'Iran, débarrassé de l'Irak et allié de la Syrie, s'accorde la mission de protéger les intérêts de communautés chiites dans les secteurs du Machrek sunnite formé de l'Egypte, de l'Arabie Saoudite et de la Jordanie. En Arabie Saoudite, la peur d'une contagion sérieusement annoncée par les premiers remous créés par les réseaux sociaux appelant à la manifestation du 11 mars 2011, et réitérés le surlendemain, de nombreuses actions furent ordonnées  par un pouvoir vieillissant vivant dans la crainte de voir une démocratie ou une guerre civile s'installer au Yémen. L'avant-goût amer laissé par la révolte des Houthis de Saâda, dans la région frontalière de Jebel Al-Dukhane, justifie les craintes saoudiennes d'un embrasement du Yémen, pays dirigé par un grand manipulateur peu disposé à céder le pouvoir.
Redoutant que le soulèvement des Bahreïnis de Manama contre le régime de la dynastie sunnite d'Al-Khalifa ne produise un effet domino qui ébranlerait les autres monarchies pétrolières du Golfe arabe, particulièrement celles où le chiisme n'est pas totalement absent, et ne fendrait le cœur du système financier mondial, l'Arabie Saoudite n'a pas hésité, le 14 mars 2011, à envoyer ses troupes à Bahreïn à la demande de celui-ci et avec le soutien et la bénédiction des Etats-Unis.
Dans cette affaire, comme dans les autres révolutions, la première grande puissance s'est bornée à des déclarations sommaires, mesurées et graduelles. Craignant l'enlisement et les réactions de l'opinion américaine, elle n'est intervenue que par relais régionaux interposés, relais autorisés à utiliser ses bases avancées, particulièrement en Méditerranée.
La Turquie, jouant par excès d'optimisme la carte des gagnants, se réconcilie avec le Machrek au moment où les signataires de l'accord de Sykes Picot de 1916, démanteleurs de l'empire ottoman, bénis par les combattants révolutionnaires, s'emparent du dossier libyen. Membre de l'Otan depuis février 1952, l'Etat turc se comporte comme une puissance régionale sunnite côtoyant le flanc Est de l'aile chiite et offrant, à qui veut les accepter, ses bons offices et un modèle d'Etat laïque conciliant démocratie et Islam. Mais la fuite en avant de ce pays situé dans l'environnement stratégique immédiat du Caucase et de la mer Noire le rapproche non sans risques de la plus importante zone de turbulence et d'instabilité du Proche-Orient.
Ailleurs, et suite aux mouvements sociaux qui ont agité, sur le modèle «insurrectionnel» tunisien, la rive sud de la Méditerranée, les jeunes laissés-pour-compte et les classes moyennes de la rive nord, fragilisée par une conjoncture difficile, savent depuis des mois de quel côté se situe la peur. Proximité géographique oblige, la tendance frondeuse s'est emparée d'abord des marges sud de l'Union européenne, donnant lieu au «mouvement des indignés», expression d'un malaise profond lié à l'instabilité monétaire, à l'endettement public, aux plans d'austérité, au laminage du pouvoir d'achat et au chômage croissant des jeunes. Dans un contexte de mondialisation effrénée et sans régulation, l'Etat-providence devient incapable d'apporter les bonnes réponses aux revendications sociales, pas plus que les organisations syndicales. L'opuscule intitulé «Indignez-vous», publié par Stéphane Hessel et distribué dès 2010 à des centaines de milliers d'exemplaires en Europe et en Israël, donne le ton à cette fronde de jeunes gens ne croyant plus à l'alternance au pouvoir de grands partis, visiblement peu sensibles aux souffrances sociales.
Ce mouvement s'est déclenché effectivement le 15 mai 2011 place Puerta del Sol à Madrid, soit une semaine avant les élections municipales et régionales, contre la hausse du chômage massif des jeunes en Espagne. Au Portugal, des manifestations contre le plan d'aide négocié avec le FMI et l'Union européenne entraînant pendant au moins deux ans une augmentation du chômage et une baisse des revenus, ont eu lieu en mai également. Inspirés des manifestations pacifiques espagnoles, les indignés grecs réagiront de manière violente sur la place centrale d'Athènes contre les mesures d'austérité, l'annonce de privatisations immédiates, les hausses d'impôts et les coupes sociales. Plus récemment, les émeutes anglaises sont parties du quartier multiethnique défavorisé de Tottenham à Londres où un jeune de 29 ans est tué en août 2011 par les forces de l'ordre. Le mouvement gagne rapidement d'autres villes comme Birmingham, Liverpool et Bristol.
En fait, bien plus qu'une simple agitation sociale, succédant au décès d'un jeune ou à l'annonce de mesures d'austérité, les manifestations et les émeutes qui ont secoué tour à tour les villes de ces pays rappellent assez souvent, par leur ampleur, par la mobilisation des réseaux sociaux loin des revendications politiques partisanes et par la rapidité de la propagation de l'onde de choc à de nombreuses villes, les mouvements insurrectionnels initiés par la jeunesse tunisienne.
On ne le dira jamais assez. Le revers de la mondialisation est l'exclusion et la précarité sociale. La financiarisation de l'économie, sans régulation aucune, génère des profits sans création d'emplois et des crises rampantes qu'on ne parvient pas à régler à temps. La protection de l'épargne des contribuables n'est pas garantie. Le surendettement annonce le naufrage de l'Etat-providence et de l'action sociale. Tout autant que les révolutions arabes, les mouvements d'indignation refusent de se plier à l'ordre monopolistique d'un système financier antisocial qui exclut la plupart des hommes et des lieux. Ceux qui ont initié l'idée de la «marche des indignés» jusqu'à Bruxelles (17 septembre 2011) portaient dans leur tête un projet de «révolution mondiale» ! Les indignés de Wall Street qui protestent depuis le 17 septembre à New York contre les effets de la crise économique et la cupidité des banquiers pourraient peut-être le confirmer.
Dans les cas évoqués, le malaise économique est accru du fait de l'incapacité des structures politiques à se mettre à l'écoute de populations déjà précarisées et ignorées par les hauts lieux de l'économie mondialisée et de la finance internationale. Ceux-là ne sont nullement dérangés par un nivellement par le bas des politiques sociales ouvrant la voie au travail flexible, contractuel, précaire ou simplement «jetable». Etant donné le creusement des déficits et la hausse de la dette publique, il est difficile de convaincre les populations les plus précaires de consentir à l'austérité budgétaire, à la réduction des dépenses publiques, et au final, aux sacrifices sociaux qui leur sont liés.
Ainsi, il est clair qu'au vu de l'immense effet de leur révolution sur la géopolitique du monde actuel, les Tunisiens n'ont pas le droit de se soustraire à leur destinée. Aujourd'hui, ils ont le devoir de ne pas faillir.
Ceci n'est pas qu'un vœu.
Comme tous les mouvements qui lui ont succédé, la révolution tunisienne n'est pas un hasard; sa réussite est une nécessité.


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