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J'en appelle au génie d'un peuple à nul autre pareil (1)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 05 - 2011


Par Habib DLALA*
Sans vouloir remonter aux thèmes ou postulats de la géopolitique, il est aisé d'admettre que tout Etat, pour exister, assurer la permanence de ses institutions et garantir l'intégrité de son territoire, est appelé à neutraliser, sinon atténuer, l'effet des forces centrifuges qui mènent généralement à l'instabilité, à des conflits latents ou déclarés et quelquefois à des scissions irréparables. Ces forces, qui devraient normalement maintenir les gouvernements en alerte permanente, sont généralement liées aux clivages ethnolinguistiques, religieux et économiques ou simplement à une morphométrie peu avantageuse du territoire.
En Tunisie, plus qu'ailleurs dans le monde arabe, l'homogénéité linguistique et cultuelle de la population constitue le ciment béni de l'unité nationale. L'éclipse quasi totale du tribalisme renforce cette unité, même si certaines immanences tribales ressurgissent à la faveur de manipulations mal intentionnées ou malveillantes. Quant à la morphométrie du territoire, elle expose ses marges méridionales à des risques d'infiltration ou d'incursion territoriales. Les obus égarés qui pleuvent sur la zone frontalière séparant la Tunisie de la Libye est l'expression d'un nouveau tournant géopolitique qui constitue aujourd'hui l'un des défis les plus difficiles que la Tunisie doit relever avec beaucoup d'adresse.
Un tournant géopolitique difficile
A l'heure du changement démocratique, la persistance de la crise libyenne crée une double menace, la première est liée à l'exode massif de réfugiés qu'il faut accueillir, héberger, nourrir et soigner, en attendant de les rapatrier, et la deuxième aux risques d'infiltration, de débordement frontalier ou de violation des points de passage aux frontières. Ces risques nécessitent la mise en place d'un «système de vigilance collective» et de gros efforts d'endiguement que l'armée nationale, d'ores et déjà mobilisée à assurer la sécurité interne du territoire, doit déployer. Les incursions répétées au poste de Dhehiba pourraient produire un vent de panique susceptible de générer la dispersion des réfugiés, surtout ceux difficilement rapatriables, en dehors des zones d'accueil.
Sur un autre plan, l'empressement des puissances à intervenir en Libye peut être interprété comme une réaction libératrice engagée contre des dictatures qu'elles ont soutenues pendant plusieurs décennies mais aussi comme une manœuvre impérialiste dirigée contre la propagation de l'onde de choc de la révolution tunisienne jugée comme un tournant brutal qui rompt avec le traditionnel appui apporté aux régimes fantoches de la région. La réticence de certains à s'aligner sur les Etats-Unis (France), le désir d'étendre leur influence sur le Maghreb et le Moyen-Orient pour d'autres (Allemagne), la peur d'un afflux de boat people de Tunisie et de Libye (Italie), la crainte d'une contagion qui risque de déstabiliser le Nord du Caucase (Russie) traduisent les divergences du monde occidental; sans compter les campagnes de dénigrement orchestrées par les médias sionistes, bouleversés par les effets déstabilisateurs des révolutions arabes sur l'Etat d'Israël. Mais, quoi qu'il en soit, l'enlisement en Libye et les risques de débordement sur la Tunisie prouverait, dans la logique des néo-impérialistes, l'incapacité des arabes à s'affranchir de la dictature sans intervention civilisatrice/salvatrice étrangère.
En somme, l'ingérence des puissances occidentales aiderait à jeter le discrédit sur le modèle de la révolution tunisienne dont le souffle pourrait se propager au-delà des limites du monde arabe et menacer les intérêts vitaux de ces puissances dans la région.
Ainsi, autant nous sommes tenus de préserver l'intégrité du territoire national, autant nous sommes obligés de réussir notre révolution car, en cas d'échec, nous endosserons la responsabilité des milliers d'insurgés qui se sont sacrifiés dans le monde arabe pour avoir été convaincus de la justesse de notre cause et de la légitimité de notre révolution.
De lourdes menaces internes
Dans un autre registre, peut-être plus décisif aujourd'hui, les lourdes menaces internes qui planent sur le pays depuis quelques mois ne relèvent pas des forces centrifuges habituelles mais d'un contexte post-révolutionnaire instable où le processus démocratique peine à donner ses premiers fruits. Souffrant d'un déficit flagrant de légitimité et/ou d'audience, les acteurs qui le commandent vivent mal un moment de mutation radicale, une aventure historique pour laquelle aucun n'est armé.
Parmi les acteurs, il y a d'abord ceux qui tentent d'usurper la révolution à leur gré et projet en développant des rhétoriques tournées vers l'accaparement d'une révolution acéphale, sans guide ni leader. Qu'il s'agisse d'opportunistes promettant le salut à nos âmes au lieu de proposer un programme citoyen pour la dignité et la liberté, ou de forces politiques aigries par de longues années de répression et confinées dans des anachronismes idéologiques nationalistes que les jeunes ne sont pas prêts à comprendre, les divergences qui séparent les élites ne peuvent que compromettre, ou pour le moins, retarder la transition démocratique, et de ce fait, laisser la voie ouverte à l'anarchie.
La proéminence du débat sur les modalités de la transition démocratique ne peut mettre une sourdine à l'enthousiasme des provocateurs de tout bord : nouveaux agitateurs à la solde de forces occultes dont on dira qu'elles sont connues (?), cyber-manipulateurs chevronnés semant le doute et la discorde ou bandits de tout acabit, voleurs et casseurs arrogants, sans oublier les évadés de certains pénitenciers urbains.
Certes, la retenue dont ont fait preuve les forces de l'ordre, à l'exception de quelques bavures troublantes, et la neutralité de l'Armée nationale épargnent au pays les réactions et complications pesantes et peu souhaitables à un moment où la légitimité n'est plus que de fait. Les élites indépendantes et celles qui se sont structurées au sein de partis politiques ou d'associations civiles devraient s'affranchir de leur statut d'opposants et aider les rares et fragiles institutions provisoires à l'œuvre, c'est-à-dire celles symbolisant la pérennité de l'Etat et dont les jours sont bien comptés. Elles devraient aider à la sécurisation de la société sur toute l'étendue du territoire et veiller à celle des acteurs économiques nationaux ou étrangers.
Un dossier social pesant
Outre l'agitation provoquée par les forces occultes précédemment soulignées, les revendications sociales, légitimes pour beaucoup d'entre elles, se sont multipliées après la révolution dans les institutions de l'Etat et les entreprises publiques et privées, réclamant le départ des dirigeants présumés corrompus et/ou complices du pouvoir déchu, la régularisation de situations socioprofessionnelles précaires, la titularisation des contractuels, l'intégration des personnels des entreprises de sous-traitance liées à des donneurs d'ordres publics et l'augmentation de salaires dans de nombreuses branches économiques. Les négociations salariales sectorielles entre patrons et syndicats devraient démarrer bientôt, même si l'amélioration du Smig est déjà officiellement annoncée.
Sans doute, et d'autres l'ont déjà souligné, l'amplification des revendications sociales impatientes menacent la paix sociale et secouent une économie affaiblie, à la cadence ralentie et qui ne parvient pas à prendre l'envol souhaité. Préoccupés par l'acquisition d'une assise populaire et par l'improvisation de programmes sommaires, les forces politiques émergentes ne semblent pas mesurer les enjeux d'un glissement économique ou entrevoir les conséquences de l'amenuisement déjà inquiétant des réserves en devises, le gonflement de la dette extérieure, les risques d'inflation par les salaires dont la hausse s'est «révolutionnairement» affranchie de la réalisation des gains de productivité, ceux liés au désinvestissement ou à la rétraction de l'investissement, à la désalarisation forcée et à l'amenuisement des opportunités de création d'emplois.
Il y aurait une certaine naïveté à penser que le problème social se borne aux difficultés de préserver les emplois existants ou à en accroître le nombre. Cette réalité est compliquée par la recrudescence du travail informel imposée déjà par la conjoncture avant le début de l'insurrection. D'un côté, le plan d'ajustement structurel suscite la réduction de la part des salaires dans le budget de l'Etat et le développement des formules contractuelles d'embauche. De l'autre, la mondialisation de la production, des échanges et de la finance, tout en modifiant la hiérarchie des lieux, engage un «développement par le haut» portant les efforts de développement dans les plus grands centres urbains et marginalisant, de ce fait, les régions et sous-régions déprimées. L'ordonnance du PAS et la mondialisation ont beaucoup contribué à accélérer l'informatisation des activités économiques et de la production immobilière désormais organisées en véritables circuits urbains illicites.
L'accès facile à ces circuits, qui constitue une alternative spontanée à l'emploi institutionnel et au logement réglementaire, est produit par le dysfonctionnement des marchés du travail et du logement et son corollaire, la recrudescence du chômage déguisé et de l'autoconstruction spontanée non réglementaire. Créant des formes marginales de subsistance, les circuits économiques informels sont alimentés par toutes sortes de trafics qu'une vulgaire pieuvre familiale corrompue a cherché à s'accaparer progressivement avant le 14 janvier 2011. A l'ombre des transactions et des trafics frontaliers se sont développés des circuits «cambistes» opérant sur des marchés de change parallèles plus ou moins opaques, dans tous les cas non contrôlés.
La prévalence des circuits informels dans les régions laissées pour compte et dans les quartiers périurbains socialement précaires, tout en refroidissant le marché de l'emploi, crée une précarité sociale grandissante traduisant l'échec de la politique sociale. Les signes avant-coureurs de ce processus n'ont pas été perçus à temps : d'abord à Redeyef suite à un concours d'embauche qui a mal tourné, ensuite à Ben Guerdane où se sont produits les événements d'août 2010 en raison des restrictions apportées par la Libye au commerce informel transfrontalier pour les habitants du Sud; enfin à Sidi Bouzid où l'insurrection du Centre-Ouest s'est associée à l'informalité d'un marchand ambulant et à celle d'une ville envahie pour une bonne moitié par une précarité sociale intolérable amplifiée par le chômage des jeunes. L'envahissement de nos centre-villes par les activités de commerce parallèle anarchique est une autre manifestation de cette informalité croissante qui invite à un recentrage de l'action politique sur les objectifs sociaux.
Le départ de feu de l'insurrection étant une auto-immolation par le feu d'un actif de l'informel allumant un foyer urbain où sévissent le chômage, l'informalité et la précarité, les forces politiques qui se sont attelées si vigoureusement à l'accomplissement de la transition démocratique tant nécessaire au pays, ne doivent pas oublier que l'insurrection a été, dans sa première phase, l'expression d'une colère contre l'indigence et le chômage, pour l'emploi et la dignité. Elles doivent se rappeler que ceux qui rempliront les urnes ne sont pas les élites petites bourgeoises qui se plaisent à la polémique mais surgiront massivement des foyers de population vivant de et dans l'informalité. A ceux-là, il faudra promettre, non pas de l'assistance sociale et de la spiritualité, mais de l'emploi digne et des conditions de vie décentes. Cela épargnera à notre chère Tunisie un nouveau départ de feu qui risque d'instaurer durablement le chaos.
H.D.
*( Ancien doyen)


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